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Au seuil de l’abîme

Paris
Philharmonie
09/05/2025 -  et 14, 15 mai (Berlin), 31 août (Salzburg), 3 (Luzern), 6 (Luxembourg) septembre 2025
Gustav Mahler : Symphonie n° 9
Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


(© Ava du Parc/Cheeese)


Troisième des concerts « Prem’s » de la Philharmonie, version française des Proms londoniens : pour 15 euros, on peut assister au concert debout, au parterre, où 700 places ont été libérées. Nous restons en Allemagne : la Philharmonie de Berlin succède au Gewandhaus de Lepizig (voir ici et ici). Si, à un certain niveau, hiérarchiser les orchestres n’a aucun sens, force est de reconnaître que celui de Kirill Petrenko atteint des sommets, la Neuvième Symphonie de Mahler constituant un excellent test pour en juger.


L’Andante comodo révèle d’emblée une maîtrise confondante de la partition et de l’orchestre, surtout par la clarté absolue des plans, source d’une polyphonie transparente, où tout semble se décomposer sans que rien se déstructure. On a rarement à ce point le sentiment que le système tonal se trouve ici à la fois menacé et préservé, que Mahler ouvre la voie à Schoenberg. L’éventail dynamique, jusqu’au murmure, paraît infini. La beauté de l’orchestre ensorcelle, avec ces solistes bien connus qu’il faut saluer tous. On n’entend pas souvent cordes à l’homogénéité aussi soyeuse, vents d’une telle rondeur. A admirer également chez le chef russe le sens de la forme, l’art d’avancer dans un mouvement difficile qui ne pourrait être qu’enchaînement cyclothymique de moments contrastés, jeu incessant d’ombre et de lumière, entre accès de fièvre et accalmies fragiles – en témoigne le passage où se succèdent un Plötzlich sehr mässig und zurückhaltend , un Mit Wut, puis un Leidenschaftlich. Mais si cet Andante comodo, chez un Bernstein, ouvrait des abîmes, Petrenko, lui, s’arrête un peu au seuil, comme s’il craignait de s’y perdre.


Le deuxième mouvement, en revanche, préserve bien l’esprit du Ländler, avec un respect scrupuleux de ses infléchissements agogiques – cette verve terrienne, populaire, sensible dès l’entrée des seconds violons et des altos sur des quintes à vide, reste parfois étrangère aux meilleures baguettes. Le Rondo-Burleske, ensuite, est sidérant de virtuosité orchestrale – on ne peut pas imposer un tel tempo à n’importe quelle phalange ! Un « Inferno », une course à l’abîme, qu’on souhaiterait cependant, au‑delà de cette virtuosité, d’une noirceur plus corrosive. Le poignant Adagio final conjugue la perfection du détail et l’intensité de l’expression, littéralement suspendu lorsqu’il se réduit à quelques lignes, dans les dernières mesures par exemple, où la musique du Langsam und ppp bis zum Schluss frise le silence. La lumière a vaincu les ténèbres, toute ombre s’est dissipée. Un peu trop peut‑être : on n’est pas vraiment bouleversé, même si le chef se laisse davantage porter par cet Adagio que par que l’Andante comodo . On n’en reste pas moins fasciné par la pure beauté de l’orchestre.



Didier van Moere

 

 

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