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Au bonheur des dilettantes Paris Philharmonie 09/07/2025 - et 9 (Luxembourg), 11 (Essen), 13 (Luzern) septembre 2025 Giuseppe Verdi : La battaglia di Legnano : Sinfonia, « Viva Italia! Sacro un patto » & « Plaude all’arrivo Milan dei forti » – I due Foscari : Prélude & « Silenzio, mistero » – La traviata : Prélude de l’acte I, « Si ridesta in ciel l’aurora », « Noi siamo zingarelle » & « Di Madride noi siam mattadori » – Otello : Ballabili, « Fuoco di gioia! » & « Dove guardi splendono »
Gioachino Rossini : La gazza ladra : Sinfonia & « Tremate, o popoli » – Semiramide : « Ergi omai la fronte altera » – Guglielmo Tell : Sinfonia & Passo a tre e Coro Tirolese Coro del Teatro alla Scala, Alberto Malazzi (chef de chœur), Orchestra del Teatro alla Scala, Riccardo Chailly (direction)
 R. Chailly (© Ava du Parc/Cheeese)
Il y a deux ans, ils avaient inauguré la saison des Champs‑Elysées. Riccardo Chailly et ses troupes scaligères viennent de donner le quatrième des concerts « Prem’s » de la Philharmonie. Avec, de nouveau, des extrais d’opéras de Verdi, puis de Rossini.
Il faut évidemment adhérer à l’exercice. Le lyricomane se sent frustré d’entendre ces morceaux détachés de ce qui les précède et de ce qui les suit. Comment ne pas attendre, après « Si resta in ciel l’aurora », à l’acte 1 de La Traviata, « E strano » de Violetta ? Entendre les Ballabili de l’acte 3 d’Otello, ballet exclusivement destiné à la première parisienne, avant le « Fuoco di gioia » de l’acte 1 et le « Dove guardi splendono » de l’acte 2, ici sans voix d’enfants et sans mandolines, peut susciter un certain embarras – au moins les deux chœurs, écrits dans la même tonalité, s’enchaînent‑ils assez bien. Dans le Chœur des bohémiennes de La Traviata, Flora et le Marquis, auxquels elles s’adressent, ont disparu – on aurait pu confier leurs brèves répliques à des choristes. Force est donc de considérer tous ces extraits comme des « en soi » et non plus comme des étapes d’une dramaturgie.
Avouons aussi que lorsque Riccardo Chailly dirige, on rend vite les armes. La Sinfonia de La battaglia di Legnano, où s’affrontent les Lombards et Frédéric Barberousse, dernier ouvrage de Verdi lié au Risorgimento, est remarquable par le raffinement des timbres de l’orchestre – superbes pizzicatos des cordes pour soutenir les bois dans l’Andante sostenuto. Le Prélude des Due Foscari, sombre intrigue vénitienne, suscite le même plaisir, suivi de son chœur introductif « Silenzio, mistero », où le chef crée une atmosphère ténébreuse et où les voix sont d’une parfaite homogénéité, avec un éventail dynamique très large, du sotto voce au fortissimo – impressionnante opposition entre « Silenzio » et « Giustizia ». On ne saurait assez remercier le maestro de s’intéresser, comme Riccardo Muti, à ces opéras trop négligés du premier Verdi. Et quand vient le célèbre Prélude de La Traviata, on croit le redécouvrir, à travers l’élégance du chant, les subtilités des motifs secondaires, la palette des couleurs : l’orchestre de la Scala peut se mesurer aux meilleurs. Le chœur reste tel qu’en lui‑même, bohémiennes ou matadors, comme il le sera dans Otello : on n’entend pas toujours ces pages telles qu’elles sont écrites, avec leurs multiples nuances – pardonnons une légère tendance des sopranos à chanter parfois un peu bas. Et comme le chef transcende les Ballabili, notamment l’exotique « Chanson arabe » !
La Sinfonia de La Pie voleuse inaugure la partie rossinienne. Le Maestoso marziale brille sans peser, l’Allegro est d’une extraordinaire finesse de trait, avec ses notes piquées des cordes pp leggiero ou sotto voce, ses bois savoureux, avant que le crescendo final stupéfie par la maîtrise de la direction. Le chœur s’illustre ensuite dans le début du majestueux Finale primo de Sémiramis – dont on regrette de ne pas entendre la magnifique Ouverture, une des plus achevées de Rossini. Celle de Guillaume Tell, si souvent galvaudée, défie la critique, du solo de violoncelle au galop final, où Chailly fouette littéralement les cordes, en passant par le ranz des vaches, aux bois délicatement pastoraux. Le Chœur tyrolien a cappella de l’acte 3, ici dans sa version italienne, montre une fois de plus les capacités d’allégement du chœur. Le bis offre le chœur de l’acte 1 « Hyménée, ta journée ». Quand on a dégusté tout cela, la nomination de Myung‑Whun Chung à la Scala laisse plus que sceptique.
Didier van Moere
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