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Hypnotisant

Paris
Palais Garnier
05/03/2023 -  et 4, 5, 6, 8, 10, 12, 13*, 15, 17, 19, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 30, 31 mai 2023
The Dante Project
Wayne McGregor (chorégraphie), Thomas Adès (musique)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Ching‑Lien Wu (cheffe des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Thomas Adès*/Courtney Lewis (direction musicale)
Germain Louvet/*Paul Marque (Dante), Irek Mukhamedov*/Arthus Raveau (Virgile), Léonor Baulac/Hannah O’Neill* (Béatrice), Ballet de l’Opéra national de Paris
Tacita Dean (décors, costumes), Lucy Carter, Simon Bennison (lumières), Uzma Hameed (dramaturgie)


(© Ann Ray/Opéra national de Paris)


Le Ballet de l’Opéra de Paris présente avec The Dante Project, chorégraphie de Wayne McGregor sur une musique de Thomas Adès dans une scénographie de Tacita Dean, un projet ambitieux coproduit avec le Royal Ballet de Londres où il fut créé en octobre 2021. Une superbe réalisation !


On pense bien sûr avec l’association de trois artistes britanniques aussi importants sur le nom du poète italien Dante Alighieri à ce qu’ont apporté à la danse au siècle dernier les Ballets russes de Diaghilev. McGregor, chorégraphe associé du Royal Ballet de Londres, célèbre pour une activité caméléonesque dont un des derniers avatars est la réalisation du show virtuel du groupe ABBA qui tourne avec un succès colossal dans le monde entier, Thomas Adès, un des compositeurs les plus en vue qui a déjà à son actif trois opéras représentés dans les théâtres lyriques qui comptent sur la scène internationale, et la plasticienne Tacita Dean (assistée de Catherine Smith), dont on ne compte pas les participations aux événements artistiques les plus huppés. Quitte ou double, dira‑t‑on devant l’accumulation de tant de talents ? Mais le risque pris a payé car s’il n’est pas un aboutissement (paraphraser La Divine Comédie, même si l’on annonce être « plutôt illustratif que narratif » n’est pas une mince affaire) le résultat est plutôt impressionnant à défaut d’être enthousiasmant.


La scénographie impressionne d’emblée dans la première partie, « Inferno » (le ballet en compte trois selon la chronologie dantesque, séparés par deux entractes) : des paysages rocheux dans des superbes camaïeux de gris avec un dispositif central en miroir avec le plafond qui renforce l’effet d’enfermement souterrain. Pour « Purgatorio », on va vers la lumière avec, au fond d’une scène vide, un paysage urbain, Los Angeles semble‑t‑il, comprenant en son centre un grand arbre Jacaranda. Pour « Paradisio », à nouveau une scène vide surmontée d’un écran (comme pour le Tristan de Peter Sellars et Bill Viola) qui diffuse une vidéo florale, très colorée, magnifique film mais qui, comme pour Tristan, distrait beaucoup de la danse. On n’oublie pas des éclairages virtuoses (Lucy Carter et Simon Bennison) qui, tout au long de ces cent minutes de spectacle, créent des atmosphères propices au drame.


La musique de Thomas Adès est certainement ce que le spectacle offre de meilleur. Les trois parties sont aussi dissemblables que possible. Pour l’Enfer, la partie la plus longue, il reprend Inferno, commandé en 2019 par Gustavo Dudamel pour Los Angeles. Une musique à séquences très tranchées sur laquelle se calque la chorégraphie qui, pour ce premier tableau sous‑titré « Pèlerinage », est la plus narrative, éminemment romantique avouant sa dette à Franz Liszt. De fait, dès la première séquence, on entend quasiment intacte la première des Valses oubliées intégrée au tissu orchestral, avant de reconnaître Méphisto-Valse, La Lugubre Gondole et surtout la Dante-Symphonie, qui est la référence la plus évidente. Dirigé par le compositeur, l’Orchestre de l’Opéra de Paris, en formation très large, magnifie cette musique riche et colorée qui offre à quasiment tous ses solistes l’occasion de briller. La musique la plus originale est celle de « Purgatorio », qui mêle au tissu orchestral des chants préenregistrés, liturgies du shabbat d’une synagogue de Jérusalem, sous la direction de Ching‑Lien Wu. Le résultat est étonnant et se fond aussi parfaitement au projet chorégraphique. Pour « Paradisio  : Poème sacré », Adès a composé une musique plus abstraite, dans laquelle, même si l’on peut trouver çà et là dans la technique d’orchestration des références plus qu’influences à Stravinski ou Bartók, est une composition tout à fait propre à Adès, créant les climats sidéraux et planants voulus pour illustrer cette dernière étape du voyage.


La chorégraphie de Wayne McGregor, pour sa cinquième collaboration avec la compagnie parisienne, évolue aussi beaucoup tout au long de la pièce. Très athlétique et riche en pas du vocabulaire néoclassique (pirouettes, déboulés, portés) dans « Purgatorio », elle utilise avec beaucoup d’habilité et fluidité la trentaine de danseurs par petits groupes et surtout pour narrer les épisodes de la dramaturgie très touffue qui, sans l’aide du programme, n’est pas toujours très lisible, beaucoup de pas de deux, trios qui font briller individuellement les danseurs de la troupe. Parmi lesquels on distingue des individualités comme le très récemment nommé danseur étoile Guillaume Diop mais aussi Jérémy‑Loup Quer, Valentine Colasante, Marc Moreau. Dans «  Purgatorio : L’Amour », la chorégraphie s’allège pour devenir plus fluide et convoque comme doubles et triples des personnages Dante et Béatrice des élèves de l’Ecole de danse, impressionnants de maîtrise et d’émotion. Dans « Paradisio », elle s’épuise un peu, manquant à se renouveler et s’effaçant devant la scénographie et sa vidéo et le coup de théâtre qu’est le final en pleine lumière éblouissante.


Magnifiquement dansé par tous les membres de la troupe, ce spectacle tient sur les épaules de trois interprètes, les danseurs étoiles Germain Louvet, Dante quasi‑spectateur de toute l’histoire mais tout en grâce et ayant le mérite d’incarner un personnage malgré les horribles robes dont il est affublé, et Hannah O’Neill, très envoûtante Béatrice. Le rôle de Virgile est tenu avec une grande prestance par le danseur russe Irek Mukhamedov, ancienne gloire du Royal Ballet, qui cumule la fonction de maître de ballet dans la compagnie depuis 2019 à celle de danseur invité pour ce spectacle hypnotisant, dont on espère qu’il restera longtemps au répertoire de la compagnie.



Olivier Brunel

 

 

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