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L’homme pressé

Berlin
Philharmonie
08/25/2023 -  et 27 (Salzburg), 30 août (Luzern), 2 septembre (Paris) 2023
Max Reger : Variations et fugue sur un thème de Mozart, opus 132
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40

Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


K. Petrenko (© Sébastien Gauthier)


Comme à l’accoutumée, la Philharmonie de Berlin affichait complet pour le « traditionnel » concert d’ouverture de la saison de l’orchestre maison qui, on l’a déjà évoqué ici, s’annonce une nouvelle fois des plus alléchantes. Premier concert qui sera donné au total à quatre reprises, cette représentation nous aura tout de suite permis d’entrer dans le grand bain avec un orchestre chauffé à blanc. Premier concert qui aura également fait la « une » de l’actualité berlinoise, plusieurs journaux ayant consacré maints articles à cette représentation à laquelle plusieurs personnalités connues (du moins des Allemands...) assistaient, accueillies sur un tapis rouge au milieu des photographes, la corniste Sarah Willis assurant plusieurs interviews pour le Digital Concert Hall avant de rejoindre sa place au sein de l’orchestre, de très nombreux spectateurs étant venus pour l’occasion en smoking et robes longues, ce qui différait franchement des concerts habituels où le style décontracté est plutôt la règle.


On ne connaît guère l’œuvre de Max Reger (1873‑1916) et c’est bien dommage compte tenu de sa diversité (voir ici) ; néanmoins, parmi les trois cycles de variations pour orchestre réalisées par le compositeur bavarois, les Variations et fugue sur un thème de Mozart (1914) sont sans doute des plus célèbres. Si l’Orchestre philharmonique de Berlin les a jadis enregistrées dans un disque qui a fait date (dirigé par Karl Böhm chez Deutsche Grammophon), elles n’ont néanmoins que peu figuré dans ses programmes de concert, la dernière interprétation de cette œuvre par le Philharmonique datant de juin 1995 sous la direction de Horst Stein, grand spécialiste de Reger dont il avait enregistré de très nombreuses pièces à la tête de l’Orchestre symphonique de Bamberg. Il fallait bien l’esprit aventureux de l’actuel directeur musical pour que l’orchestre « redécouvre » véritablement cette suite composée d’un thème (issu de la Sonate pour piano K. 331 de Mozart), de huit variations et d’une fugue.


Ovationné par le public tout au long de l’installation de ses membres, l’Orchestre philharmonique de Berlin put alors accueillir son chef qui, entré très rapidement sur scène comme à son habitude, le lança immédiatement dans les délicatesses d’une partition qui nous éloignait des « poncifs » très justement déplorés dans le compte rendu précité. D’emblée, le hautbois d’Albrecht Mayer et les cordes berlinoises font montre d’une finesse absolue, que l’on retrouva à plusieurs reprises, notamment dans la Huitième Variation. En dépit des légères pauses entrecoupant chaque séquence de l’œuvre, Kirill Petrenko dirige l’ensemble d’un seul geste, les accents brahmsiens de la Première Variation répondant ainsi parfaitement à la souplesse de l’orchestre requise dans la Troisième Variation, les accents burlesques voire sarcastiques de la Cinquième Variation annonçant à bien des égards les formidables tutti tant de la Septième Variation que de la Fugue conclusive, dans laquelle nous retrouvions la simplicité du thème mozartien initial. Si les solistes furent tous idoines, ce sont surtout les pupitres de cordes qui nous auront impressionné, par leur cohésion, leurs envolées, leur sens des nuances également ; quel régal !


En seconde partie en revanche, un véritable pont aux ânes de tout grand orchestre, qui plus est des Berlinois (l’orchestre joua l’œuvre dès le mois de novembre 1902 alors qu’elle venait d’être créée en mars 1899) : Une vie de héros (1897‑1898) de Richard Strauss. La saison berlinoise ayant notamment choisi le thème du héros comme un de ses fils conducteurs, il était difficile de passer à côté de ce poème symphonique que l’orchestre a très récemment joué au Festival de Pâques de Baden‑Baden, enavril dernier. Oserons‑nous écrire que cette interprétation nous aura déçu ? Certes, Berlin reste Berlin et l’implication aussi bien que la virtuosité technique des musiciens n’est nullement en cause. A tout seigneur tout honneur, Vineta Sareika‑Völkner fut impériale dans ses soli, incarnant de la plus belle manière la femme du Héros, ayant su caractériser à la fois le côté mutin, volontaire, colérique, passionné de l’épouse, contrairement à ce qui avait été ressenti à Baden‑Baden, où avait été regretté un jeu par trop monochrome) ; ovationnée à juste titre lors des saluts, elle mérite totalement à notre sens ses lauriers de Konzertmeisterin. Saluons bien entendu les irréprochables Matías Pineira (le cor solo des Müncher Philharmoniker officiait ce soir comme cor solo des Berliner), Wenzel Fuchs (le clarinettiste usant d’un son toujours aussi velouté, notamment dans la partie « La Compagne du Héros »), Matic Kuder (récemment entré dans l’orchestre et qui tenait la redoutable partie de clarinette en mi bémol) ou Dominik Wollenweber au cor anglais. Les tutti furent souvent des plus impressionnants : évidemment dans la bataille, où la joyeuse cacophonie straussienne, requérant force cuivres et percussions, fut des plus prenantes mais également dans le si beau « Retrait du monde du Héros » (la dernière partie), peut‑être une des plus belles pages orchestrales composées par Richard Strauss.


Ce qui nous aura finalement beaucoup moins convaincu, c’est l’approche de Kirill Petrenko. Sa vision de l’œuvre nous aura bien souvent semblé être davantage une juxtaposition d’épisodes sans lien entre eux qu’une histoire que l’orchestre devrait au contraire et en principe nous raconter ; de fait, on aura été surpris par des césures et des ruptures qui n’eurent guère de sens, ou des changements de climat parfois brutaux en lieu et place de transitions que l’on aurait souhaité davantage soignées. Par ailleurs, Petrenko aborda la première partie (« Le Héros ») sur les chapeaux de roue (qui plus est avec une certaine raideur) et ce sera finalement une tendance assez forte que d’adopter des tempi ne laissant guère l’orchestre, encore moins l’auditeur, respirer, sauf tout de même dans la dernière partie. Dommage que le chef n’ait pas davantage pris son temps...


Pour autant, triomphe attendu de la part du public qui réclama la venue du chef seul sur scène, alors que les musiciens avaient déjà regagné les coulisses. Une lune de miel évidente entre le public et Kirill Petrenko donc, mais avouons que nous attendions mieux du Philharmonique de Berlin ce soir. Cela dit, c’était plutôt rassurant de constater que personne, y compris à ce niveau, n’est infaillible ou irréprochable...


Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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