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La force tranquille de Nathalie Stutzmann

Paris
Philharmonie
10/18/2023 -  et 19 octobre 2023
Serge Prokofiev : Ouverture sur des thèmes juifs, opus 34
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violoncelle n° 1, opus 107
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 « Pastorale », opus 68

Sheku Kanneh-Mason (violoncelle)
Orchestre de Paris, Nathalie Stutzmann (direction)


(© Ava du Parc)


Atlanta, Bayreuth, le Met... irrésistible ascension de Nathalie Stutzmann. Et ce n’est que justice. Le dernier concert de l’Orchestre de Paris a confirmé, s’il en était besoin, que nous tenons là un des meilleurs chefs – elle refuse la féminisation du mot – du moment. L’Ouverture sur des thèmes juifs de Prokofiev, jamais encore donnée par l’orchestre, séduit d’emblée par une fausse nonchalance, pleine d’humour, ou par un lyrisme généreux, mais aussi par le refus de tout effet facile. Et voici restitués les savoureux détails de l’orchestration d’une partition d’abord destinée à un ensemble très réduit.


Les mouvements, si différents, du Premier Concerto pour violoncelle de Chostakovitch, s’enchaînent ensuite tout naturellement, confirmant le caractère très unitaire de la direction. Pas de hiatus entre l’ironie piquante de l’Allegretto initial ou de l’Allegro molto final et les épanchements douloureux du Moderato : la baguette se garde de tout excès afin de préserver la cohérence de la structure. On n’aurait pas rêvé meilleur partenaire pour le magnifique violoncelle d’un Sheku Kanneh‑Mason de 24 ans, qui efface vite le souvenir de Sol Gabetta dans le Second Concerto la saison dernière. Sonorité magnifique, jeu inventif, le Britannique déploie dès l’Allegretto un sens du rythme qui fait presque swinguer la musique, alors qu’il intériorise ensuite le Moderato, superbement phrasé, avec des moments de grâce tel le passage, à la fin, où la voix du célesta se mêle aux harmoniques du soliste. La Cadenza impressionne, par ses couleurs, l’éventail de ses nuances, son intensité poignante, puis par la virtuosité de ses traits. L’exécution du Concerto, pourtant, n’a pas été un fleuve tranquille. Une corde a cassé dans le Moderato, une autre dans la Cadenza. Mais alors que, la première fois, soliste et chef étaient sortis, il a continué, après le second accident, à jouer... sur l’instrument du violoncelle solo de l’orchestre, sans que la sonorité paraisse différente de celle de son Mateo Goffriller.


Diriger la Pastorale de Beethoven constitue toujours un défi : combien d’interprétations prestigieuses ne garde-t-on pas en mémoire ? Nathalie Stutzmann l’a brillamment relevé, grâce aussi à un orchestre splendide. Là encore, l’équilibre des tempos, l’art des transitions, le souci des dosages dynamiques, la richesse de l’éventail chromatique frappent dès l’Allegro ma non troppo, qu’elle dirige à la fois en coloriste et en rythmicienne, dans une sorte d’euphorie sereine, avec une balance parfaite entre la tension et la légèreté. A la fois souple et ferme, le bras laisse aussi les musiciens chanter. L’Andante molto mosso, où ressort toute la finesse des textures, déborde de poésie bucolique. Pas de rusticité appuyée dans le scherzo, l’orage reste ensuite très tenu, sans effets de manche, avant que l’Allegretto final ne respire le bonheur retrouvé. Les trois parties s’enchaînent : Nathalie Stutzmann y révèle une grande maîtrise de la forme, un art d’avancer et de raconter qui, dans la fosse, font l’admiration de tous.


Ce second concert de l’orchestre était destiné aux moins de 28 ans, pour 10 euros. Quel plaisir de voir la salle aussi pleine et aussi enthousiaste ! Les musiciens, en revanche, n’ont pas applaudi le chef.



Didier van Moere

 

 

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