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Krystian Zimerman, magistral et inspiré

Paris
Fondation Louis Vuitton
06/01/2023 -  
Johann Sebastian Bach : Partitas pour clavier n° 1, BWV 825, et n° 2, BWV 826
Karol Szymanowski : Préludes, opus 1 (extraits) – Mazurkas (Livre IV), opus 50
Frédéric Chopin : Sonate pour piano n° 3, opus 58

Krystian Zimerman (piano)


K. Zimerman (© Hirochi Yamamoto)


Le Prélude de la Première Partita de Bach montre d’emblée un Krystian Zimerman héritier d’une tradition où la liberté se conjugue à la rigueur : rubato d’un côté, sens de la forme de l’autre. Voilà un Bach à la fois construit et senti, où le pianiste, loin de vouloir imiter le clavecin, fait sonner l’instrument comme un orchestre, avec d’incroyables tintements de cloches dans le second Menuet. Il varie les reprises, pour lesquelles il trouve une presque infinie variété de timbres, témoignant d’une inépuisable invention. La main gauche, magnifique, y concourt : elle n’accompagne jamais, elle chante, tout autant que la droite, conduit même parfois le discours. Les danses sont autant de climats, d’états d’âme peut‑être : dans la Deuxième Partita, la Sinfonia est coruscante, la Sarabande rêveuse, le Rondeau espiègle... Et si, comme le dit Gilles Cantagrel à propos du Clavier bien tempéré, les Partitas relevaient du journal intime, voire de quelque Traité des passions ? Avec un dosage constant de la pédale, qui colore sans noyer, ce Bach‑là est littéralement inspiré.


Les Szymanowski ne le sont pas moins, à commencer par ces quatre Préludes de l’Opus 1, d’un postromantisme très fin de siècle, très scriabinien. Trop de rubato, trop de raffinements ? Non : ce sont seulement, subtilement creusées, les multiples nuances agogiques et expressives de la partition. Il en de même du quatrième cahier des Mazurkas opus 50, où le compositeur polonais, tout en conservant la verdeur rythmique de la musique des Tatras, reste fidèle à lui‑même en déployant tout un éventail de couleurs et en infléchissant constamment le tempo – jusque dans l’Allegramente. Vigoroso volontiers percussif de la Seizième. Zimerman, ainsi, montre le fil qui relie, au‑delà des apparences, le premier au dernier Szymanowski. Comme il le faisait dans son récent disque (Deutsche Grammophon), où les mêmes pages côtoyaient les Variations sur un thème populaire polonais et les Masques.


La Troisième Sonate de Chopin témoigne de la même maîtrise absolue du clavier, notamment par une main gauche toujours aussi souveraine, et des partitions. L’Allegro maestoso, si rigoureusement structuré soit‑il, avec une grande clarté polyphonique, n’exclut pas l’effusion, mais ne lui lâche pas la bride. Après un Scherzo qu’on entend rarement à ce point leggiero, le Largo au cantabile belcantiste, qui prend des allures de berceuse, préfère également la concentration à l’abandon. Est‑ce à dire que le pianiste se retient ? Les élans conquérants d’un Finale grandiose, épique même, qu’il se garde de précipiter, prouvent bientôt le contraire. Comme si tout tendait vers cette apothéose du romantisme polonais.



Didier van Moere

 

 

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