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Tout russe Paris
Maison de la radio et de la musique
10/19/2023 -
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violoncelle n° 1 en mi bémol majeur, opus 107
Serge Rachmaninov : Symphonie n° 3 en la mineur, opus 44
Pablo Ferrández (violoncelle)
Orchestre national de France, Juraj Valcuha (direction)
P. Ferrández (© Igor Studio)
Ce programme entièrement dédié à la musique russe permettait de retrouver le violoncelliste espagnol Pablo Ferrández déjà invité par l’Orchestre national de France en 2020 pour Don Quichotte de Strauss et le chef slovaque Juraj Valcuha habitué régulier du National depuis 2017 et ce à l’initiative du directeur artistique de l’époque, Didier de Cottignies.
Le Premier Concerto pour violoncelle de Chostakovitch est dédié au créateur Mstislav Rostropovitch (on dit qu’il l’apprit en quatre jours !) et a souvent les honneurs du concert – la preuve, il était cette même semaine au programme de l’Orchestre de Paris. Composé de quatre mouvements, il débute par un Allegretto utilisant les notes DSCH (ré/mi bémol/do/si), correspondant aux initiales du compositeur en allemand, que l’on reconnaîtra dans le final (Allegro con moto). Entre‑temps prennent place un émouvant Moderato se terminant par une intervention du célesta typique du compositeur et une cadence qui voit déjà réapparaître les quatre notes signature de Chostakovitch. Cette œuvre tourmentée trouve ici des interprètes de talent qui n’exploitent pas seulement le côté sombre de l’œuvre. L’orchestre est transparent, précis et une corniste supplémentaire (dont le nom n’est étonnamment pas mentionné dans le programme) impressionne dès les premières secondes de ce concerto qui donne plus tard aussi, la part belle au cor solo. La mise en place orchestrale est rigoureuse sous la direction sobre et efficace de Juraj Valcuha. Depuis le parterre, la balance soliste-orchestre est excellente. Pablo Ferrández, familier de l’œuvre (il l’a jouée cet été avec l’Orchestre philharmonique de Rotterdam en tournée européenne), séduit par sa présence, la beauté du son et sa puissance d’expression. Un extrait d’une suite pour violoncelle de Bach, jouée classique et baroque à la fois, termine en beauté cette première partie de concert.
Place ensuite à un orchestre très élargi pour une magnifique Troisième Symphonie de Rachmaninov donnée en seconde partie. Cette œuvre composée au milieu des années 1930, que Rachmaninov a mis du temps à écrire, fut créée à Philadelphie par Leopold Stokowski en 1936. C’est une musique infiniment riche et puissante qui est ici parfaitement servie. Juraj Valcuha dirige avec précision, même s’il semble parfois brider quelque peu ses musiciens avec une gestique omniprésente. Il ne parvient pas complètement à unifier une musique qui peut parfois paraître disparate. Dès le Lento introductif (magnifique corniste toujours !) rapidement suivi d’un Allegro moderato, le décor multiple et foisonnant de cette musique est tracé grâce notamment à de belles cordes graves et des cuivres brillants mais jamais débridés. Dans l’Adagio non troppo qui suit, le climat plus nostalgique est parfaitement rendu et la direction de Juraj Valcuha met bien en valeur les harmonies serrées et les raffinements de l’orchestration d’une musique bien ancrée, au moins par certains côtés, dans le XXe siècle. L’Allegro final, une véritable fête des sons, des sens et des couleurs emporte l’auditeur dans un superbe maelström. Et jusqu’à la toute fin de l’œuvre, la tension, la précision et le sens de la progression, témoignent des immenses qualités collectives de l’Orchestre national de France.
Au total, un superbe concert au programme passionnant qui confirme l’excellente forme de l’Orchestre national de France et le grand talent de Pablo Ferrández comme celui de Juraj Valcuha, deux grands artistes que l’on espère bientôt revoir à Paris.
Gilles Lesur
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