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Quatre mondes München Herkulessaal 12/04/2025 - et 5*, 6 décembre 2025 Carlos Simon : Four Black American Dances
Bernd Alois Zimmermann : Concerto pour trompette « Nobody knows the trouble I see »
Richard Strauss : Till Eulenspiegels lustige Streiche, opus 28
Maurice Ravel : La Valse
Håkan Hardenberger (trompette)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Andris Nelsons (direction)  (© Bayerische Rundfunk/Astrid Ackermann)
Ce n’est pas la première fois qu’Andris Nelsons dirige en Europe ces Four Black American Dances. Il les avait données lors de la tournée de l’Orchestre symphonique de Boston en 2023. La première, « Ring Shout », permet d’apprécier les qualités d’orchestration du compositeur américain. Les glissandos des trompettes et le traitement inventif des cuivres témoignent d’une imagination sonore certaine. Les deuxième (« Waltz ») et troisième (« Tap! ») danses souffrent d’un développement trop sommaire. La quatrième, « Holy Dance », un peu frénétique et non dépourvue d’attraits, ne parvient pas davantage à convaincre. Comme le notait Laurent Barthel en 2023, on cherche en vain ce que cette partition apporte par rapport à ce que faisait un Leonard Bernstein dans un style assez proche – et surtout face à une orchestration assez massive.
Le contraste avec l’univers sonore proposé par le Concerto pour trompette de Bernd Alois Zimmermann est d’autant plus frappant. L’orchestration, d’une subtilité remarquable, reste constamment précise et jamais boursouflée, chaque détail trouvant sa place dans l’équilibre général. La partie centrale, aux inflexions jazzy, n’est pas sans rappeler la scène de la taverne de l’opéra Les Soldats. Les citations du gospel Nobody knows the trouble I see ont beaucoup de caractère.
C’est un plaisir de pouvoir entendre Håkan Hardenberger. Il est à la trompette ce qu’un Rostropovitch était au violoncelle : une maîtrise technique exceptionnelle, une sonorité chaude et une grande dynamique mais toujours au service du phrasé et de la profondeur musicale. Longuement applaudi, le trompettiste suédois donne en bis une improvisation sur My Funny Valentine.
Dans les deux œuvres qui composent la seconde partie du programme, Andris Nelsons privilégie résolument l’apollinien au dionysiaque : tempi mesurés, travail minutieux sur les équilibres et les ensembles, recherche constante des lignes et des enchaînements. Le niveau instrumental de l’orchestre munichois est comme toujours remarquable, avec des interventions superlatives de Carsten Duffin au cor et de Bettina Faiss au cor anglais dans Strauss, ainsi que de Magdalena Hoffmann à la harpe dans Ravel.
Cette recherche de clarté et de mesure convient mieux à Ravel qu’à Strauss. Ce Till apparaît un peu trop sage, comme domestiqué, là où l’œuvre réclame davantage de facétie. En revanche, La Valse bénéficie largement de cette approche. Nelsons et ses musiciens trouvent vers la fin de l’œuvre un crescendo très long, qui demande une réelle compréhension de l’architecture de la partition et une capacité à la faire ressortir. Cela nous rappelle qu’il ne faut pas hésiter à jouer Ravel avec une certaine distance pour envoûter l’auditeur.
Antoine Lévy-Leboyer
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