About us / Contact

The Classical Music Network

Normandie

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Mini-concert et gros talents

Normandie
Deauville (Chapelle des Franciscaines)
08/03/2023 -  
Jean‑Philippe Rameau : Nouvelles suites de pièces de clavecin : Suite en sol : 4. « La Poule » – Deuxième livre de pièces de clavecin : Suite en mi mineur : 5. « Le Rappel des oiseaux » [+]
Louis-Nicolas Clérambault : Fables : « La Cour du lion » [*§]
Jacques Offenbach : Le Corbeau et le Renard – Le Rat des villes et le Rat des champs [*§]
Marcelle Manziarly : L’Oiseau blessé d’une flèche – La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf [*§]
Charles Trenet : La Cigale et la Fourmi [*§]
Camille Saint-Saëns : Le Carnaval des animaux : 13. « Le Cygne » [+&]
Franz Anton Schubert : 12 Bagatelles, opus 13 : 9. « Die Biene » [#§]
Nikolaï Rimski‑Korsakov : Le Conte du tsar Saltan : « Le Vol du bourdon » [#§]
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Les Saisons, opus 37a : 3. « Mars (Chant de l’alouette) » [+]
Claude Debussy : Children’s Corner, L. 119 (113) : 2. « Jimbo’s Lullaby (Berceuse des éléphants) » [+]
Igor Stravinski : L’Oiseau de feu : « Danse infernale du roi Katscheï », « Berceuse » & « Final » (arrangement Gaspard Thomas et Gabriel Durliat)

Natalie Pérez (mezzo-soprano) [*]
Vassily Chmykov [#] (violon), Stéphanie Huang [&] (violoncelle), Gaspard Thomas [§], Gabriel Durliat [+] (piano)


(© Agence Moatti & Rivière)


Dans le cadre de l’exposition du Centre culturel des Franciscaines consacrée au bestiaire d’André Hambourg, peintre local (1909‑1999), quelques‑uns des jeunes musiciens du vingt‑deuxième Août musical de Deauville ont été invités à explorer le répertoire musical, gigantesque, que les animaux, surtout les oiseaux, ont inspiré, œuvres vocales ou instrumentales, ballets ou extraits d’opéras, de l’époque baroque au vingtième siècle, pour un « mini‑concert », présenté comme tel.


Quelques mots tout d’abord sur les lieux, en fait inhabituels pour les fidèles des festivals deauvillais. Les Franciscaines sont un centre culturel qui a pris la place, à la suite d’une profonde réhabilitation, d’un ancien orphelinat achevé en 1878, assez sinistre et relativement mal construit, qui aux marges de la cité balnéaire servit d’hôpital militaire durant la Grande guerre, de couvent et d’établissement d’enseignement par la suite puis de lieu d’accueil de religieuses âgées. Quasiment à l’abandon après le départ des sœurs de la communauté Notre‑Dame de la Pitié en 2010, les lieux ont fait l’objet d’une restructuration lourde sous la direction d’Alain Moatti, architecte, à la suite d’un concours. Les travaux ont été finalisés en 2021 et le centre, inauguré en plusieurs étapes à la suite de la crise sanitaire, est aujourd’hui une réalité dont le succès ne se dément pas au vu de son intense fréquentation. La réalisation architecturale est, il est vrai, assez impressionnante, son cloître central désormais couvert par une verrière disposant par exemple d’un gigantesque lustre composé de 14 285 tubes transparents. Le centre intègre une bibliothèque de littérature et à thèmes (Normandie, Cinéma, Cheval...), des espaces de lecture agrémentés de photographies et de tableaux, régulièrement changés, un musée consacré au susnommé André Hambourg, des salles d’exposition, une cafétéria, une boutique et enfin une salle de spectacles.


Celle-ci résulte de la transformation de l’ancienne chapelle du couvent, au plan basilical. Ayant conservé ses vitraux mais dépouillée de son mobilier liturgique, elle a été dotée de gradins amovibles et de nombreux panneaux acoustiques, aux murs comme au plafond. Cependant, malgré l’investissement, assez considérable (28 millions d’euros quand même pour l’ensemble), le lieu ne sert malheureusement pas, contrairement aux objectifs initiaux, à des concerts de musique classique en raison de son acoustique jugée excessivement sèche. C’est pourtant là, moyennant le repliement des gradins et l’utilisation après essais de la salle « boîte à chaussures » dans le sens de la longueur, les musiciens étant placés au milieu d’un des côtés longs, un peu comme à la salle Cortot à Paris, qu’était proposé ce « mini‑concert » d’après‑midi, à l’évidence pour toucher de nouveaux publics et les attirer vers les « grands concerts » des festivals de Pâques comme d’Août.


L’initiative, nouvelle, était heureuse à cet égard puisqu’un public nouveau, nombreux et rajeuni répondit présent. Il est vrai que le prix des places (10 euros au lieu des 33 euros pour les concerts de la salle Elie de Brignac‑Arqana), le thème – il s’agissait d’évoquer le monde animal – et la brièveté du concert – une heure – avaient de quoi attirer du monde.


Le prétexte en était l’exposition en cours d’œuvres du peintre André Hambourg dont la ville a eu la mauvaise idée d’accepter en 2011 le don d’œuvres innombrables de la part de sa veuve. Sa production est en effet au mieux académique avant‑guerre et est devenue industrielle ensuite, avec une prédilection pour la représentation sempiternelle de la plage ensoleillée et de ses parasols depuis les célèbres planches, où le peintre peignait quasiment tous les jours devant sa cabine de bain, sans rapport avec ce qu’il avait sous les yeux et avec une naïveté insistante, digne d’un mauvais peintre du dimanche.


