About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Louise Bertin aux Italiens

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/20/2023 -  
Louise Bertin : Fausto
Karine Deshayes (Fausto), Karina Gauvin (Margherita), Ante Jerkunica (Mefisto), Nico Darmanin (Valentino), Marie Gautrot (Catarina), Diana Axentii (Una strega, Marta), Thibault de Damas (Wagner, Un banditore)
Vlaams Radiokoor, Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction)


K. Deshayes (© Aymeric Giraudel)


Avant Berlioz et Gounod, il y eut Louise Bertin, la fille handicapée du directeur du Journal des débats, dont le Théâtre italien créa le Fausto en 1831 – mais le premier à avoir mis le vieux savant en musique pourrait bien être le prince polonais Antoni Radziwill. Voici donc un opera semiseria en quatre actes, tiré du Premier Faust qui s’achève par la mort de Marguerite emprisonnée.


Ressuscitée à Montpellier en 2008, La Esmeralda, dont Hugo avait concocté le livret pour Louise, avait impressionné. Fausto laisse plus sceptique. Le livret, qu’elle a écrit avant de le faire traduire, manque de ressort dramatique et ne creuse guère les caractères. Musicalement, la partition reste d’ailleurs assez convenue, sans grande originalité mélodique et harmonique. Mais s’y décèlent, dès l’Ouverture, d’intéressantes combinaisons de timbres et un certain sens du théâtre – qui se retrouvent, notamment, à travers l’invocation au diable.


Peut-être sera-t-elle plus à l’aise dans le grand opéra à la française que sera La Esmeralda. Fausto paraît parfois hybride, sur lequel plane parfois l’ombre de Rossini – sur l’arrivée de Valentino au III, par exemple, sur certains passages du diable aussi, lorsqu’il rappelle les basses bouffes. L’œuvre ne connut guère le succès, comme La Esmeralda cinq ans plus tard. Mais être une femme compositeur, même solidement formée par Fétis et Reicha, « la fille Bertin » de surcroît, ne risquait pas de disposer les esprits en sa faveur – Berlioz, en revanche, saura souligner les beautés de La Esmeralda.


Christophe Rousset croit visiblement en l’œuvre et joue d’abord, à juste titre, sur les couleurs, mais a tendance à beaucoup couvrir les voix sans toujours maintenir l’intérêt, surtout à partir du III. Cela nuit d’emblée au Faust de Karine Deshayes, qui reprend un rôle destiné à la Pisaroni, contralto musico célèbre pour la profondeur de ses graves, mais créé par le ténor Donzelli, le premier Pollione de Norma de Bellini. Si le bas médium et le grave pâlissent d’autant plus ici, la beauté de la voix et du phrasé, la splendeur du timbre, la résistance d’un aigu mis à rude épreuve, l’intensité de l’interprétation balaient les réticences. Elle méritait meilleure Marguerite que Karina Gauvin, qui, si elle a pour le coup un registre grave plus nourri, semble ânonner sa partie avec un aigu en berne, se reprenant heureusement au III devant l’église. Ante Jerkunica, dont le tsar Saltan vient de conquérir Strasbourg, semble hors répertoire et hors style – superbe voix, belle présence de Satan gouailleur ou menaçant mais pas de ligne. Nico Darmanin assume en Valentin l’héritage rossinien, Thibault de Damas campe un Wagner de belle allure. Si les sonorités de l’orchestre manquent d’attrait, le chœur flamand est remarquable.


Gageons que l’enregistrement corrigera les défauts d’un concert qui, grâce au Palazzetto Bru Zane, nous a fait découvrir une curiosité oubliée depuis sa création.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com