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Comte à découvert

Toulouse
Théâtre du Capitole
05/17/2002 -  18, 19, 21, 24, 25 et 26 mai 2002
Wolfgang Amadeus Mozart : Les Noces de Figaro
Ludovic Tézier (Le Comte) ; Pamela Armstrong/Alexandra Coku (La Comtesse) ; Ermonela Jaho/Martina Winter (Susanna) ; Giovanni Furlanetto/Giorgio Surian (Figaro) ; Sophie Koch/Luisa Islam-Ali-Zade (Cherubino) : Martine Mahé (Marcellina) ; Dale Travis (Bartolo)
Orchestre et chœurs du Capitole, Claus Peter Flor (direction), Jose Luis Castro (mise en scène)

Il est toujours surprenant de constater quel poids de convention l’univers de l’opéra traîne encore avec lui. Ainsi, l’on pouvait attendre d’un metteur en scène confirmé comme Jose Luis Castro qu’il insuffle quelque sang neuf à sa vision d’une œuvre aussi emblématique que Les Noces de Figaro ; or il n’en est rien. Visiblement paralysé par la tradition, il nous en livre une version proprette où ne manquent ni un bouton d’habit à la française, ni une résille sur la tête d’un figurant, comédie de boulevard esthétisante façon Petit Trianon revu par Sacha Guitry pour “Si Versailles m’était compté”. Tout cela est joli (les décors sont du toujours excellent Ezio Frigerio), guère vivant, sans émotion aucune, et l’on imagine mal l’accueil qu’un public de théâtre réserverait à une mise en scène aussi anodine du Mariage de Figaro de Beaumarchais.
Mais il s’agit d’opéra et l’on se dit qu’après tout cette mise en scène a le mérite de rester fluide et lisible sans dénaturer l’œuvre, même si elle en nie une dimension essentielle, de ne contrarier ni la musique ni les chanteurs et, qu’à tout prendre, ce n’est peut-être pas si mal.

Fort heureusement la musique de Mozart aura rarement été aussi bien servie dans la fosse. En effet, la direction de Claus Peter Flor donne à l’œuvre tout ce que la mise en scène lui refuse, l’énergie, la vivacité, la tension dramatique. Flor éclaire avec une maîtrise incomparable la construction de l’œuvre, notamment les finales, menés avec une logique sans faille et un vrai sens dramatique dans l’enchaînement des tempos.
De plus, la sonorité de l’orchestre du Capitole paraît métamorphosé, ce qui montre la profondeur du travail effectué. Cordes sans vibrato, phrasés réactifs et légers, mise en exergue de détails orchestraux rarement entendus, attention extrême portée aux équilibres, on sent que le chef a retenu les meilleurs préceptes des interprétations “baroques” et a su les faire partager à l’orchestre. On espère que ce succès inaugure une collaboration en profondeur sur les Mozart à venir.

Le plateau vocal est lui plus inégal, dominé sans conteste, et pourrait-on dire sans surprise, par la figure imposante du Comte de Ludovic Tézier. En effet, l’aristocratie du timbre et l’autorité de la présence physique du chanteur semblaient le destiner tout naturellement à ce rôle ; il n’y a pas déçu. Comte plein de morgue, fougueux et calculateur, dangereux, Ludovic Tézier semble y dessiner une préfiguration de Scarpia, donnant au personnage une facette noire et inquiétante fort intéressante. Surtout, la voix est simplement magnifique, riche et mordante, totalement homogène et les phrasés d’un naturel et d’une précision sans faille. La saison prochaine nous promet un Eugène Onéguine que l’on attend avec la dernière impatience et un Don Giovanni annoncé nous fait déjà saliver d’envie.

À ses côtés, Pamela Armstrong est une Comtesse doloriste, scéniquement un peu absente mais cela lui sied bien, au timbre opulent, au chant émouvant, même si quelques notes grave du “Dove sono” ont paru étrangement creuses.

Sophie Koch, actrice déchaînée et chanteuse parfaite, voix et physique rêvés pour le rôle, est un page irrésistible et frondeur, dont on aimerait réentendre encore la voix onctueuse.

Las! les deux jeunes héros de l’opéra brillent surtout par leur fadeur, Susanna minaudante, vocalement limitée et trop souvent fâchée avec la mesure de Ermonela Jaho, Figaro sympathique mais bien prosaïque et plébéien de Giovanni Furlanetto.

Les seconds rôles sombrent dans la plus totale médiocrité, seule émergeant Martine Mahé, fort convenable, mais son air a été coupé, dommage.

Bien sûr, on aurait pu rêver meilleure direction d’acteurs ou meilleure distribution, et pourtant, grâce à la présence de trois chanteurs à la hauteur de leurs rôles, surtout un Tézier impérial (ce qui, cela va sans dire, sied bien à un Comte), grâce à une direction pleine de vie, il flottait sur la scène du Capitole comme un parfum d’euphorie légèrement enivrante ; peut-être, aussi, grâce à la musique de Mozart, si belle qu’on la croit capable de résister à tous les traitements.


Laurent Marty

 

 

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