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Fischer le mahlérien

Berlin
Philharmonie
08/26/2023 -  et 24 (Amsterdam), 31 (Grafenegg) août 2023
Jörg Widmann : Das heisse Herz : 1. « Der arme Kaspar », 4. « Hab ein Ringlein am Finger », 6. « Das Fräulein stand am Meere », 7. « Kartenspiel » & 8. « Einsam will ich untergehen »
Gustav Mahler : Symphonie n° 7 en mi mineur

Michael Nagy (baryton)
Koninklijk Concertgebouworkest, Iván Fischer (direction)




Lourde responsabilité pour Iván Fischer que de diriger le concert d’ouverture de la Musikfest de Berlin, édition 2023 ! Une nouvelle fois, tous les mélomanes vont se donner rendez‑vous dans la capitale allemande pour trois semaines de musique où les concerts les plus prestigieux vont pouvoir se succéder. Ainsi, Dinis Sousa dirigera Les Troyens de Berlioz à la tête de l’Orchestre révolutionnaire et romantique et du Chœur Monteverdi (en lieu et place de Sir John Eliot Gardiner, celui‑ci ayant annoncé ne plus diriger les différentes représentations de cet opéra en cette fin août-début septembre après la vive altercation qu’il a eue avec la basse anglaise William Thomas lors du Festival Berlioz de La Côte‑Saint‑André) avant que Lahav Shani ne dirige l’Orchestre philharmonique d’Israël dans un programme consacré notamment à Rachmaninov, Sir Simon Rattle conduisant pour sa part l’Orchestre symphonique de Londres dans la Neuvième Symphonie de Mahler, Andris Nelsons venant à la tête de son Orchestre symphonique de Boston tandis que Philippe Herreweghe dirigera la Messe en si de Bach, Rafael Payare conduisant quant à lui l’Orchestre de la Staatskapelle de Berlin. N’oublions pas non plus la part faite à la musique de chambre et à la musique du XXe siècle (Sir George Benjamin dirigera un programme Varèse, Haddad, Schönberg, tandis que Kirill Petrenko conduira les Berliner Philharmoniker dans un programme Xenakis, Hartmann, Illés, Kurtág). Signalons également deux concerts dirigées par deux des femmes cheffes d’orchestre les plus prometteuses aujourd’hui : Joana Mallwitz conduira ainsi l’Orchestre du Konzerthaus de Berlin (dont elle vient d’être nommée directrice musicale) tandis que Mirga Grazinytė‑Tyla dirigera les Müncher Philharmoniker dans la Deuxième Symphonie « Résurrection » de Mahler. Enfin, invitation ô combien symbolique, Luigi Gaggero dirigera le 10 septembre l’Orchestre symphonique de Kiev dans un programme associant Werbyskyi à Schumann et Beethoven.


Pour ce concert d’ouverture donc, Iván Fischer est venu avec l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, phalange avec laquelle il a tissé des liens étroits depuis plusieurs années et dont il est le premier chef invité honoraire. Ce concert prend place dans le cadre d’une petite tournée qui, démarrée à Amsterdam le 24 août, doit les conduire successivement à Lucerne, Berlin donc, Ljubljana et Grafenegg, les extraits de l’œuvre de Widmann n’étant pas donnés à Ljubljana et étant remplacés dans le cadre du concert donné au célèbre festival suisse par le Prélude du premier acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg. Commençons par ces extraits (cinq sur huit) du cycle Das heisse Herz (2018) de Jörg Widmann, œuvre collectivement commandée par les orchestres de Cleveland, Bamberg, Birmingham et Porto et créée le 26 avril 2018 par l’Orchestre symphonique de Bamberg sous la direction de Jakub Hrůsa avec Christian Gerhaher en soliste. Interprétation d’une finesse absolue ce soir, écoutée dans un silence des plus impressionnants, ce cycle réconcilierait n’importe qui avec la musique contemporaine. Le climat extatique du premier extrait (l’entrée du célesta puis des deux harpes, avant que n’interviennent les percussions) précéda deux extraits fort brefs, chacun marqué par une rythmique très importante (très allant pour le premier, un mouvement de valse pour le second), avant que le quatrième extrait n’impose à la fois une certaine noirceur avec des accents jazzy, cette première partie de concert se concluant par le plus long extrait, extrêmement mélodieux, dans lequel furent essentiellement mises en avant les cordes et les percussions.


