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Spectaculaires projections sonores (2)

Paris
Ircam
06/17/2023 -  
Lara Morciano : Embedding Tangles
Luciano Berio : Thema
Matteo Gualandi : Fiori di sangue e rugiada (extraits)
José Miguel Fernández : Sources rayonnantes (création)

Stéphanie Guérin (mezzo‑soprano), Anne Cartel (flûte), Alexandra Greffin‑Klein (violon), Frédéric Baldassare (violoncelle), José Miguel Fernández, Serge Lemouton (électronique Ircam), Jérémie Bourgogne (diffusion sonore Ircam)
Court‑circuit, Jean Deroyer (direction)


M. Gualandi (© Nicolás Duna)


Après un récital du harpiste Parker Ramsay, le second concert de cette soirée du festival ManiFeste commence sur les cimes avec le fascinant Embedding Tangles (2013) de Lara Morciano (née en 1968), une pièce magnifiquement écrite et « entendue », où l’écriture très vitaminée pour la flûte est pensée en fonction de sa projection dans l’espace. Le logiciel électronique trame des lignes en contrepoint quand il ne laisse pas une trace colorée dans l’espace, telle une poussière d’étoiles. Anne Cartel prodigue une palette de timbres inépuisable.


Un grand classique du XXe siècle lui fait suite : Thema (1958), sous‑titré « Omaggio a Joyce ». La spatialisation a beau donner une cure de jouvence à cette pièce pour bande magnétique de Luciano Berio (1925‑2003) fondée sur l’épisode des sirènes d’Ulysse, les sons – ceux des années 1950 – accusent leur âge ; reste la voix unique de Cathy Barberian, qui crève la sono.


Matteo Gualandi (né en 1995) est tout en sobriété et retenue : la notice de Fiori di sangue e rugiada (2023) écarte les considérations trop techniques au profit de l’effeuillement d’un journal intime dont le compositeur n’a retenu que certaines phrases, voire certains mots ; une musique ascétique les enrobe. Il y a quelque chose d’un arte povera (c’était, on s’en souvient, la thématique du festival ManiFeste 2016) dans ce langage aphoristique où passent les souvenirs de Sciarrino et Kurtág, parfaitement traduit par la mezzo‑soprano Stéphanie Guérin, la violoniste Alexandra Greffin‑Klein et la violoncelliste Clotilde Lacroix.


Tout autre apparaît la démarche profuse de José Miguel Fernández (né en 1973) dans Sources rayonnantes pour ensemble spatialisé de douze instruments (répartis autour du public) et électronique immersive en temps réel. Le compositeur-chercheur, fort disert, s’étend sur les singularités de la partie électronique en usant d’une terminologie savante dont la simple énumération dépasserait le cadre de ce compte rendu. Bornons‑nous à noter la dimension spectaculaire des différentes sources sonores qu’autorise le système de diffusion ambisonique... et une incongruité : le chef, Jean Deroyer, équipe l’une de ses mains d’une sorte de mitaine d’un genre nouveau puisque reliée à un système de suivi de geste développé par les équipes de l’Ircam. Il permet à l’ordinateur de suivre au plus près la gestique de notre accommodant maestro, ce qui renforce, croyons‑nous, l’interaction entre le son produit par la lutherie traditionnelle et son double électronique.


Dans ce qui se veut un « hommage aux peuples originaires d’Amérique du Sud », le Chilien privilégie les figures brèves, répétées, quand il n’exploite pas à l’envi les phénomènes de souffles et de sons bouchés. « La pièce s’articule de manière assez intuitive », confesse Fernández qui coule ici son inspiration dans le moule crescendo-decrescendo. (On notera au passage que si l’empire expansionniste des sons ne cesse de s’étendre, la notion de forme, elle, demeure sollicitée dans ses déclinaisons les plus ancestrales). L’ensemble Court‑circuit fait face à toutes les situations avec un enthousiasme communicatif.



Jérémie Bigorie

 

 

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