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Un anniversaire en grande pompe

Paris
Massy (Opéra)
01/12/2024 -  et 15 janvier 2024 (Paris)
Joel Järventausta : Bacchanale (création)
Francis Poulenc : Concerto pour deux pianos en ré mineur, FP 61
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 en mi bémol majeur « Romantique », WAB 104

Duo Geister : David Salmon, Manuel Vieillard (piano)
Orchestre national d’Ile‑de‑France, Ainārs Rubikis (direction)


A. Rubikis (© Victor Dmitriev)


« Grandeur et élégance » clame le programme de l’Orchestre national d’Ile‑de‑France, qui fête ainsi en grande pompe ses cinquante ans autour de la réunion d’œuvres d’horizons très variées, entre pièces contemporaine, néoclassique et romantique. Le concert débute avec la création de la Bacchanale de Joel Järventausta (né en 1995), une commande offerte au titulaire du prix Ile de créations (désormais remplacé par le prix Elan) en 2019. Cette courte pièce de cinq minutes environ force à la concentration d’emblée par un bref tutti immédiatement suivi d’une atmosphère mystérieuse dans les piani, avec force couleurs et effets de bruitages contemporains. Le Finlandais montre là toute sa maîtrise des ressources de l’orchestre, avec un sens des enchaînements très fluide et toujours envoûtant.


Après cette brève pièce en guise d’apéritif, le concert prend une toute autre allure avec les délices de raffinement du Concerto pour deux pianos (1932) de Poulenc, qui montre tout l’esprit vif et piquant des différentes influences entremêlées par son auteur. Se succèdent ainsi plusieurs hommages à des compositeurs illustres, dont Mozart, mais aussi un foisonnement de rythmes forains et jazzy, au rayonnement lumineux. Le Geister Duo, formé voilà dix ans et ayant à son actif deux disques remarqués (notamment le second, consacré à Debussy et Stravinsky), imprime sa marque par un élan enthousiaste, au ton franc et direct, qui ne cherche jamais à prendre le pouvoir sur l’orchestre. Toujours très précis dans l’écoute mutuelle, les deux pianistes laissent entrevoir quelques infimes différences de style, des virtuosités sans état d’âme de David Salmon aux subtilités plus discrètes de Manuel Vieillard, en lien avec l’esprit de la partition. En bis, les deux Français offrent un moment de douce poésie avec la version pour piano à quatre mains du « Jardin féerique » de Ma mère l’Oye (1908) de Ravel, interprété sans affèterie, ni effets, en toute sobriété.


Après l’entracte, le public a la surprise de découvrir une scène désormais remplie du double de musiciens, pour exécuter la redoutable Quatrième Symphonie (1874/1888) de Bruckner. Comme il y a dix ans avec la même formation à Besançon, on retrouve Ainārs Rubikis (né en 1978) dans un programme étonnamment proche, également ponctué d’une grandiose seconde partie. D’emblée, tous les regards se tournent vers le premier cor Robin Paillette (né en 1985), sur qui repose la réussite des premières mesures inoubliables, avec son solo qui s’élève en majesté sur un tapis de cordes frémissant. Tout au long de la soirée, le corniste sait marier sa solidité technique, sans faille, aux réparties plus raffinées qui le sollicitent dans les autres mouvements, notamment dans l’Andante, quasi allegretto.


C’est d’autant plus remarquable que la direction de Rubikis met précisément en valeur les saillies individuelles, surtout dans les passages pastoraux, en allégeant les textures et en ralentissant les tempi ostensiblement, en contraste avec le rythme plus soutenu des tutti cuivrés. Le Letton fait ainsi ressortir des détails d’une grande lisibilité, parfois impressionnant de solennité lunaire, comme si le temps était en suspension, notamment dans l’exploration des sonorités dans les graves. On gagne ainsi en couleurs et en variété ce que l’on perd en compréhension de l’architecture globale, notamment dans l’Andante, un peu trop déstructuré, qui renforce l’impression de collage des différents thèmes. Malgré un bref cafouillage au tout début du dernier mouvement, le concert impressionne par la tenue d’ensemble, d’une grande solidité technique, avec quelques belles individualités, entre chant ardent des violoncelles, crépitement des bois ou vigueur millimétrée des percussions. Parmi eux, se distingue l’excellent Florian Cauquil aux timbales, notamment mis en valeur par quelques scansions marquées lors du Scherzo.


Quel bonheur, aussi, de constater que le public a retrouvé le chemin des concerts, comme le prouve la vente à guichets fermés pour cette soirée anniversaire de l’Orchestre national d’Ile‑de‑France. Ce concert très réussi démontre une fois encore toute l’excellence de cet ensemble, qui force toujours autant l’admiration par sa capacité à diffuser son ambition artistique dans les moindres petites communes d’Ile‑de‑France, les plus reculées soient‑elles.



Florent Coudeyrat

 

 

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