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Music-hall

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Deauville (Salle Elie de Brignac‑Arqana)
05/07/2023 -  et 28 mai (Forbach), 20 (Paris), 23 (Condette), 25 (Froville) juin, 15 (Dijon), 18, 19 (Rouen) octobre 2022
Marin Marais : Prélude et Passacaille en mi mineur
George Martine et Ted Grouya : J’ai perdu ma jeunesse
Anonyme : Dans mon jardin à l’ombre – La Fille au roi Louis
Johann Vierdanck : Canzona en do majeur
Claudio Monterverdi : L’Arianna : « Lasciatemi morire »
Francesco Cavalli : L’Egisto : « Lassa, io vivo »
Paul Marinier : D’elle à lui
Paul Delmet : Les Petits Pavés
Charles-André Cachan : Où sont tous mes amants
Raymond Legrand : Les Nuits d’une demoiselle
Léon Fossey et Thérésa : Les Canards tyroliens
Emile Carrara : Mon amant de Saint‑Jean

Stéphanie d’Oustrac (mezzo-soprano), Vincent Lhermet (accordéon)
Le Poème harmonique, Vincent Dumestre (théorbe et direction)


(© Stéphane Guy)


Pour le huitième et dernier concert du festival de Pâques de Deauville, on innove radicalement. L’ensemble rouennais Le Poème harmonique, créé en 1998 et en résidence en tant qu’artiste associé à la fondation Singer-Polignac, propose sous la direction de Vincent Dumestre un voyage d’une heure vingt, sans pause, « de Marin Marais à Edith Piaf » comme annoncé lors des soirées précédentes par le directeur artistique du festival. On aurait pu ajouter Patrick Bruel.« Pour ceux qui n’auraient pas compris », Vincent Dumestre s’en explique mais à l’issue du concert : il s’agit de montrer que la découverte de la musique ancienne s’est faite au moment où on retrouvait toute la richesse des chansons traditionnelles, au début de l’ethnomusicologie, et qu’il y avait finalement un continuum à valoriser. On pouvait aussi interpréter le spectacle autrement, comme illustrant la modernité des pièces anciennes, comme une occasion d’illustrer la richesse harmonique des instruments anciens, ou comme une façon de souligner certaines filiations ou, peut‑être, le peu d’originalité de certaines compositions récentes. Monteverdi et Paul Delmet, auteur des Petits Pavés, ce n’est tout de même pas pareil. Sans vouloir s’accrocher aucunement au concert traditionnel, compartimenté, et se mettre des œillères aux oreilles, on a ainsi du mal à suivre Vincent Dumestre dans sa démonstration, sur ses rapprochements et mises en perspective.


La cohérence du voyage est assurée par la mise en scène et le récit théâtralisé d’une artiste, incarnée par la mezzo‑soprano rennaise Stéphanie d’Oustrac, débutant dans le monde du spectacle avec ceux qu’elle appelle ses « petits canards » (les musiciens), connaissant le succès et confrontée in fine aux affres de l’amour. Mais cette cohérence provient peut‑être davantage du fait aussi tout simplement que toutes les pièces, chants et chansons sont interprétés au travers d’arrangements de Vincent Dumestre et Vincent Bouchot pour un même ensemble, l’accordéon de Vincent Lhermet n’intervenant cependant pas pour les pages strictement baroques. Il y a des limites.


Le spectacle commence avant son début « officiel » puisque c’est Stéphanie d’Oustrac qui installe elle‑même sur la scène, en chantant des airs de Mozart, de Bizet et de Monteverdi, les banquettes et pupitres et branche leur éclairage, la salle devant rester dans la pénombre. Si elle repart en coulisses ensuite pour laisser les six musiciens du Poème harmonique interpréter, avec une coordination perfectible, un Prélude et Passacaille en mi mineur (1701) de Marin Marais (1656‑1728), c’est pour mieux revenir sur scène en compagnie de Vincent Lhermet pour chanter J’ai perdu ma jeunesse, chanson rendue célèbre par son interprétation par Damia en 1935, l’effet de continuité étant alors étonnant.



