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Fin de marathon

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/14/2023 -  et 29 août (Salzburg), 5 (Luzern), 10 (Bucuresti), 13 (Praha) septembre 2023
Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 2 en si bémol majeur, opus 83
Antonín Dvorák : Symphonie n° 8 en sol majeur, opus 88, B. 163

Igor Levit (piano)
Wiener Philharmoniker, Jakub Hrůsa (direction)


J. Hrůsa (©  Cyprien Tollet/TCE)


Le chef tchèque (né en 1981) Jakub Hrůsa est‑il en passe de devenir un partenaire privilégié de l’Orchestre philharmonique de Vienne ? On peut l’affirmer sans grand risque. Après un concert parisien en mai dernier considéré par de nombreux confrères comme ayant été un sommet, Hrůsa aura ainsi dernièrement dirigé les Wiener Philharmoniker dans deux programmes au fil de plusieurs festivals estivaux. Le premier (Janácek, Enesco, Rachmaninov) fut donné à Grafenegg, à Lucerne, à Vienne et à Bucarest (dans le cadre du Festival Enesco) ; le second (celui de ce soir) fut successivement rodé à Salzbourg, à Lucerne et à Bucarest de nouveau, et à Prague (cette fois‑ci dans le cadre du Festival international de musique Dvorák de Prague). Autant dire que tant le chef que l’orchestre et le soliste ont eu le temps de mûrir et d’ajuster les deux œuvres interprétées ce soir au Théâtre des Champs‑Elysées.


Pourtant, le Second Concerto pour piano (1878‑1881) de Brahms commença de façon quelque peu bancale. D’emblée, le Philharmonique de Vienne impose ses sonorités : amples, puissantes (le Konzertmeister Volkhard Steude démontrant si besoin était son charisme indéniable sur ses partenaires), souveraines même (le cor solo de Josef Reif !), reléguant de fait le piano presque timide d’Igor Levit au rang de faire‑valoir, le soliste peinant à s’imposer côté volume. Côté caractère pourrait‑on dire, le dialogue fonctionna en revanche beaucoup mieux. Ainsi, le climat souhaité par le pianiste ou par l’orchestre trouva chez son comparse un véritable répondant même si le qualificatif donné à l’époque au Premier Concerto de « symphonie avec piano obligé » s’imposait assez facilement à l’écoute de cet Allegro non troppo introductif. On retrouva, mais de façon quelque peu atténuée, cette primauté orchestrale dans le mouvement suivant, Levit délivrant un jeu nerveux, n’hésitant pas à battre la mesure de la main pendant que l’orchestre jouait seul ou à regarder avec volontarisme les musiciens à tel ou tel moment. Le jeu de chacun s’avère des plus conquérant, l’orchestre vrombissant de manière tellurique, le piano s’embrase : on est conquis ! Il fallut tout de même attendre le sublime Andante pour que le piano se fasse roi ; le toucher empli de délicatesse d’Igor Levit fut merveilleux, à l’instar de ce que nous avions pu entendre à Berlin il y a quelques semaines dans Beethoven. Le respect de la partition, l’épanouissement des notes, un jeu de pédales millimétré firent de ce moment un instant musical exceptionnel auquel répondit parfaitement l’orchestre, au premier rang duquel il faut louer le violoncelle solo Peter Somodari. Et c’est finalement dans l’Allegretto grazioso qu’Igor Levit s’imposa de manière définitive, par un jeu facétieux et plein de finesse, l’orchestre dirigé tout du long par la baguette attentionnée de Jakub Hrůsa étant au diapason de cet esprit presque mutin.


Chaleureusement salué, Igor Levit gratifia le public du Théâtre des Champs-Élysées d’un bis on ne peut plus classique : le deuxième mouvement de la Huitième Sonate « Pathétique » de Beethoven. Signalons enfin qu’Igor Levit retrouvera prochainement le Philharmonique de Vienne dans le Second Concerto de Brahms toujours mais cette fois‑ci sous la direction de Christian Thielemann (à Vienne les 8, 9, 10 et 13 décembre puis à Baden‑Baden le 15 et à Hambourg le 16 décembre), puis dans le Neuvième Concerto « Jeunehomme » de Mozart sous la baguette de Joana Mallwitz le 27 janvier 2024 dans le cadre de l’habituelle Mozartwoche donnée à Salzbourg pour commémorer la disparition de l’enfant chéri de la ville.


Le temps d’un entracte pendant lequel public et musiciens se retrouvèrent sur le trottoir de l’avenue Montaigne pour prendre l’air ou fumer une cigarette, et voici le Philharmonique de Vienne de retour dans une œuvre qu’il a maintes fois donnée au concert et gravée au disque avec succès (sous les baguettes de Karajan, Kubelík, Maazel ou Ozawa notamment). La phalange s’est étoffée (les cors passent de deux à quatre, trois trombones arrivent, les pupitres de cordes gagnent quelques musiciens) et le Tchèque Jakub Hrůsa, qui a récemment enregistré l’œuvre à la tête de l’Orchestre symphonique de Bamberg, couplée à la Troisième de Brahms (Tudor, voir ici), peut se lancer à corps perdu dans cette symphonie solaire et pleine de finesse. Difficile de ne pas être emporté ; aura‑t‑on été convaincu pour autant ? On aura assurément entendu un Philharmonique de Vienne des grands soirs. Les cordes se montrèrent d’une suprême élégance dans le deuxième mouvement, le soyeux des violons fut indescriptible dans le troisième, la petite harmonie fut étincelante (formidable Karl‑Heinz Schuetz à la flûte solo, excellents Gregor Hinterreiter et Andrea Götsch à la clarinette) : c’est avec de tels concerts que les Viennois peuvent se targuer d’être un des tous meilleurs orchestres du monde (mais qui en doute ?).


Néanmoins, l’interprétation nous aura laissé une impression globalement mitigée. Dès le premier mouvement (Allegro con brio), le rubato de Jakub Hrůsa engendre de légers décalages entre premiers et seconds violons, le pupitre de cors (emmené cette fois‑ci par Manuel Huber) fut parfois hasardeux et il faut bien à la fois le geste précis du chef – quelle direction flamboyante soit dit en passant – et les impulsions du Konzertmeister pour, sur les forte de la partition, remettre tout le monde en ordre. Le deuxième mouvement pèche parfois par quelques lourdeurs (la reprise de l’orchestre après le magnifique solo du premier violon) mais restera tout de même comme un des plus beaux moments de cette deuxième partie de concert. Hrůsa a ensuite tendance à trop privilégier le détail, les effets dynamiques et de nuances sur la cohérence du discours ; de fait, peut‑être pour susciter l’attention constante des musiciens et du public, il a tendance à alanguir le discours après la formidable entrée des cordes dans le troisième mouvement, alanguissement qui lui permet certes de reprendre le thème avec d’autant plus d’élan. Le Finale : Allegro ma non troppo est très bien fait en revanche même s’il manque un rien d’éclat.


Pour autant, ovation évidemment attendue de la part du public parisien qui se vit offrir un bis typique de l’orchestre en tournée, la polka rapide Muthig Voran! de Johann Strauss fils, lequel enthousiasma une salle acquise à la cause d’un orchestre décidément superlatif.


Le site de Jakub Hrůsa
Le site d’Igor Levit
Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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