Magnifiquement dirigé par Iván Fischer (quelle précision dans le geste, l’accompagnement des fins de phrases, le respect des silences et de l’agogique de l’œuvre !), l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam se montra d’une rare intensité, respectant avec une précision helvétique tous les détails d’une partition foisonnante qui mériterait plusieurs écoutes pour en profiter pleinement. L’art de la déclamation n’a pas de secret pour le baryton Michael Nagy qui sut également chanter, rire, murmurer, susurrer à qui mieux mieux, notamment dans “Einsam will ich untergehen”, composé sur un poème de Clemens Brentano, sans doute la séquence la plus émouvante et la plus séduisante de la partition. Les applaudissements du public redoublèrent lorsqu’Iván Fischer fit venir sur scène Jörg Widmann, acclamé par les spectateurs et les musiciens, qui saluèrent ainsi un artiste majeur de la musique contemporaine, par ailleurs artiste en résidence des Berliner Philharmoniker pour la saison 2023‑2024.



I. Fischer (© Fabian Schellhorn/Berliner Festspiele)


Y a-t-il plus mahlérien comme orchestre que celui du Concertgebouw ? Héritier d’une longue tradition, l’orchestre a enregistré la Septième Symphonie (1904‑1906) sous la direction notamment de van Beinum, Haitink, Kondrachine, Chailly, Jansons et Boulez. Autant dire que sa connaissance intime de la partition n’est plus à démontrer. Et ce fut de nouveau ce soir une véritable démonstration qui fut offerte au public de la Philharmonie de Berlin grâce en premier lieu à la direction tout bonnement magistrale d’Iván Fischer. Déjà lors d’une précédente édition de la Musikfest, nous avions souligné les affinités mahlériennes du chef hongrois qui avait alors dirigé la Cinquième Symphonie ; il les aura une fois encore mises en exergue.


Dans le premier mouvement, il sublima le foisonnement orchestral de la partition où tout cela sonne, claque, se répond avec une impressionnante maestria. Laissant les solistes totalement libres dans les deux Nachtmusiken (deuxième et quatrième mouvements), il sut parfaitement imprimer sa marque dans les accents lugubres du Scherzo central avant d’enlever le dernier mouvement dans une verve communicative, l’orchestre répondant à la moindre de ses inflexions que traduisait une direction particulièrement lisible. Très justement ovationné par le public et les membres de l’orchestre, Iván Fischer fit saluer les solistes de l’orchestre qui, il est vrai, furent tous étincelants. Les musiciens, disposés pourrait‑on dire à la fois à l’ancienne (premiers et seconds violons côte à côte à sa gauche, violoncelles à droite) et à la viennoise (les contrebasses alignées en fond d’orchestre, juste devant les multiples percussionnistes requis dans cette symphonie), répondirent à chaque instant aux difficultés de cette partition où thèmes et contrechants se succèdent, dans laquelle les tutti les plus puissants laissent place aux pianissimi les plus imperceptibles. Habituellement violoniste solo de la Philharmonie de chambre de Brême, Sarah Christian officiait ce soir comme Konzertmeisterin et ce fut une totale réussite : la finesse de son jeu fit notamment merveille dans le quatrième mouvement mais son entrain et son évident charisme entraînèrent avec une force communicative l’ensemble des pupitres de cordes tout au long de la symphonie. Si la petite harmonie fut excellente (mention spéciale pour le hautboïste Alexeï Ogrintchouk), on aura surtout été subjugué par l’aplomb incroyable de la corniste Katy Woolley dans la première Nachtmusik et par l’enthousiasme de l’ensemble des percussionnistes, sollicités de bout en bout. En un mot, une interprétation exceptionnelle qui nous restera longtemps en mémoire !


Signalons enfin aux amateurs qui souhaiteraient retrouver Amsterdam dans Mahler que Klaus Mäkelä dirigera l’Orchestre royal du Concertgebouw dans la Troisième Symphonie les 14 (à Amsterdam) et 24 (à Bucarest) septembre prochains. Quant à Iván Fischer, il le conduira de nouveau les 4 octobre (Mendelssohn, Satie, Ravel et Debussy) et 14 décembre (Bach et Bruckner) 2023, les deux programmes étant pour leur part seulement donnés in loco.


Le site de la Musikfest de Berlin
Le site de Jörg Widmann
Le site de Michael Nagy
Le site de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam



Sébastien Gauthier

 

 

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