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Fleuron choral

Paris
Cité de la musique
06/19/2023 -  
Győrgy Ligeti : Drei Phantasien nach Friedrich Hölderlin – Lux Aeterna
Márton Illés : Chorrajzok
Justė Janulytė : Iridescence (création)
Alberto Posadas : Ubi sunt

SWR Vokalensemble, Yuval Weinberg (direction)
Robin Meier (électronique Ircam), Clément Cerles (diffusion sonore Ircam)


Y. Weinberg


Directeur musical de l’Ensemble vocal de la SWR depuis 2020, Yuval Weinberg a reçu des mains de Marcus Creed une formation d’excellence. Alors qu’ils viennent de consacrer un double album à l’intégrale de la musique chorale de Győrgy Ligeti (1923‑2006), publiée chez SWR Classic, l’ensemble et son (jeune) chef nous proposent une interprétation au cordeau de deux pièces du Hongrois. Le désormais classique Lux Aeterna (1966) sort magnifié par la pureté d’intonation, les attaques immaculées et la discipline rythmique dont font preuve les vingt‑neuf chanteurs (tous âges confondus), lesquels juxtaposent leur partie comme on actionnerait les touches d’un orgue. Ce n’est pas à l’avantage du Chœur de Radio France que tournera l’exercice comparatiste (voir concert du 1er juin à la Maison de la radio), d’autant que la direction modèle les éclairages avec, par endroits, ce soleil bas qui tout à la fois éblouit la rétine et étire les ombres. Les Trois Fantaisies d’après Hölderlin (1982) investissent une vocalité faite de ruptures de tons et de sauts de registres, en syntonie avec les écrits tardifs du poète. Clusters, ondulations micropolyphoniques, amorces de lamento sont exécutés avec un luxe de détails inouïs.


Dans Chorrajzok (« Dessins chorals »), Márton Illés (né en 1975) se livre à une véritable orchestration où abondent les phénomènes de respiration, de chuchotement, de sifflement, d’articulation de phonèmes. S’établit une sorte de continuum entre l’articulation et le chant, mais la combinaison subtile des vingt‑quatre voix maintient une forte densité d’informations. Les surtitres, hélas, ne donnent qu’une vision segmentée des poèmes du Hongrois Arpád Tóth.


La création très applaudie de Justė Janulytė (née en 1982) nous laisse dubitatif : vingt minutes statiques – en conformité avec le statut de « compositrice de musique monochrome » revendiquée par la Lituanienne – secondée par une partie électronique rudimentaire qui ne fait que dédoubler (en tournoyant) une coulée chorale sans aspérité. L’immuable battue à quatre temps cadence moins la mesure qu’elle ne balaye un espace vide. Iridescence flirte par trop avec une esthétique new age datée pour laisser une trace dans la mémoire...


S’il renonce au riche potentiel de l’informatique (qu’il maîtrise parfaitement), Alberto Posadas (né en 1967) s’impose comme un maître de la composition chorale a cappella avec Ubi sunt : divisées en double chœur symétrique, les vingt‑quatre voix obéissent à divers agencements. Rien de démonstratif, pourtant, dans cette écriture ouvragée qui rappelle les grands moments de la musique du Moyen Age. Les souvenirs d’antienne, de récitatif accompagné, de ritournelles questionnent notre rapport à la mort par le truchement de Novalis, Stefan George, Maître Eckhart et une poignée de versets évangéliques. Certains passages isolent une phrase déclamée comme on épingle une citation, quand d’autres, dans la pure tradition du quodlibet, superposent jusqu’à quatre langues différentes (allemand, espagnol, italien et anglais). Marcus Creed avait assuré la création de l’œuvre en 2022 au Wiener Konzerthaus ; son successeur s’en est parfaitement approprié la poétique encyclopédique, servie par l’un des fleurons des chœurs professionnels européens.



Jérémie Bigorie

 

 

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