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Parodie à double fond Reims Opéra 11/29/2025 - et 16, 18 (Tours), 30* (Reims) novembre, 13, 14, 17, 19, 20 décembre (Paris) 2025 Hervé : Le Petit Faust Charles Mesrine (Faust), Anaïs Merlin (Marguerite), Mathilde Ortscheidt (Méphisto), Igor Bouin (Valentin), Maxime Le Gall (Patrick Lepion)
Les Frivolités Parisiennes, Sammy El Ghadab (direction musicale)
Sol Espeche (mise en scène), Oria Puppo (scénographie), Sabine Schlemmer (costumes), Aurélie Mouilhade, Karine Girard (chorégraphie), Simon Demeslay (lumières)
 (© Christophe Raynaud de Lage)
En 1869, le Faust de Gounod passe à l’Opéra, avec récitatifs et ballet. Sept semaines après Hervé, « père de l’opérette » avant Offenbach lui‑même, présente son Petit Faust aux Folies-Dramatiques. Voici le vieux savant professeur d’élèves dissipés, auquel Valentin confie imprudemment sa sœur avant de partir à la guerre. Mais Marguerite est délurée et aguicheuse... on devine la suite. A la fin, Méphisto condamne les amants à ne plus se quitter : Valentin, que Faust a tué, est vengé. Hervé multiplie les clins d’œil. Certains sont citations, comme celle du Chœur des soldats... ou celle de la fanfare précédent la Marche hongroise de La Damnation de Faust de Berlioz. D’autres sont plus allusifs – la parodie de la Valse, le « Ne permettrez-vous pas, ma belle demoiselle », de la Ballade du Roi de Thulé, où la coupe devient une paire de bretelles, de la Ronde du veau d’or, qui clôt l’opéra‑bouffe au palais de Va—te‑purgis, par exemple. Le lyricomane déguste, d’autant plus que l’orchestre d’Hervé est tout de subtilité, même quand il se moque – impayable « Vaterland », tyrolienne de Marguerite, pour nous rappeler qu’après tout, chez Goethe, elle est Gretchen. Hervé connaissait ses classiques.
Faust était un opéra à succès, rempli de « tubes » n’échappant pas à un public qui allait très au‑delà de la bourgeoisie. Il goûtait du coup le second degré de la parodie. Celui d’aujourd’hui a d’autres références que celui du Second Empire. C’est pourquoi Sol Espeche, dont le désopilant Coups de roulis de Messager à l’Athénée reste dans les mémoires, a jeté son dévolu sur les jeux télévisés des années 1880‑1890, tels La Roue de la Fortune ou Tournez Manège. Voici ressuscités les Drucker, Sevran, Foucault, Martin and Co dans le décor de « Champs déguisés »... avec techniciens, spectateurs sur les tribunes, Patrick Lepion chauffeur de salle. On s’y croirait. Le tout arbitré par un Méphisto travesti, plus coquin que démoniaque – faut‑il commenter ?
A la parodie de Faust Sol Espeche en substitue une autre, qui nous éloigne d’une partition dont le texte vire au prétexte. Une parodie à double fond, en quelque sorte. Mais au lieu de nous ramener subtilement le spectateur à Gounod, pour l’initier aux facéties de l’opéra‑bouffe, elle préfère dénoncer, à travers la satire la manipulation du téléspectateur, au prix, évidemment, d’une mise à jour plus ou moins heureuse, parfois vulgaire des dialogues. Certes, le spectacle pétille, rutilant et drôle, irrésistiblement rythmé, virtuose même, avec des chanteurs comédiens danseurs au jeu impeccablement débridé. Mais si l’on marche au début, il devient vite redondant, répétitif, suscitant un certain ennui par l’uniformité du propos, qui finit par détourner, voire engloutir l’œuvre d’Hervé.
Sammy El Ghadab dirige prestement et finement Les Frivolités Parisiennes. Charles Mesrine campe un Faust de très bonne tenue, emporté malgré lui dans le tourbillon, Anaïs Merlin est une Marguerite débridée, au timbre épicé, sœur du Valentin d’Igor Bouin, bien campé sur son solide baryton et dressé sur ses ergots de militaire. Mathilde Ortscheidt déploie en Méphisto les attraits de son mezzo à l’opulence capiteuse et Maxime Le Gall brûle les planches en Patrick Lepion. Le chœur de la classe de Faust fait le reste.
Didier van Moere
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