Le programme du concert, reprenant pour partie celui du disque paru l’an dernier chez b·records, était autrement plus captivant. Ne faisant l’objet d’aucune impression disponible à l’entrée, il fut très habilement présenté par Tristan Labouret, avec autant d’humour que de sens pédagogique et après avoir lancé un « mini‑concours » d’imitation du caquètement de la poule, assez drôle et brillamment gagné par un des spectateurs ; il obtint au vu des résultats de l’applaudimètre deux places gratuites pour le concert du lendemain.


Malgré les conditions de leur intervention, les sonneries de téléphone, le manque de tenue et de silence de quelques enfants, une acoustique tout juste acceptable et surtout un piano Yamaha très moyen, les artistes retenus, même pas positionnés sur une estrade, livrèrent des prestations somme toute de qualité, ne faisant pas regretter notre présence.


Le concert débuta tout d’abord par deux célèbres pièces de clavecin de Jean‑Philippe Rameau (1683‑1764) : « La Poule » (1728) et « Le Rappel des oiseaux » (1706), interprétés au piano par Gabriel Durliat. Malgré l’instrument, le pianiste s’en sortit fort bien. De Louis‑Nicolas Clérambault (1676‑1749), on entendit une de ses cent vingt‑sept Fables, « La Cour du lion » (1732). Comme constaté la veille, la mezzo‑soprano Natalie Pérez possède une voix juste et une tessiture homogène mais sa diction n’est malheureusement pas optimale : on ne comprend pas grand‑chose. Le Corbeau et le Renard et Le Rat des villes et le Rat des champs (1842) de Jacques Offenbach (1819‑1880) parurent plus réussis, la malice des textes se conjuguant parfaitement à la fantaisie de la partition. Moins connues étaient L’Oiseau blessé d’une flèche et La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, mélodies (1945) absolument délicieuses de Marcelle Manziarly (1899‑1989). Mais la chanteuse obtint un succès encore plus grand, et mérité, pour son interprétation de La Cigale et la Fourmi (1941) de Charles Trenet (1913‑2001), le public reconnaissant aisément tant le texte que le style du « Fou chantant » : tout était cette fois parfaitement articulé.


Après ces six pages inspirées des Fables de La Fontaine, Le Carnaval des animaux (1886) de Camille Saint‑Saëns (1835‑1921) paraissait quasiment inévitable. Le public eu donc droit à un « Cygne » à la fois digne et élégant sous l’archet de Stéphanie Huang, qui se garda d’en faire trop. On retrouva ensuite en compagnie de Gabriel Durliat un artiste très apprécié précédemment, Vassily Chmykov, pour une « Abeille » de Franz Anton Schubert (1808‑1878) puis le célèbre « Vol du bourdon » (1900) extrait d’un opéra oublié de Nikolaï Rimski‑Korsakov (1844‑1908), pièce éminemment difficile dont le violoniste surmonta avec aisance les difficultés liées à son mouvement perpétuel très rapide ; on sentait l’insecte horripilant tournoyer, le violon étant bien plus adapté pour le rendre présent que le piano dans sa version transcrite pour cet instrument.


Gabriel Durliat resta pour le « Chant de l’alouette » extrait des Saisons (1876) de Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840‑1893) où son chant ne relève pas vraiment de l’évidence. Le pianiste laissa y transparaître une délicate nostalgie. La réussite fut encore au rendez-vous avec son interprétation de la « Berceuse des éléphants » de Claude Debussy (1862‑1918), pièce autrement plus ambitieuse et originale extraite cette fois du recueil Children’s Corner (1908). Et le concert se termina par un arrangement pour quatre mains des interprètes eux‑mêmes de trois pages de la version pour piano seul de L’Oiseau de feu (1910) d’Igor Stravinski (1882‑1971). Le contexte ne favorisa cependant guère la lecture de ces extraits par Gaspard Thomas et Gabriel Durliat. En dehors d’une « Berceuse » joliment menée, les notes parurent exagérément piquées. La dureté du piano rendit le martèlement du clavier presque désagréable et le « Final », un brin fouillis, manqua du coup de flamboyance et de chatoiement, même s’il faut admettre la perte de couleurs due à la transcription, la brutalité emportant ici tout avec fracas. A l’évidence, l’interprétation aurait gagné à être réalisée dans la salle Elie de Brignac‑Arqana avec un autre instrument. Cela n’empêcha pas le public de féliciter chaleureusement les pianistes avant d’applaudir l’ensemble des artistes étant intervenus lors de ce « mini‑concert ».


On ne sait si l’expérience aura amené un nouveau public à rejoindre la salle traditionnelle mais elle mérite d’être retentée nonobstant les récriminations des grincheux entendues à la sortie en raison de la présence d’enfants, plus ou moins sages car ne voyant rien : il est en effet toujours heureux de voir un public somme toute ravi et des instrumentistes prenant plaisir à lui donner du bonheur. Prochain test dans une semaine, le 10 août, avec cette fois un programme sans doute moins léger mais qui s’annonce encore passionnant.


Le site des Franciscaines



Stéphane Guy

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com