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Une « histoire » toujours terriblement actuelle

Paris
Théâtre du Châtelet
10/20/2023 -  et 14 décembre 2022-8 (München), 10‑15 (Essen), 17‑29 (Zürich), 31 janvier‑5 (Wien), 7‑12 (Baden‑Baden), 14‑19 (Leipzig), 21 février‑5 (Lausanne), 7‑12 (Roubaix), 15‑19 (Bremen), 21 mars‑1er (Düsseldorf), 4‑16 (Frankfurt), 25‑30 (Dubai) avril, 12‑24 juin (Dublin), 5‑23 (Tokyo), 31 juillet‑2 (Takasaki), 5, 6 (Osaka) août, 5‑8 (Bangkok), 13‑15 (Monte‑Carlo), 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 29 octobre, 1er, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 30 novembre, 1er, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 31 décembre (Paris) 2023, 4‑14 (München), 23‑28 (Lugano), 30 janvier‑4 (Basel), 9‑18 (Bordeaux), 21‑25 (Lyon) février, 1er‑3 (Rouen), 5‑10 (Nantes) mars 2024
Leonard Bernstein : West Side Story
Jadon Webster (Tony), Melanie Sierra (Maria), Kyra Sorce (Anita), Antony Sanchez (Bernardo), Taylor Harley (Riff), Darren Matthias (Doc), Bret Tuomi (Lieutenant Schrank), Erik Gratton (Officer Krupke), Stuart Dowling (Glad Hand)
Orchestre, Grant Sturiale (direction musicale)
Lonny Price (mise en scène), Julio Monge (chorégraphie), Anna Louizos (décors), Alejo Vietti (costumes), Fabrice Kebour (lumières), Tom Marshall (design sonore)


(© Johan Persson)


La plus célèbre des comédies musicales américaines est de retour au Théâtre du Châtelet sept ans à peine après la dernière reprise de la production qui y avait été présentée en 2007. Cette nouvelle production de West Side Story par BB Promotion sera présentée en tournée française après Paris puis dans de nombreux pays.


Malgré le petit coup de fraîcheur apporté par le récent film de Steven Spielberg avec une nouvelle chorégraphie d’Anna Teresa De Keersmaeker, il semble que l’on revienne toujours pour le grand plaisir du public à l’imagerie initiale, les immeubles un peu délabrés avec leurs escaliers de secours des bas‑quartiers de New York, la chambre de Maria dans l’atelier d’Anita et Bernardo, le drugstore de Doc, les terrains de sport et les quais de l’Hudson River sous la bretelle d’autoroute qui sont les territoires que se disputent âprement jusqu’à la mort les deux bandes rivales, les Jets et les Sharks. Cette imagerie de la production originale de Broadway de 1957, perpétuée comme la chorégraphie originale de Jerome Robbins par le film multi-oscarisé de Robert Wise et Jerome Robbins avec Natalie Wood et Richard Beymer en 1961, on la retrouve dans cette nouvelle production qui s’installe au Châtelet jusqu’aux fêtes de fin d’année. Le metteur en scène américain Lonny Price, vedette de Broadway, en assure une mise en scène qui, si elle reste fidèle à l’original, présente quelques variantes intéressantes et dirige parfaitement une troupe assez jeune et très douée. De fait, il faut dans le musical savoir jouer, danser et chanter à la fois. Ce dont s’acquitte parfaitement cette distribution qui manifestement assurera toutes les représentations sans alternance.


La chorégraphie de Jerome Robbins remontée par Julio Monge s’éloigne fort peu de l’original et si la danse pourrait par moments être plus fluide, l’ensemble est tout à fait entraînant et permet, c’est son but, de faire avancer l’action sans temps morts. Un seul cependant, quand après la mort des deux garçons, au tableau « Somewhere », la chanson originale est chantée par un chœur et qu’une chorégraphie un peu brouillonne plombe cette scène de transition.


De même pour le chant, l’impression d’ensemble est excellente. Les deux amoureux, Maria et Tony, sont parfaitement appariés. Elle, Melanie Sierra, déjà aguerrie à l’opéra, a toute la fraîcheur vocale et l’ingénuité voulue et se montre très dramatique dans les moments les plus sombres. Lui, Jadon Webster, même s’il est un peu plus gauche scéniquement, assure les difficultés énormes du rôle avec une justesse vocale et un timbre passionné. Ils sont tout à fait parfaits et émouvants dans « Tonight » mais surtout « One hand, one heart ». Anita, Kyra Sorce, crève l’écran autant par sa danse endiablée que son talent théâtral et vocal. Tous les rôles secondaires sont excellents, autant Riff de Taylor Harley, grand habitué du rôle, qu’Antony Sanchez (Bernardo) et les rôles adultes de Doc (Darren Matthias) et de l’officier Krupke (Erik Gratton).


Vingt‑sept ans après sa création à Broadway, Deutsche Grammophon avait offert à Leonard Bernstein de diriger et enregistrer pour la première fois ce qui est, il faut bien le dire, son chef‑d’œuvre le plus parfait avec une distribution de chanteurs d’opéra de premier plan (Kiri Te Kanawa, Tatiana Troyanos, Marilyn Horne, José Carreras...) et ses propres enfants pour les rôles parlés. Dans le passionnant film The Making of West Side Story qui accompagne cet enregistrement exceptionnel de 1984, Bernstein dit que cette musique écrite vingt‑sept ans plus tôt, il lui semblait l’avoir écrite la veille. Bientôt soixante‑cinq ans après, on imagine qu’il n’aurait pas changé d’avis ! Aurait‑il approuvé la direction un peu monolithique et souvent trop tonitruante de Grant Sturiale et les orchestrations additionnelles de Gath Edwin Sunderland ? On se gardera bien d’en douter. Mais ne boudons pas notre plaisir car, quand Broadway ou le West End londonien proposent des orchestres d’une quinzaine de musiciens, le Châtelet offre une fosse bien garnie garantissant un son opulent.


Le public, semble‑t‑il très assidu à la location et plutôt familial ce soir‑là, a fait un triomphe numéro par numéro et au final à cette représentation. Il faut dire que cette belle machine qui a fait son effet dans le monde entier depuis plus de soixante ans résonne actuelle comme au premier jour. Cette guerre interraciale pour des « territoires » et surtout la scène parodique où les Jets singeant tour à tour l’officier Krupke, un juge et une assistante sociale pour expliquer que s’ils sont méchants, c’est à cause de la société qui les a laissés tomber, résonne avec une vérité éclatante qui donne froid dans le dos. On gage que ce musical connaîtra encore de très belles années de succès dans sa forme traditionnelle. Récemment, les tentatives de metteurs en scène brillants dans leurs rôles d’adaptateurs respectifs, à savoir Ivo van Hove, spécialiste de la vidéo, et Barrie Kosky, célèbre pour s’approprier les œuvres politiquement et avec fantaisie, ont fait chou blanc en s’éloignant trop du moule...



Olivier Brunel

 

 

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