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Ferveur flamande

Paris
Philharmonie
12/01/2025 -  et 3 (Löningen), 5 (Berlin) septembre, 23 (Essen), 25 (Hamburg), 27 (Bregenz) novembre 2025, 3 décembre (Bruxelles) 2025, 14 (La Rochelle), 16 (Poitiers), 18 (Reggio Emilia), 19 (Lugano) mars 2026
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur « Eroica », opus 55
Luigi Cherubini : Requiem en ut mineur

Collegium Vocale Gent, Maria van Nieukerken (cheffe de chœur), Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)


P. Herreweghe (© Sébastien Gauthier)


Alors que le Louvre présente actuellement une grande exposition consacrée au peintre David, qui justifie par ailleurs un copieux programme musical au sein même du musée (voir ici), la Philharmonie de Paris affichait ce soir un autre programme napoléonien (intitulé d’ailleurs « Sur les traces de Napoléon » si l’on se réfère au site du chœur du Collegium Vocale) avec la symphonie qui lui fut dédiée et une œuvre d’un compositeur qui tenait l’Empereur en piètre estime, et vice versa (« Citoyen consul, mêlez‑vous de gagner des batailles, et laissez‑moi faire mon métier auquel vous n’entendez rien » aurait, selon Berlioz, lancé Cherubini à l’attention du grand homme…), ...).


Pour l’occasion, la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris accueillait l’Orchestre des Champs‑Elysées et son chef historique, Philippe Herreweghe, dans un programme donné à la Musikfest de Brême puis à Berlin au début du mois de septembre et qui fait actuellement l’objet d’une petite tournée européenne avant une reprise au début du printemps. Certes, à 78 ans passés, le pas est quelque peu précautionneux mais le chef n’a perdu ni ses yeux malicieux (derrière ses immuables petites lunettes), ni son sourire goguenard (que l’on peut voir lorsque, comme à son habitude, il aime à jeter un regard sur les premiers rangs du public en donnant à l’occasion un départ au pupitre des premiers violons), arborant comme souvent une ample tunique noire qui lui permet d’user à sa guise de sa gestique si particulière mais diablement efficace.


Dans la Symphonie « Héroïque » de Beethoven, Philippe Herreweghe parvient à un équilibre assez idéal entre interprétation « historiquement informée » (pour reprendre l’expression consacrée) et grand geste qui englobe toute la symphonie (et qui ne cherche pas à faire un sort à la moindre note). Il en résulte une version extrêmement vivifiante qui emporta la totale adhésion du public. Dès l’Allegro con brio, le chef flamand lança avec détermination un orchestre aux cordes vif‑argent, privilégiant la dynamique et l’équilibre entre une petite harmonie un rien timide (les instruments d’époque sonnent évidemment plus petit que les modernes) et un quatuor virtuose de trente‑et‑une cordes (neuf premiers violons, sept seconds, six altos, cinq violoncelles et quatre contrebasses) sur la masse orchestrale et le legato auquel notre oreille est plus fréquemment habituée. Certes, les trois cors naturels peuvent parfois accrocher ou la mise en place pourrait être plus parfaite mais quelle vie, quel entrain, quel jeu sur les nuances et l’accentuation ! La Marcia funebre ne révèle aucune pesanteur, les accents tragiques des contrebasses vous prenant immédiatement à la gorge tandis que hautbois et flûte solo semblent parfois folâtrer dans un climat empli d’une indicible grandeur. La vivacité du Scherzo témoigne de l’excellence de l’orchestre, tout particulièrement des cordes emmenées par le premier violon Alessandro Moccia, vieux compagnon de route de Philippe Herreweghe dont la battue, a priori toujours aussi peu précise, fait de nouveau merveille. Quant au Finale. Allegro molto, le chef flamand sait où il va : droit devant ! Variété des timbres, timbales déchaînées (Stefan Gawlick, excellent tout au long de la soirée), cors truculents : on en redemande.


Même si son opéra-phare Médée est parfois donné ici ou là (voir encore récemment à Paris), il est malheureusement rare d’entendre les œuvres chorales de Luigi Cherubini (1760‑1842). Et parmi celles‑ci, il faut bien quelqu’un ayant l’aura d’un Riccardo Muti pour défendre le Requiem en ut mineur (1816), le chef italien l’ayant dirigé tant au Festival de Saint‑Denis qu’au Musikverein à Vienne. A ne pas confondre avec le Requiem en ré mineur (1836) pour chœur d’hommes et orchestre, la présente partition, commande du roi Louis XVIII à la mémoire de Louis XVI dont il était le frère cadet, requiert un orchestre symphonique, un chœur mixte mais pas de soliste. Dans cet exercice, le Collegium Vocale de Gand fut évidemment parfait, comme d’habitude pourrait‑on dire : intentions parfaitement transmises, rage dans le « Dies Iræ », mots susurrés dans l’« Offertoire », jubilation contagieuse à la fin du même passage... Les trente‑deux chanteurs furent irréprochables tout au long de ce Requiem de près de 50 minutes, dont la structure est à peu près la même que pour l’autre Requiem, avec notamment un « Sanctus » et un « Pie Jesu » assez brefs, précédant un « Agnus Dei » plus long et, dans l’un comme dans l’autre, de toute beauté.


Philippe Herreweghe dirige l’ensemble avec tout l’art qu’on lui connaît dans la musique sacrée (Bach bien sûr mais n’oublions pas Gesualdo ou même Dvorák). Son sens des équilibres (quitte à doucement réfréner ici ou là les cordes ou les trois trombones) tient de l’évidence, l’orchestre lui répondant au doigt et à l’œil. En outre, on se délecte de timbres instrumentaux savoureux à l’image des deux bassons doublés par les violoncelles au début de l’« Introitus » et du « Kyrie ». Herreweghe nous livre tour à tour un des « Dies Iræ » sans doute les plus terrifiants de toute la musique sacrée jamais écrits, l’alliance entre hautbois et voix de sopranos dans l’« Offertoire » offrant au public des accents presque surnaturels. Les nombreux micros placés sur scène laissent‑ils augurer d’une future parution discographique ? On l’espère en tout cas tant ce concert fut le témoignage d’une magnifique soirée musicale.

Le site de l’Orchestre des Champs-Élysées
Le site du Collegium Vocale de Gand



Sébastien Gauthier

 

 

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