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Sur les cimes

Paris
Philharmonie
10/29/2023 -  et 30* octobre 2023

29 octobre – et 28 octobre (Luxembourg), 1er (Hambourg), 3 (Baden‑Baden) novembre 2023
Serge Rachmaninoff : Concerto pour piano n° 4, opus 40 – Symphonie n° 2, opus 27
Daniil Trifonov (piano)
The Philadelphia Orchestra, Yannick Nézet‑Séguin (direction)


30 octobre – et 27 octobre (Luxembourg), 2 (Hambourg), 4 (Baden‑Baden) novembre 2023
Serge Rachmaninoff : Vocalise, opus 34 n° 14 – Rhapsodie sur un thème de Paganini, opus 43 – Symphonie n° 1, opus 13
Daniil Trifonov (piano)
The Philadelphia Orchestra, Yannick Nézet‑Séguin (direction)


Y. Nézet‑Séguin, D. Trifonov (© Ondine Bertrand/Cheeese)


Entre l’Orchestre de Philadelphie, Leopold Stokowski, Eugene Ormandy et Serge Rachmaninoff, c’est une presque une histoire d’amour. Le premier crée le Quatrième Concerto, la Rhapsodie sur un thème de Paganini et la Troisième Symphonie, le second les Danses symphoniques à lui dédiées. Comme chef, Rachmaninoff enregistre avec lui L’Ile des morts, la Vocalise et la Troisième Symphonie.


Yannick Nézet‑Séguin perpétue donc une tradition, à sa façon – question de génération, de racines, de culture. On ne retrouvera pas chez lui les sonorités plus enveloppées d’un Ormandy – il décape les cordes, par exemple, sans les assécher. Il nous rappelle aussi que Rachmaninoff n’était pas seulement un mélodiste, mais un rythmicien, ce qui donne un élan continu aux interprétations des deux premières Symphonies, qu’il dirige en narrateur, avec un art des transitions. Il y construit une dramaturgie, grâce à une parfaite gestion du temps musical – sans laquelle la Deuxième, comme la Deuxième d’Elgar ou la Symphonie de Paderewski, dont la durée avoisine également une heure, pourrait s’étirer en longueur. Le chef canadien n’en sacrifie pas pour autant les couleurs, dont les alliages témoignent d’une grande invention – les symphonies, ici, sont à la fois récits et paysages. La tâche est presque aisée : on entend rarement orchestre d’une telle splendeur, tous pupitres confondus, d’une telle virtuosité. Une virtuosité qui, si elle est spectaculaire, n’est pas démonstrative, mais seulement euphorique, relevant du bonheur de jouer. Un éventail dynamique quasi infini permet de révéler les plus infimes détails des deux partitions, la direction conjuguant la rigueur de l’analyse et le lyrisme des effusions – la Vocalise ne dégouline pas. Le mouvement lent de la Première Symphonie, ainsi, touche au sublime, avant que le laborieux final soit presque reconstruit par une direction très architecturée – ici aussi, tout avance.


Entre Daniil Trifonov, qu’on croirait sorti tout droit d’un roman de Dostoïevski, avec son air de Raspoutine adolescent, et Yannick Nézet‑Séguin, l’entente s’avère parfaite – comme elle l’était entre le compositeur, Stokowski et Ormandy. L’orchestre n’accompagne pas, il est à l’unisson, tant le chef empoigne littéralement le Quatrième Concerto et la Rhapsodie sur un thème de Paganini. Fort d’une incroyable virtuosité, le pianiste russe semble improviser alors qu’il construit, fantasque, créant des clairs obscurs, tirant vers Scriabine le Concerto le moins aimé de Rachmaninoff. Mais il intériorise cette virtuosité, loin de toute rhétorique démonstrative, faisant des Variations de l’Opus  43 une succession de Fantasiestücke. Il n’en reste pas moins au plus près du texte : la Quinzième variation est bien un « Scherzando », les triolets de la Dix‑neuvième sont bien joués « quasi pizzicato », « staccato » ceux de la Vingt-et-unième. Si l’Andante cantabile de la Dix‑huitième suspend le temps dans ses pp, les dernières déchaînent toute la puissance d’un clavier qui, pour autant, ne sonne jamais durement, tant l’éventail dynamique est inépuisable.


Le premier soir, Trifonov enchaîne, en bis, un inattendu I cover the waterfront d’Art Tatum et une Vocalise de Rachmaninoff sans guimauve ; le second, il joue le Neuvième Prélude de l’Opus 23. L’orchestre, lui, ressuscite en guise d’adieu le Philadelphie d’antan, avec le célèbre Prélude en do dièse mineur « arrangé » par Stokowski, vision de cauchemar aux trémolos de violons apeurés.


Pour faire durer le plaisir, on se précipitera sur les Rachmaninoff enregistrés par le chef et le pianiste chez Deutsche Grammophon.



Didier van Moere

 

 

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