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La pomme et le tronc

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/18/2025 -  
Johann Nepomuk Hummel : Mathilde von Guise : Ouverture
Franz Xaver Wolfgang Mozart : Concerto pour piano n° 2, opus 25
Antonín Dvorák : Symphonie n° 8, opus 88, B. 163

Martin Helmchen (piano)
Orchestre de chambre de Paris, Thomas Hengelbrock (direction)


La saison 2025-2026 de l’Orchestre de chambre de Paris se déploiera dans une grande variété de lieux, y compris en fosse au Palais Garnier et au Théâtre du Châtelet, ou salle Cortot pour les concerts de musique de chambre, avec des artistes remarquables, chefs (Maxim Emelyanychev, Ton Koopman, Andrea Marcon...) comme solistes (Iveta Apkalna, Jean‑Frédéric Neuburger, Stéphanie d’Oustrac, Tabea Zimmermann...), quand ils ne sont pas les deux à la fois (Alexander Melnikov, Jean Rondeau). Les académies (jeunes compositrices, « joué‑dirigé », Conservatoire national supérieur de Paris), les actions culturelles et les actitivités pour le jeune public continueront à préparer l’avenir et, pour ce qui est du présent, la programmation laisse une place à la musique de notre temps, à commencer par Kurtág pour son centenaire, mais aussi avec la première publique d’œuvres d’El‑Khoury et Escaich.


Cela dit, le répertoire viennois (Haydn, Mozart, Beethoven), fondamental pour une phalange d’un tel format, conservera toute sa place, avec parfois d’intéressants pas de côté, comme la Symphonie d’E. T. A. Hoffmann, le Polyptyque de Frank Martin ou une soirée mi‑occidentale mi‑indienne avec le violoniste Dr L. Subramaniam. Devant un peu public un peu clairsemé en ce jour de grève et sous la baguette de Thomas Hengelbrock, directeur musical depuis 2024, le programme du concert de rentrée au Théâtre des Champs‑Elysées consent lui aussi un remarquable souci d’originalité, certes pas par son déroulé – l’increvable triptyque ouverture-concerto-symphonie – mais avec une première partie sortant entièrement des sentiers battus.


Ainsi, pour commencer, de l’Ouverture de Mathilde de Guise (1810), le seul des quinze opéras de Johann Nepomuk Hummel (1778‑1837) publiés de son vivant. Sans qu’on puisse parler de révélation fracassante, l’introduction lente puis l’Allegro con spirito à deux thèmes de caractère opposé acclimatent l’auditeur à l’atmosphère historique et héroïque de l’action, et, pour cette soirée, offrent une vigoureuse entrée en matière avec force fanfares martiales. Le chef allemand dirige de plain‑pied, sans podium, ce qu’autorise sa grande taille mais ce qui lui permet surtout des déplacements plus libres et un contact plus proche avec l’orchestre.


L’un des élèves de Hummel fut Franz Xaver Wolfgang Mozart (1791‑1844), qui connut à peine son père, mais porta probablement toute sa vie la charge colossale de devoir se faire un prénom. Dans un catalogue assez peu fourni, et quasiment achevé avant l’âge de 30 ans, le Second Concerto pour piano (1818) est en mi bémol, comme trois des plus réussis de son père, les Neuvième, Quatorzième et Vingt‑deuxième. Référence obligée mais écrasante tant le fils illustre à ses dépens le fait que nonobstant le proverbe allemand selon lequel « la pomme ne tombe pas loin du tronc », le génie ne se transmet (généralement) pas. On ne peut dès lors que s’incliner devant le mérite considérable qu’a Martin Helmchen à défendre cette partition mal fichue, où les quelques échos (volontaires ?) de la musique paternelle paraissent d’autant plus dérisoires. Entre classicisme et romantisme, c’est en effet un amalgame fastidieux de lieux communs et de traits virtuoses destinés à mettre en valeur le soliste – le compositeur était lui‑même au clavier à Vienne en 1820 pour la création de l’œuvre dans sa version définitive, pour laquelle il avait conçu l’Andante espressivo central en ut mineur, seul moment où il se fait un peu de musique. Dans une formation classique à laquelle manquent une flûte et, bizarrement, les deux hautbois, l’orchestre, relégué à l’arrière‑plan, n’offre pas davantage de consolation, pâtissant d’une écriture très fruste et de la quasi‑absence d’un composant essentiel du genre concertant, à savoir le dialogue avec le soliste. En bis, le pianiste allemand annonce un Adagio « de Papa », celui de la Douzième Sonate (1784) : le jour et la nuit, car même si le phrasé apparaît plus contrôlé que naturel, la poésie mozartienne, décidément unique et non héréditaire, ne s’en épanouit pas moins.


Changement complet de décor en seconde partie avec la Huitième Symphonie (1889) de Dvorák, le type de répertoire qu’on ne rencontrait guère quand l’Orchestre de chambre de Paris s’appelait encore Ensemble orchestral de Paris. Ce qui n’a pas changé, en revanche, ce sont les effectifs et, même renforcé de cinq étudiants du Conservatoire, celui des cordes ne s’élève qu’à trente‑quatre musiciens. Pourquoi pas : c’est sans doute la symphonie la plus « chambriste » du compositeur tchèque. Mais cela induit une certaine sécheresse dans la sonorité – qui, il est vrai, peut également provenir de l’acoustique – et des déséquilibres entre pupitres. On a ainsi tendance à trop entendre les trompettes, par exemple, ce qui rend d’autant plus inutile l’idée déjà passablement incongrue de les faire jouer debout lorsque revient le thème initial à la fin du développement du premier mouvement. Hengelbrock accentue les contrastes et donne le sentiment de soigner le détail plutôt que la continuité du discours, mais cela ne disconvient notamment pas au final, constitué d’une série de variations. Et le tout est conduit avec une grande efficacité – le public applaudit d’ailleurs dès la fin du premier mouvement (peut‑être la raison pour laquelle les trois autres mouvements seront enchaînés quasi attaca). Mais le plus important est que l’orchestre séduit par son envie de jouer et sa cohésion, ce qui n’empêche pas certains de se mettre plus particulièrement en valeur, comme les clarinettes et les cors, emmenés respectivement par Florent Pujuila et Antoine Dreyfuss, solo du Philharmonique de Radio France invité pour l’occasion.


Le site de Thomas Hengelbrock
Le site de Martin Helmchen
Le site de l’Orchestre de chambre de Paris



Simon Corley

 

 

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