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Présence nocturne

Paris
Maison de Radio France
02/04/2003 -  

Valerio Murat : Arès (création française)
Hans Werner Henze : Quatuor n° 5 «In memoriam Benjamin Britten» (création française)
Hommages à Henze (créations) :
Pierre Farago : Quartettsatz, d’après la Symphonie n° 1
Takuya Imahori : Commentaire sur la Symphonie n° 2
Alain Fourchotte : Apologia, d’après la Symphonie n° 3
Peter Ruzicka : Echo, d’après la Symphonie n° 4
Bechara El-Khoury : Hommage, variations sur la Symphonie n° 5
Walter Boudreau : Finale(ment), d’après la Symphonie n° 6
Lucia Ronchetti : Mirages, d’après la Symphonie n° 7
Luca Antignani : Hommage à Henze, d’après la Symphonie n° 8
Jean-Jacques di Tucci : Réminiscence, d’après la Symphonie n° 9
Thierry Machuel : Oublieuse mémoire, d’après la Symphonie n° 10
Henri Dutilleux : Ainsi la nuit


Quatuor Renoir : Hélène Collerette, Florent Brannens (violons), Fanny Coupe (alto), Raphaël Perraud (violoncelle)


Henze et Dutilleux présents (et devisant à l’entracte), les mânes de Britten invoqués, trois des douze compositeurs ayant participé à l’hommage rendu en 1976 à Paul Sacher sur l’initiative de Rostropovitch étaient ainsi réunis. Poursuivant l’exploration et la mise en perspective de l’œuvre de Hans Werner Henze, Présences 2003 proposait en effet un émouvant concert de musique de chambre, entamé par la création française d’Arès (2002) de l’Italien Valerio Murat (né en 1976). Cette brève pièce (cinq minutes), qui a obtenu le prix Gaudeamus 2002 (Amsterdam), fait alterner des éruptions de fusées virtuoses et spectaculaires avec de courtes plages de calme, voire de silence.


Emouvant concert, car le Cinquième quatuor de Henze, donné à cette occasion en création française - on se demande en vain par quelle aberration - pas moins de vingt-six ans après sa première exécution (!), aura produit une forte impression. En moins de trois ans (1975-1977), Henze, qui n’avait pas abordé le genre depuis plus de vingt ans et qui n’y est d’ailleurs pas revenu depuis lors, a écrit trois quatuors, chacun dédié à la mémoire d’une personnalité (respectivement les simples initiales M.A.G., le musicien chilien Victor Jara et Benjamin Britten). Les six mouvements, de durées inégales, de ce Cinquième quatuor (vingt-cinq minutes) possèdent une fonction narrative menant, au travers d’une nuit où, selon le compositeur, «surgissent des cauchemars et des fantômes, qui parlent des fleurs du mal, d’engourdissements, d’hallucinations, de terreurs», vers «une représentation du jour nouveau où les spectres et les peurs regagnent leurs sinistres tanières, s’évanouissent jusqu’à devenir invisibles, inconcevables, comme s’ils n’avaient jamais existé».


De fait, après un premier mouvement d’allure modérée, d’un lyrisme pudique, intervient une sorte de scherzo, marqué «hors d’haleine, sauvage», où chaque instrument semble suivre un chemin erratique sans se soucier des quatre autres, pour se retrouver in extremis dans une course poursuite vers l’aigu. Suivent quelques fragments épars et désolés, avant qu’un magnifique solo de violoncelle ne conduise au centre émotionnel du quatuor, dans une tendresse qui paraît suspendre le temps. A nouveau, les bribes de discours du cinquième mouvement («silencieux, lointain») débouchent sur un final (Chant du matin) dont la complexité s’éclaircit progressivement, pour conclure sur un sommet d’expression à la fois passionnée et apaisée.


Emouvant concert, car Radio France avait réservé à Henze ce bel hommage consistant à commander à dix compositeurs une minute de musique pour quatuor dans laquelle chacun «commenterait» l’une des dix symphonies du maître allemand. Avec des moyens fort différents, certains se joueront de la contrainte avec astuce, d’autres avec élégance, d’autres encore avec détermination, mais deux observations d’ordre général peuvent être avancées : le lien avec les symphonies ne saute pas toujours aux oreilles - mais une double subjectivité, celle de l’écoute du compositeur et, ensuite, celle par laquelle il restitue cette écoute, intervient fort légitimement - et ces différents aphorismes se succèdent de façon raisonnablement composite, sans trop de ruptures stylistiques, malgré la variété des écoles convoquées.


On aura donc pu découvrir en première audition, dans l’ordre et en présence de sept d’entre eux, le romantique Quartettsatz de Pierre Farago (né en 1969), le Commentaire agité, voire frénétique, de Takuya Imahori (né en 1978), l’Apologia d’Alain Fourchotte (né en 1943), plus dépouillée et fondée sur les sonorités, l’impalpable Echo de Peter Ruzicka (né en 1948), l’Hommage expressionniste de Bechara El-Khoury (né en 1957), le Finale(ment) webernien de Walter Boudreau (né en 1947), les Mirages particulièrement denses et expressifs de Lucia Ronchetti (née en 1963), l’Hommage à Henze, d’une grande agilité rythmique, de Luca Antignani (né en 1976), la Réminiscence toute en économie de moyens de Jean-Jacques di Tucci (né en 1958) et l’Oublieuse mémoire, légère et séduisante, de Thierry Machuel (né en 1962).


Emouvant concert, car il se concluait sur un rapprochement - inattendu, mais d’une formidable intelligence de programmation - entre deux univers que tout pourrait pourtant opposer : en effet, Ainsi la nuit, l’unique - à tous les sens du terme - quatuor d’Henri Dutilleux, est sans doute aussi «français» dans son traitement abstrait et magique de la matière sonore que le quatuor de Henze était «allemand» dans sa démarche programmatique et fantastique. Mais les deux œuvres datent exactement de la même année (1977), celle de Dutilleux a été créée par le Quatuor Parrenin, qui avait été le premier à interpréter… le Deuxième quatuor de Henze, vingt-cinq ans plus tôt, et, surtout, elles partagent ce même souci d’évoquer, quoique de façon tellement différente, les sortilèges nocturnes qui ont inspiré tant de compositeurs.


Le Quatuor Renoir, constitué depuis 1995 par quatre membres de l’Orchestre philharmonique de Radio France, aura fait preuve, dans ce programme aussi varié que périlleux, d’une concentration, d’une bravoure et d’une musicalité qui ont tenu un rôle essentiel dans le succès de cette soirée.


Concert retransmis sur France-Musiques le dimanche 9 février à 19 heures.



Simon Corley

 

 

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