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D’un monde à l’autre

Vienna
Konzerthaus
11/13/2025 -  
Joseph Haydn : Quatuor en sol majeur, opus 76 n° 1
Maurice Ravel : Quatuor à cordes en fa majeur
Johannes Brahms : Quintette avec clarinette en si mineur, opus 115

Julian Bliss (clarinette), Quatuor Ebène : Pierre Colombet, Gabriel Le Magadure (violon), Marie Chilemme (alto), Yuya Okamoto (violoncelle)


Y. Okamoto, G. Le Magadure, M. Chilemme, P. Colombet
(© Julien Mignot)



Qui aurait parié qu’au sein d’un programme a priori dominé par Ravel et Brahms, ce soit Haydn qui laisse l’empreinte la plus mémorable ? Le Quatuor Ebène avait déjà gravé le Quatuor opus 76 n° 1 pour son tout premier disque, il y a vingt ans. La formation a depuis évolué, mais son identité sonore demeure intacte et, pour notre plus grand bonheur, la vision s’est radicalisée plutôt qu’assagie avec les années.


Les premières mesures de l’Allegro con spirito résument d’une certaine manière l’esprit qui habite cette interprétation : les contrastes d’abord – trois accords théâtraux qui claquent comme un lever, ou peut‑être un faux tomber, de rideau ; la variété ensuite – chaque entrée d’instrument revêtant un timbre et un caractère distinct, sans jamais briser la cohérence collective. La musique virevolte, respire, traversée de brusques changements d’humeur. Le mouvement lent atteint une densité pré‑beethovénienne, à la fois recueillie et directionnelle. Le Menuet enchaîne des contrastes énormes – candide et dansant, l’instant suivant d’une rudesse terrienne. Le finale, vif et lumineux, apparaît comme la synthèse jubilatoire de l’œuvre.


Le Quatuor de Ravel, une œuvre qui accompagne elle aussi l’ensemble depuis ses débuts, trouve sous les archets du Quatuor Ebène une fraîcheur polyphonique inattendue. Les interprètes s’approprient la partition, malaxent le matériau musical, le dilatent, et révèlent une modernité expressive et sensuelle aboutissant à un résultat à la fois audacieux et délicieusement dérangeant. La performance fut malheureusement quelque peu perturbée par un fauteuil, dont un spectateur anonyme faisait régulièrement couiner les mécanismes à un volume comparable à celui des musiciens.


En seconde partie, Julian Bliss rejoint le Quatuor Ebène pour le Quintette avec clarinette de Brahms. Tous ces musiciens partagent un goût pour l’exploration musicale et pratiquent l’improvisation : cela devient particulièrement évident dans l’Adagio, animé par un souffle de liberté quasi improvisée. Le timbre ambré de la clarinette se fond avec naturel dans la texture des cordes, nous invitant à une promenade bucolique et automnale aux côtés du compositeur, pour une lecture ardemment chambriste, à la fois introspective et lumineuse.


Un concert qui rappelle la capacité du Quatuor Ebène à se métamorphoser d’œuvre en œuvre, renouvelant son approche à chaque nouvelle partition.



Dimitri Finker

 

 

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