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Joyeux Noël en Amérique

Paris
Maison de la radio et de la musique
12/21/2023 -  et 22 décembre 2023
Florence Price : Song of Hope
Wynton Marsalis : Concerto pour tuba
Leonard Bernstein : Chichester Psalms – Symphonic Dances from West Side Story

Joachim Semezies (soprano), Florian Schuegraf (tuba)
Chœur de Radio France, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre Philharmonique de Radio France, Robert Trevino (direction)


R. Trevino (© Edouard Brane)


En cette fin d’année pour fêter Noël, le Philharmonique de Radio France a opté pour un programme festif de musique américaine. Le chef colombien Andrés Orozco-Estrada ayant annulé, c’est Robert Trevino, chef américain d’origine mexicaine formé aux Etats‑Unis (il fut notamment l’assistant de Louis Langrée à Cincinnati), actuellement directeur de l’Orchestre national du Pays basque et premier chef invité à l’orchestre de la RAI (dont le chef titulaire est Orozco-Estrada), qui a dirigé l’intégralité du programme prévu. Il faisait pour l’occasion ses débuts à la tête de l’orchestre. Des débuts très remarqués pour un concert donné deux fois et, en ce soir du 21 décembre, devant une salle pleine et enthousiaste.


Florence Price (1897‑1953) est une compositrice afro-américaine dont la musique a été récemment remise dans l’actualité grâce à Yannick Nézet‑Séguin, qui a réalisé plusieurs enregistrements remarqués de son œuvre symphonique avec l’Orchestre de Philadelphie. Son Chant d’espérance est sa première œuvre pour chœur et orchestre, composée en 1930 mais seulement créée en 2022. Cette belle pièce d’allure hymnique débute par l’orgue et met en valeur le Chœur de Radio France et quelques‑uns de ses solistes (Barbara Assouline, Elodie Salmon, Chae‑Wook Lin). L’écriture est simple, l’esprit du spiritual jamais loin et l’effet garanti. Par moments, racines communes obligent, on pense au Child of Our Time de Michael Tippett. La réalisation orchestrale est parfaite et la progression bien conduite sous la direction à la fois détendue et précise de Robert Trevino. L’absence de surtitres impose le recours au programme si l’on souhaite appréhender le texte. Dommage, mais cela n’empêche pas une très belle découverte.


Place ensuite à la création française du Concerto pour tuba de Wynton Marsalis (né en 1961) ). Cet instrument volumineux est plus volontiers le soutien des autres cuivres de l’orchestre, même si quelques compositeurs l’ont parfois mis en valeur – on pense notamment à Dimitri Chostakovitch. John Williams et Ralph Vaughan Williams sont parmi les rares compositeurs ayant écrit un concerto pour l’instrument. C’est le jeune tubiste Florian Schuegraf, 28 ans, soliste de l’Orchestre philharmonique depuis 2020, qui était ce soir l’interprète de cette pièce étonnante qu’il a donnée avec calme et brio. La prouesse technique est évidente et le souffle et la virtuosité sont au rendez‑vous dans cette œuvre composée de quatre mouvements de durée équivalente. Le premier, intitulé « Up!  », est survolté et voit l’orchestre dialoguer avec le soliste lors de claquements de mains des instrumentistes. Le deuxième mouvement, « Boogaloo America », utilise ces mêmes principes mais en développant le coté danse new‑yorkaise (ce qu’est au départ le boogaloo), en y mélangeant le funk afro-américain et la rythmique cubaine. On y entend aussi des quartes à vide telles que Copland aimait à les utiliser. Le « Lament » qui suit est un blues ; quant au final (« In Bird’s Basement »), il swingue à foison. La virtuosité et le talent de Florian Schuegraf servent à merveille cette pièce joyeuse et polymorphe. Et Robert Trevino parvient à unifier le propos avec une maîtrise impressionnante pour un chef ayant découvert la partition il y a quelques jours. L’Orchestre philharmonique de Radio France est excellent et semble s’amuser dans ce répertoire qu’il fréquente peu, mais ici avec réussite et une joie qui fait plaisir à voir et entendre.


Après l’entracte, retour aux fondamentaux, à savoir à Leonard Bernstein avec deux de ses œuvres : les Chichester Psalms, finalement assez rares au concert, créés en 1961 sous la direction du compositeur ; et les très célèbres Danses Symphoniques de West Side Story. Les Chichester Psalms, que Trevino n’avait pas dirigés depuis neuf ans, bénéficient d’une parfaite mise en place. La rythmique saccadée implacable de la première partie déclenche même des applaudissements. Les quatre solistes du chœur, Alessandra Rizzello, Sarah Breton, Seongyoung Moon et Chae‑Wook Lin, se tirent bien et à deux reprises de leurs courtes interventions. Dans le deuxième mouvement, Joachim Semezies, le jeune garçon (comme souhaité par Bernstein) issu de la Maîtrise de Radio France, au chant pur et juste, est très émouvant. Le court intermède central possède toute la férocité demandée par le compositeur avant le retour du garçon soliste. Le dernier mouvement, sans doute le plus magique, s’achève dans un a cappella à l’émotion contenue et saisissante, même si on l’aurait aimé plus concentré.


On oublie parfois que les Danses Symphoniques de West Side Story ne furent pas créées par le compositeur mais par Lukas Foss et qu’elles furent orchestrées avec l’aide de Sid Ramin et Irwin Kostal, des habitués de Broadway. Il n’empêche, plus de soixante ans après, cette musique géniale n’a pas pris une ride. La direction de Robert Trevino est juste, précise, énergique sans être brutale – et quoi de mieux pour terminer un concert joyeux que cette musique ? L’Orchestre philharmonique de Radio France, en état de fusion, se couvre de gloire, notamment David Guerrier, trompettiste solo, lors de son intervention centrale jouée debout avec panache et brillance. En bis, la reprise du célèbre « Mambo », durant lequel le chef sollicite la participation du public, fait gravir un échelon supplémentaire dans le plaisir.


Ce magnifique et jubilatoire concert – l’effet Bernstein sans aucun doute – aura donc marqué les débuts très réussis d’un chef à l’évidence généreux, d’allure modeste (il salue au milieu de l’orchestre) et de grand talent à la tête du toujours excellent Orchestre philharmonique de Radio France. Espérons d’autres invitations... voire peut‑être plus, car il se dit que Mikko Franck désire quitter en 2025 l’orchestre dont il est le directeur musical depuis 2015. Nul doute, vu le talent et l’esprit de ce chef et l’entente palpable ce soir avec les musiciens, qu’il ferait un bon successeur. Mais on le sait, ces choses sont complexes...



Gilles Lesur

 

 

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