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La Belle et la Bête au pays des Mille et Une Nuits

Paris
Opéra Comique
06/23/2023 -  et 25, 26*, 28, 29 juin, 1er juillet 2023
André-Ernest-Modeste Grétry : Zémire et Azor
Julie Roset (Zémire), Michel Talbot (Azor), Marc Mauillon (Sander), Sahy Ratia (Ali), Margot Genet (Lisbé), Séraphine Cotrez (Fatmé), Michel Fau (La fée maléfique), Alexandre Lacoste, Antoine Lafon (Les Génies)
Orchestre Les Ambassadeurs – La Grande Ecurie, Louis Langrée*/Théotime Langlois de Swarte (direction musicale)
Michel Fau (mise en scène), Hubert Barrère (décors, costumes), Joël Fabing (lumières)


M. Mauillon, J. Roset, S. Cotrez, M. Genet (© Stefan Brion)


Il y a tout un répertoire français à découvrir entre les derniers feux du baroque et l’orée du classicisme. L’exemple de Zémire et Azor, comédie‑ballet créée en 1771, vient à l’appui de cette affirmation partagée par bien des amateurs d’art lyrique. L’histoire est celle, édifiante, de La Belle et la Bête transposée en Orient et versifiée par les soins de Marmontel, sur quoi Grétry composa une musique aussi gracieuse que mélodieuse, certes simple de facture (nombreux unissons) mais prosodiquement sans défaut. Mieux : il s’emploie à maintenir un continuum émotionnel, où le mélodrame (parler sur de la musique orchestrée) agit comme un tissu connectif entre les récitatifs et les airs. Cela, Louis Langrée l’a compris, dont la battue fluidifie la discontinuité formelle grâce à un réjouissant sens et de la ligne et du primesaut. La trentaine de musiciens des Ambassadeurs et de la Grande Ecurie le secondent de leurs timbres fruités (savoureuse paire de bassons) avec, du côté des cors, quelques inadvertances d’intonation, corrélat inévitable des instruments d’époque...


On aurait pu s’attendre à une direction d’acteur flamboyante, sinon délurée. Las, c’est une carte étonnamment sobre que joue Michel Fau, au diapason d’un pupitre de percussions qui écarte, il est vrai, la ferblanterie des janissaires. Le metteur en scène a beau s’octroyer le rôle travesti de la Fée, où chacune de ses rares apparitions suffit à provoquer les rires d’un public manifestement attaché à son univers, la mécanique des vers rimés (soin tout particulier accordé aux liaisons) appelait davantage de fantaisie dans l’assaisonnement. Les génies‑danseurs, eux, tirent leur épingle du jeu lors du ballet. On en est quitte pour une vision illustrative prolongée par un décor unique qu’Hubert Barrère décline en trois pans de bois, tour à tour simili de jardin à la française pour le palais du monstre Azor, et maison de famille du négociant Sander. Il appartient aux lumières de Joël Fabing de faire la pluie (orage du premier acte) et le beau temps. La splendeur des costumes, au premier rang desquels la robe digne de Cendrillon portée par Zémire, avive par contraste la laideur du malheureux Azor, cloporte apparenté au Gregor Samsa kafkaïen – le livret indique simplement « sous une forme effrayante ».


Un plateau vocal sans faiblesse rachète ces insuffisances scénographiques, achevant de nous convaincre que l’œuvre du compositeur favori de Marie-Antoinette, à condition de ne pas lui demander plus que ce qu’elle peut donner, réserve son lot de séductions. Digne cousin du Sganarelle de Dom Juan, l’Ali de Sahy Ratia allie vis comica irrésistible et vocalité ductile (effets de bâillement et de tournis). Séraphine Cotrez et Margot Genet sont parfaitement en situation dans leur rôle ingrat de sœurs à claques, auprès desquelles Julie Roset passe sans coup férir pour une Cendrillon élue des princes, sinon des dieux. Grétry lui réserve deux grands airs, l’un virtuose l’autre émouvant. Mozartienne accomplie, la jeune soprano a la voix qui convient à Zémire : agile dans les aigus (vocalises en duo avec la flûte), charnue dans les graves, avec une appréciable soudure des registres. On n’aura garde d’oublier le charme de la comédienne, où la candeur le dispute à l’espièglerie. L’Azor de Michel Talbot paraît beaucoup plus univoque en comparaison. Il faut dire que la scénographie ne le ménage guère. Si l’émission pâtit certainement de sa posture voûtée et d’un costume qu’on devine fort inconfortable, le pathétique de « Zémire m’abandonne, elle veut mon trépas » suscite l’émotion. Reconnaissable entre tous, le timbre de Marc Mauillon s’affranchit de sa zone de confort, atteignant une autorité parfaitement appareillée au rôle du père.



Jérémie Bigorie

 

 

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