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Gershwin fait swinguer Genève Geneva Grand Théâtre 12/13/2025 - et 14, 16, 17*, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 29, 30, 31 décembre 2025 George Gershwin : An American in Paris Christopher Austin (orchestration), Don Sebesky, Bill Elliott (orchestrations supplémentaires), Sam Davis (arrangement chorégraphiques), Rob Fisher (adaptation, arrangement et supervision de la partition musicale)
Robbie Fairchild (Jerry Mulligan), Anna Rose O’Sullivan (Lise Dassin), Emily Ferranti (Milo Davenport), Etai Benson (Adam Hochberg), Max von Essen (Henri Baurel), Rebecca Eichenberger (Madame Baurel), Scott Willis (Monsieur Baurel), Julia J. Nagle (Olga, Madame Dutois), Todd Talbot (Mr. Z), Charlie Bishop (Mr. Dutois)
Orchestre de la Suisse romande, Wayne Marshall (direction musicale)
Christopher Wheeldon (mise en scène, chorégraphie), Dontee Kiehn (collaboration à la mise en scène et à la chorégraphie), Bob Crowley (décors, costumes), Natasha Katz (lumières), Jon Weston (son), 59 Studio (vidéos)
 (© Gregory Batardon)
Pour les fêtes de fin d’année, le Grand Théâtre de Genève a eu l’excellente idée de programmer non pas une opérette – comme c’est généralement le cas – mais la comédie musicale Un Américain à Paris, en première suisse. Basé sur le film éponyme de Vincente Minelli (réalisé en 1951, avec Gene Kelly et Leslie Caron, et récompensé par six Oscars), qui était lui‑même inspiré du poème symphonique de Gershwin, le spectacle a été créé au Théâtre du Châtelet en 2014, avant de triompher à New York, à Londres puis un peu partout dans le monde et de récolter plusieurs Tony Awards. Dix ans plus tard, il n’a pas pris une seule ride et a été ovationné par le public genevois, enthousiasmé par cet hymne à la joie de vivre après des heures sombres.
La partition comprend bien évidemment le poème symphonique de Gershwin An American in Paris ainsi des tubes tels que « I’ve got rythm », « The Man I Love » ou encore « S’wonderful », mais aussi des pages un peu moins connues, comme des extraits du Concerto en fa pour piano et orchestre ou de l’Ouverture cubaine, sans parler de passages beaucoup plus confidentiels, le tout dans un agencement parfaitement fluide. La musique est un habile mélange de jazz, de blues et de mélodies françaises, avec force rythmes syncopés et passages lyriques.
L’intrigue se déroule peu de temps après la Seconde Guerre mondiale : Jerry Mulligan, un ancien G.I., décide de s’installer à Paris pour y étudier la peinture. Il loue une chambre en plein cœur de Montmartre et se lie rapidement d’amitié avec Adam Cook, un pianiste, américain exilé comme lui. Adam était autrefois l’accompagnateur d’Henri Baurel, un chanteur devenu célèbre. Celui‑ci vient rendre visite aux deux compères. Il est fiancé à Lise, une vedette de music‑hall, dont Jerry tombe fou amoureux. Adam est, lui aussi, sous le charme de Lise. Autour de ce petit monde gravite en outre Milo Davenport, une belle mécène américaine éprise de Jerry.
Le spectacle conçu par Christopher Wheeldon recrée une atmosphère parisienne particulièrement vibrante, avec des scènes quotidiennes animées, évoquant l’effervescence de la ville. On le sait, le poème symphonique Un Américain à Paris a été composé par George Gershwin en 1928, inspiré par son voyage en Europe, capturant les sons de la ville avec l’utilisation de klaxons d’automobiles. Sur un écran dressé au fond de la scène sont projetés des immeubles haussmanniens, des façades de gares, les bords de Seine ou encore la place de la Concorde, alors que sur le plateau, la capitale française est évoquée par des colonnes Morris ou des lampadaires. Les différents tableaux s’enchaînent sans aucun temps mort et les costumes sont un régal pour les yeux. Contrairement au film, le livret de Craig Lucas évoque aussi des aspects plus sombres tels que la vie quotidienne à la Libération, la collaboration, avec son lot de femmes tondues, ou encore le retour des camps.
Le spectacle est d’abord un ballet. On retrouve le Jerry de 2014 de Robbie Fairchild – ancien danseur principal du New York City Ballet – toujours aussi lumineux et élancé. Anna Rose O’Sullivan – danseuse étoile du Royal Ballet de Londres – incarne avec brio une Lise gracieuse et très élégante. Leur formation classique leur permet d’être aussi à l’aise dans les pas de deux que dans les scènes plus jazzy. Les autres membres de la troupe sont à l’avenant, tous d’excellents danseurs qui sont aussi de très bons chanteurs et comédiens, à l’instar des artistes anglo‑saxons de comédie musicale. Sous la direction de Wayne Marshall, l’Orchestre de la Suisse romande, qui sort pour l’occasion de son répertoire, livre une performance vive et animée, soulignant chaque détail de la partition. Un superbe spectacle de fêtes de fin d’année.
Claudio Poloni
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