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Donizetti tord le cou au mariage Bergamo Teatro Sociale 11/15/2025 - et 23, 28* novembre 2025
Gaetano Donizetti : Il campanello Lucrezia Tacchi (Serafina), Eleonora de Prez (Madama Rosa), Pierpaolo Martella (Don Annibale Pistacchio), Francesco Bossi (Enrico), Giovanni Dragano (Spiridione)
Gaetano Donizetti : Deux hommes et une femme
Cristina De Carolis (Rita), Cristobal Campos Marin (Pepé), Alessandro Corbelli (Gasparo)
Coro dell’Accademia Teatro alla Scala, Salvo Sgrò (préparation), Orchestra Gli Originali, Enrico Pagano (direction musicale)
Stefania Bonfadelli (mise en scène), Serena Rocco (décors), Valeria Donato Bettella (costumes), Fiammetta Baldiserri (lumières)
 (© Studio U.V./Donizetti Opera - Fondazione Teatro Donizetti)
Le Festival Donizetti de Bergame a eu l’excellente idée de faire découvrir au public, la même soirée, deux opéras bouffes méconnus du compositeur, dont le point commun est de tourner en dérision l’institution du mariage. Les ouvrages se sont succédé dans l’ordre chronologique de leur création : d’abord Il campanello puis Deux hommes et une femme.
Il campanello (La Sonnette en français) est un opéra bouffe (farsa) en un acte, créé en 1836 à Naples. La particularité de cet ouvrage est que Donizetti en a écrit lui‑même le livret, s’inspirant d’un vaudeville français (La Sonnette de nuit de Léon Lévy Brunswick, Mathieu-Barthélemy Troin et Victor Lhérie (1835). Sa composition survient dans une période douloureuse de sa vie, marquée par des deuils familiaux. Deux hommes et une femme est également une farce en un acte, composée par Donizetti en 1841 sur un livret de Gustave Vaëz, après son départ pour Paris. L’ouvrage ne sera créé qu’en 1860 car il a d’abord été refusé par l’Opéra-Comique. La partition sera retrouvée dans un tiroir par les héritiers de Donizetti et verra le jour dans la capitale française douze ans après la mort du compositeur, sous le titre Rita, ou le mari battu, sous lequel l’ouvrage est plus communément connu aujourd’hui encore.
Dans Il campanello, qui se déroule à Naples, Don Annibale Pistacchio, un pharmacien d’un certain âge, vient d’épouser la jeune Serafina. Son ex‑amant, Enrico, est déterminé à gâcher leur nuit de noces. Il sonne à plusieurs reprises la nuit à la porte de la pharmacie, se déguisant en différents personnages (un dandy français, un chanteur puis une vieille femme) pour obliger l’apothicaire à s’occuper de prétendus besoins médicaux, l’empêchant ainsi de rejoindre sa femme avant son départ pour Rome le lendemain matin. Et, une fois le mari parti, c’est donc Enrico qui se glissera tout naturellement dans le lit conjugal ! Deux hommes et une femme se concentre sur un trio de personnages : Rita, son second mari tyrannisé Pepé, et son premier mari Gasparo, que l’on croyait mort. Gasparo revient pour obtenir un certificat de décès afin de se remarier, mais découvre que Rita est vivante. Survient alors une série de quiproquos durant lesquels les deux hommes tentent chacun de perdre au jeu pour éviter de rester avec Rita.
La mise en scène de Stefania Bonfadelli a réuni habilement les deux ouvrages, assez disparates au demeurant, grâce à l’ingénieux décor unique de Serena Rocco : côté jardin, le bar de l’hôtel Rita, dans lequel se réunissent les invités du mariage, et au‑dessus duquel Rita observe tout ce qui se passe en contrebas ; côté cour, la devanture d’une pharmacie, avec la sonnette du titre, le tout dans des costumes bariolés des années 1960. La production est efficace et dynamique, pleinement ancrée dans l’esprit de la farce, les gags s’enchaînent sans discontinuer, dans une atmosphère légère et pétillante, déclenchant les fous rires du public.
La distribution, composée majoritairement de jeunes chanteurs issus de la « Bottega Donizetti » (l’académie de chant du festival), mérite tous les éloges. En première partie de soirée, dans le rôle du pharmacien cocu, Pierpaolo Martella fait forte impression avec sa voix bien timbrée et homogène sur toute la tessiture. Dans le personnage de l’amant, Francesco Bossi séduit, quant à lui, par son agilité vocale et ses vocalises précises. Lucrezia Tacchi incarne une Serafina à la voix agile et aux aigus rayonnants. La seconde partie de la soirée est emmenée par le splendide Gasparo d’Alessandro Corbelli (le seul dont le français est parfaitement compréhensible), avec son chant tout en nuances et son incroyable verve comique. Dans le rôle du mari souffre-douleur, Cristóbal Campos Marín force l’admiration par l’étendue et la souplesse de sa voix. Enfin, Cristina De Carolis incarne une Rita vive et expressive à souhait. A la tête de Gli Originali, une formation sur instruments d’époque, Enrico Pagano a fourni un soutien solide et dynamique aux chanteurs, contribuant à l’atmosphère légère et rythmée des deux ouvrages. Sa direction peut être considérée, à juste titre, comme un point fort de la soirée.
Claudio Poloni
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