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Clameurs sans éclat

Paris
Maison de la radio et de la musique
06/23/2023 -  
Aida Shirazi : Torn (création)
Rebecca Saunders : Wound
Edgar Varèse : Arcana

Thomas Goepfer (électronique Ircam)
Ensemble intercontemporain, Orchestre philharmonique de Radio France, Pascal Rophé (direction)


P. Rophé (© Naoya Ikegami)


Force est de reconnaître que « la clameur du monde », mot d’ordre de l’édition 2023 du festival ManiFeste, n’a pas inspiré les compositrices et compositeurs programmés (on mettra de côté le décoiffant et hors sujet Sources rayonnantes de José Miguel Fernández). Encore Cortèges de Sasha J. Blondeau, à défaut de convaincre, s’inscrivait pleinement dans cette démarche, et le cahier des charges (électronique hautement maîtrisée) était rempli. Mais ni Iridescence de Justė Janulytė, entendu lundi, ni Torn d’Aida Shirazi (née en 1987) entendu ce soir, ne donnent un aperçu avantageux des moyens mis à disposition par l’Ircam. Si le grand orchestre écarte la tonitruance au profit de sonorités vibratiles, où les oppositions de registres créent un climat particulièrement anxiogène, l’électronique peine à trouver sa place, oscillant entre bruits d’usine et bruits de nature. Hagarde, l’oreille s’en remet à l’œil, car il se passe beaucoup de choses du côté des percussions, avec force plaques de métal secouées et instruments à clavier frottés à l’aide d’archet – procédés usés jusqu’à la corde...


On a suffisamment souligné ailleurs le talent (consacré par le prix Ernst von Siemens 2019) de Rebecca Saunders (née en 1967) pour déplorer les longueurs de Wound (2022) : donnée en création française, cette pièce au discours dilacéré et zébré de déflagrations échoue en quarante minutes là où Schreiben (2003) de Helmut Lachenmann, qui partage ce principe d’une écriture inscrite sur la peau silence (« wound » signifie « blessure »), triomphait en vingt‑six minutes. Le voisinage favorable de la pièce précédente a beau souligner, par contraste, un incontestable métier, nous n’avons pu, placé trop à gauche, apprécier à sa juste valeur le rôle de concertino – dans l’esprit du concerto grosso baroque – endossé par huit musiciens de l’Ensemble intercontemporain disposés en fer à cheval autour du chef.


Arcana (1926, version révisée en 1960‑1961) ajoute le brin de folie qui manquait à Amériques, interprété avec une précision chirurgicale par l’Orchestre de Paris le 20 juin à la Philharmonie. Malgré la direction prévenante de Pascal Rophé (école boulézienne), très applaudi des musiciens du Philharmonique de Radio France lors des saluts, la réalisation laisse par endroits à désirer. Il faut dire que la partition met les pupitres à rude épreuve, notamment les cordes (rythme de toccata à un tempo frénétique) et les cuivres (sollicités dans les registres extrêmes) ; les percussions, elles, se couvrent de gloire. On incriminera un programme lourd et l’acoustique étriquée du Studio 104 – le Grand Auditorium étant, se murmure‑t‑il, réquisitionné pour une séance d’enregistrement –, qui rappelle les grandes heures des prises de son de l’ORTF... N’importe, cette séquence Varèse s’impose de loin comme le moment le plus exaltant de la soirée.



Jérémie Bigorie

 

 

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