S. d’Oustrac (© Claude Doaré)


Après deux chansons anonymes puisant dans des thèmes populaires ou folkloriques, les instrumentistes restent seuls en scène pour une Canzona (1641) de Johann Vierdanck (1605‑1646), le temps pour Stéphanie d’Oustrac de se changer. Elle revient en effet après dans une extraordinaire robe dorée pour le célèbre Lamento d’Arianna (1608) de Claudio Monteverdi (1567‑1643), prolongeant en quelque sorte Arianna a Naxos de Joseph Haydn proposée lors du concert du 30 avril dernier. Au pied de la tribune servant normalement aux enchères – puisqu’on est fondamentalement dans une salle des ventes de chevaux – elle n’émeut guère, Le « mi » de « Lasciatemi morire » est comme jeté au public, poussé, et on ne comprend guère les paroles d’Ottavio Rinuccini. La mezzo convainc davantage dans la pièce suivante, extraite de l’opéra L’Egisto (1643) de Francesco Cavalli (1602‑1676), qu’elle termine à genoux, nous prenant à témoin de ses malheurs.


Elle se défait ensuite sur scène de sa robe (pour rester, quand même, dans une sorte d’élégante salopette rouge...) pour D’elle et lui, chanté par Barbara en 1959, l’accordéon remplaçant alors semble‑t‑il le piano d’origine. Dans Les Petits Pavés, les traits paraissent exagérés et les syllabes comme lancées une nouvelle fois. Après Où sont tous mes amants, chanté par Fréhel en 1935, on s’amuse à décoder les paroles de la chanson coquine Les Nuits d’une demoiselle signées par Guy Breton et chantées par Colette Renard en 1963. Avec Les Canards tyroliens (1898), agrémenté de yodels, on sourit encore davantage tout en admirant la souplesse vocale de Stéphanie d’Oustrac.


Puis le spectacle, qui décidément aurait eu toute sa place au Théâtre du Casino de la ville et dans lequel on ne cesse de nous prendre par la main comme au music‑hall, s’achève par ce qui lui a donné son nom, Mon amant de Saint‑Jean (1942), magnifique chanson chantée jadis par Lucienne Delyle (à réécouter !) et Fréhel puis, plus récemment, Edith Piaf et... Patrick Bruel, l’accordéon étant naturellement revenu et la viole de gambe utilisée comme guitare. Le public, pas plus nombreux que précédemment nonobstant le programme éclectique et ouvert à la chanson, obtient pour finir en beauté une chanson de Marie Dubas, Le Tango stupéfiant (1936). Le concert n’aura peut‑être pas pleinement satisfait les amateurs de musique baroque, si bien servie par ailleurs au disque par Vincent Dumestre ; il n’aura pas attiré les passionnés des années trente, si glorieuses à Deauville ; il n’aura pas fait venir les dingues de Patrick Bruel mais se sera-t-il au moins terminé par une chanson aussi charmante que gouailleuse.


Puis il a fallu quitter la salle par l’arrière, laisser la place, un peu tristes au terme de cette vingt‑septième édition du festival et en suivant un parcours différent des concerts précédents, les boxes alentour étant occupés par des chevaux destinés à une vente le 11 mai et dont les hennissements clairement perceptibles depuis la salle Elie de Brignac‑Arqana tout au long du concert auront été en somme relativement sages et pas trop gênants compte tenu du programme. La salle va reprendre son usage normal et les mélomanes devront attendre le 30 juillet prochain pour le retour des activités musicales en ces lieux. La tristesse est rapidement évacuée car dates, artistes et œuvres du vingt‑deuxième festival « d’août » sont déjà connus : à vos agendas !



Stéphane Guy

 

 

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