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Le retour de Chung

Paris
Maison de la radio et de la musique
10/12/2023 -  
Robert Schumann : Concerto pour piano, opus 54
Franz Schubert : Symphonie n° 8 « Inachevée », D. 759
Carl Maria von Weber : Der Freischütz, opus 77 : Ouverture

Yunchan Lim (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Myung‑Whun Chung (direction)


M.-W. Chung (© Matthias Creutziger)


Le retour du chef Myung‑Whun Chung est toujours un moment apprécié du public et de l’Orchestre philharmonique de Radio France, dont il fut directeur musical de 2000 à 2015 avant d’en être nommé ensuite chef honoraire. La meilleure preuve est ce soir cette salle pleine et enthousiaste à l’arrivée du maestro coréen, 70 ans cette année et à l’allure toujours jeune, même si le pas vers le podium est plus lent. Myung‑Whun Chung a choisi ce soir d’inviter son compatriote le jeune pianiste Yunchan Lim, vainqueur l’année dernière à 18 ans du célèbre concours de piano Van Cliburn à Fort Worth (Texas).


Le programme, assez traditionnel, est une triple rencontre placée sous le signe du romantisme allemand. Le concert débute par le Concerto pour piano de Schumann et son abrupt accord initial. A l’entrée du piano, on perçoit une certaine retenue dont on se dit qu’elle est sans doute temporaire, mais cette réserve perdure pendant tout le concerto. L’agilité digitale est certes là mais une vraie proposition d’interprétation se fait attendre malgré un magnifique accompagnement orchestral. Cette impression persiste durant les trois mouvements, même s’il est vrai que le troisième mouvement réussit mieux au jeune pianiste. En bis, le Troisième des Rêves d’amour de Liszt ne convainc pas entièrement malgré une réalisation techniquement aboutie. On est loin de la poésie et de la plénitude sonore que met dans cette musique par exemple Bertrand Chamayou.


Place ensuite à une Inachevée de Schubert où l’on sent Myung‑Whun Chung plus libre. Il aborde cette fascinante musique avec les contrastes, la ligne et le sens de la construction qu’elle requiert. Le chant initial des contrebasses et violoncelles qui semble venir de nulle part, les entrées suspendues des bois (superbes hautbois d’Hélène Devilleneuve et clarinette de Jérôme Voisin au souffle inépuisable) sont parmi les témoins les plus convaincants d’une réalisation passionnante et sans aucune chute de tension. Les reprises des thèmes et leurs développements successifs contribuent à la construction d’un premier mouvement véritable arche de musique. C’est une vision clairement tragique de l’œuvre de Schubert que nous proposent les interprètes. Les accords parfois très dissonants ( bémol, mi) tenus par les bois et très soulignés par le chef nous éloignent du Schubert léger. Seules réserves mineures, à la fin du second mouvement, l’équilibre trop favorable aux cuivres fait perdre la ligne des vents, et les changements des premiers violons lors des ultimes mesures tenues ne sont pas tout à fait synchrones. Mais ce ne sont que détails tant cette interprétation habitée, puissante et tragique, qui étonnamment fait parfois penser à Bruckner (notamment les pizzicati des cordes lors des tenues de vents à la fin de l’œuvre), séduit.


Pour finir place à la joie de l’Ouverture du Freischütz de Weber, magnifiquement emmenée par Myung‑Whun Chung. L’Orchestre philharmonique de Radio France réagit à la moindre inflexion du chef et offre ici aussi une prestation tonique et raffinée. Les quatre cornistes (dont deux arrivent uniquement pour ce final), à l’intonation et aux nuances adaptées et aussi grâce à une musicalité commune, séduisent. Quel dommage de ne pas plus souvent entendre cette œuvre géniale en entier. Il est loin le temps où Christoph Eschenbach avait dirigé en concert le Freischütz dans la version française de Berlioz en 2002 salle Pleyel.


Ce concert aura donc surtout marqué par une puissante et tragique Inachevée de Schubert, résolument ouverte vers l’avenir. Et comment ne pas se réjouir de la persistance au‑delà du temps d’une belle relation entre ce très grand chef qu’est Myung‑Whun Chung et l’Orchestre philharmonique de Radio France, sans doute le plus versatile des orchestres parisiens.



Gilles Lesur

 

 

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