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Une entrée au répertoire réussie

Lyon
Opéra
03/15/2024 -  et 20, 23, 26, 28, 31* mars, 2 avril 2024
Giacomo Puccini : La fanciulla del West
Chiara Isotton (Minnie), Claudio Sgura (Jack Rance), Riccardo Massi (Dick Johnson), Robert Lewis (Nick), Rafał Pawnuk (Ashby), Allen Boxer (Sonora), Zwakele Tshabalala (Trin), Matthieu Toulouse (Sid), Ramiro Maturana (Bello), Léo Vermot-Desroches (Harry), Valentin Thill (Joe), Florent Karrer (Happy), Pete Thanapat (Larkens), Thandiswa Mpongwana (Wowkle), Pawel Trojak (Jake Wallace)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Benedict Kearns (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni (direction musicale)
Tatjana Gürbaca (mise en scène), Marc Weeger (décors), Stefan Bolliger (lumières), Dinah Ehm (costumes)


(© Jean-Louis Fernandez)


A l’instar de sa création tardive à l’Opéra de Paris voilà dix ans, La Fille du Far West (1910) trouve enfin le chemin des planches à Lyon : de quoi mettre en valeur cet ouvrage de la maturité de Puccini, qui souffre de la faiblesse de son livret, aux accents mélodramatiques moins subtils que son modèle à peine avoué, Tosca. Pour autant, le compositeur italien séduit toujours autant par son inspiration mélodique au souffle éperdu dans les scènes dramatiques, comme sa capacité à nous plonger dans l’atmosphère douce‑amère, baignée de nostalgie, de ces mineurs privés de tout, sauf du fantasme des mirages d’une richesse fulgurante.


Ca n’est pas le moindre des mérites de la mise en scène de Tatjana Gürbaca que d’insister d’emblée sur la communauté de destin de ces chercheurs d’or, tous groupés autour de Minnie, une figure fédératrice, entre mère et Madone. La proximité physique serrée entre les protagonistes s’épanouit dans un décor minimaliste, où le bar de l’héroïne se devine derrière les lignes cubistes du décor. Réalisme et volonté d’épure se marient tout du long du spectacle avec bonheur, notamment lorsque plusieurs cordes de gibet surgissent des hauteurs comme autant de menaces implacables pour l’imposteur Jack. Même si elle dénie à son héroïne tout désir de maternité (contrairement aux allusions de Lydia Steier à Berlin en 2022), Gürbaca colle au plus près du récit initiatique de Minnie par l’évolution de son allure, de la singularité dorée et asexuée de sa première tenue, à la simplicité plus dépouillée des scènes amoureuses intimistes, avant la transfiguration finale en cow‑boy finalement plus viril que ses comparses – Jack Rance en tête. Jusqu’au bout, la faiblesse de caractère du shérif est montrée, des hésitations fébriles entre la facilité d’abattre ses ennemis à celle de mettre fin à ses jours. Voilà encore une nouvelle réussite de la metteuse en scène allemande, décidément inspiré par la finesse psychologique des huis‑clos, à l’instar de Kátia Kabanová de Janácek à Genève (voir ici).


Comme la veille dans La Dame de pique, Daniele Rustioni empoigne ses troupes de toute son énergie, au service de vifs tempi : il faut l’entendre rugir dès les premières notes de l’ouvrage, imposant d’emblée la concentration sur les rudesses des conditions de vie des pionniers de la conquête de l’Ouest américain. Comme à son habitude, Rustioni sait aussi s’assagir pour faire ressortir les couleurs des scènes plus intériorisées, sans jamais perdre de vue l’élan narratif d’ensemble. Comment ne pas admirer, aussi, son geste toujours attentif aux superbes chœurs masculins de l’Opéra de Lyon, très touchants tout du long ?


On le sait, cet ouvrage repose avant tout sur les trois rôles principaux, dont celui de Minnie, particulièrement redoutable vocalement, confié ici à Chiara Isotton. On se réjouit de pouvoir enfin découvrir cette chanteuse italienne souvent entendue à la Scala de Milan (notamment tout récemment dans L’amore dei tre re d’Italo Montemezzi), qui affronte crânement les sauts de registres périlleux. Son aplomb tranchant sait aussi se faire plus subtil dans le médium, bien tenu. A ses côtés, Claudio Sgura compose un Jack Rance plus monolithique, parfois en difficulté dans les passages rapides. L’essentiel est là, mais on attendait davantage de brillant et d’éclat de la part de ce spécialiste du rôle (voir notamment à Milan). Plus réussie est la composition de Riccardo Massi (Dick Johnson), qui impose une noirceur bienvenue à son rôle, entre timbre rêche et articulation vénéneuse.



Florent Coudeyrat

 

 

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