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Quatre hommes pour quatre femmes

Paris
Cité de la musique
01/16/2024 -  
Grazyna Bacewicz : Quatuor à cordes n° 3
Ruth Crawford Seeger : Quatuor à cordes
Meredith Monk : Springsongs
Francesca Verunelli : Andare

Quatuor Béla : Julien Dieudegard, Frédéric Aurier (violon), Paul-Julian Quillier (alto), Luc Dedreuil (violoncelle)


Le Quatuor Béla (© Julie Cherki)


Le public était par force peu nombreux à ce concert puisque celui-ci se déroulait dans l’amphithéâtre de la Cité de la Musique, à la jauge limitée, mais, curieux, il avait su affronter les frimas pour assister à un superbe et original concert proposé dans le cadre de la onzième Biennale de quatuor à cordes de Paris (du 12 au 21 janvier) par le Quatuor Béla autour d’un programme exclusivement consacré à des œuvres de compositrices.


La production de la Polonaise Grazyna Bacewicz (1909-1969), essentiellement instrumentale, est immense et ses œuvres sont heureusement de plus en plus enregistrées. Sur ses sept quatuors à cordes, le Quatuor Béla a retenu le Troisième (1947). La compositrice connaissait bien les cordes puisqu’elle a été premier violon de l’orchestre de la radio polonaise. Passée par Paris et l’enseignement de Nadia Boulanger, elle a par ailleurs parfaitement assimilé la musique française et singulièrement celle de Debussy et Ravel. On voit le résultat de cette double formation dans ce Troisième Quatuor. L’interprétation, faite de volontarisme, de fluidité et de soin, lui rend parfaitement justice. Le troisième et dernier mouvement, émaillé de pizzicatos et où les attaques des instrumentistes sont souvent à l’unisson, se singularise par une sorte légèreté presque populaire.


De Ruth Crawford Seeger (1901‑1955), aussi trop tôt disparue mais compositrice cette fois américaine, on entend ensuite son Quatuor à cordes (1931). La compositrice pourrait aisément être intégrée dans une liste des compositeurs mono‑opus évoqués par David Christoffel dans son livre consacré aux Petits malins de la grande musique (voir ici) car ne figure, rarement, que cette œuvre à l’affiche, si ce n’est que la compositrice est quand même bien moins connue que Samuel Barber ou Joaquín Rodrigo. C’est un chef‑d’œuvre. On y trouve des traces de l’influence de Schönberg mais son écriture, d’une finesse inouïe, reste profondément originale. Le Quatuor Béla sait la mettre en valeur, par exemple dans ces passages de relais entre les instrumentistes ou au début du troisième mouvement lorsque l’inquiétude nait d’une sorte de brouillard où les archets ne quittent pas les cordes ou encore, dans le quatrième et dernier mouvement, lorsque le premier violon, cette fois dans les mains de Frédéric Aurier (il y a alternance à chaque œuvre), essaye de lutter contre les trois autres.


Les Chants de cordes (2005) de la touche‑à‑tout Meredith Monk (née en 1942) s’inscrivent clairement dans le courant minimaliste américain. On n’a pas toujours été convaincu par sa production, quand même d’une grande pauvreté, mais ce quatuor à cordes utilisant volontiers la répétition, non loin de l’esthétique de Steve Reich, d’un lyrisme indéniable, surnage.


S’il lui arrive de chuchoter, il serait presque bruyant à côté d’Aller de Francesca Verunelli (née en 1979), en création ce soir. Ce quatuor, d’un quart d’heure environ, est le résultat d’une commande italienne et française. Il nécessite des instruments accordés différemment. Aussi les membres du Quatuor Béla en changent‑ils donc sur scène. La musique avance telle une locomotive à vapeur presque silencieuse au début et l’on passe à des sortes de dérapages de voiture sur l’asphalte sur la fin. Les archets frottent souvent les cordes dans leur sens du manche et les aigus sont particulièrement sollicités. La pièce joue sur les harmoniques mais il y a peu d’événements et l’attention finit par faiblir. Le public adresse néanmoins de beaux applaudissements à sa jeune créatrice invitée à monter sur scène. Une bonne part doit pourtant en revenir au Quatuor Béla, remarquable de bout en bout. Rien n’est bâclé. Ce quatuor très investi dans la création contemporaine est assurément un atout pour ce répertoire.


Le site du Quatuor Béla



Stéphane Guy

 

 

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