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L’Espace de projection de l’Ircam fait peau neuve

Paris
Ircam
01/17/2023 -  
Olivier Messiaen : Catalogue d’oiseaux : VII. « La Rousserolle effarvatte » (deuxième partie) & XIII. « Le Courlis cendré »
Natasha Barrett : Hidden Values : I. « The Umbrella » & III. « Optical Tubes »
Florent Caron Darras : Transfert (création)

Julien Le Pape (piano), Augustin Muller (électronique Ircam), Sylvain Cadars (diffusion sonore Ircam)
TM+, Laurent Cuniot (direction)




Huit ans : c’est le temps qu’ont nécessité les travaux de rénovation de l’Espace de projection de l’Ircam, fer de lance de l’institution boulézienne. Situé à 16 mètres de profondeur, ce lieu à l’acoustique et à la scénographie modifiables fêtait du 12 au 17 janvier sa nouvelle saison musicale à travers une série de concerts, d’installations et de rencontres. De quoi conjurer cette image de bunker inhospitalier (et vorace en subventions) que véhiculent ses contempteurs...


La soirée de samedi 14, avec à l’affiche (more)OXYMORE de Jean‑Michel Jarre, a fédéré un public venu de tous horizons. Mais quelques scolaires sont également visibles au concert intitulé « Seconde nature », sorte de « ballade sonore » (dixit Frank Madlener, directeur de l’Ircam) qui nous emmène de la « pleine nature » au « plein électronique ». D’une durée d’une heure quinze sans entracte, il décline une thématique science/nature manifestement très prisée par les compositeurs et compositrices d’aujourd’hui – on pense à l’opéra Like flesh (2022) de Sivan Eldar (née en 1985), dont la partie électronique a d’ailleurs été conçue in situ.


Deux pièces pour piano seul d’Olivier Messiaen (1908‑1992) figurent au programme : « La Rousserolle effarvatte » et « Le Courlis cendré », toutes deux extraites du Catalogue d’oiseaux (1956‑1958). La première nous plonge en Sologne, la seconde, plus âpre, dans l’île d’Ouessant. Julien Le Pape orchestre son jeu en conséquence, avec mouvements parallèles xylophonisés, traits percussifs qui zèbrent l’étendue du clavier, résonances de tam‑tam dans le registre extrême grave. Si l’on regrette une accentuation trop molle dans l’ensemble (un Pierre‑Laurent Aimard nous a laissé au disque un autre standard d’interprétation), le pianiste sait se concilier les qualités acoustiques de l’espace en laissant les sons s’éployer en toute plénitude.


L’éclairage se met au diapason : après un discret pinceau de lumière sur le pianiste et sa partition, il variera en couleurs et en intensités pour Hidden Values de Natasha Barrett (née en 1972). Créé en 2012, ce triptyque se concentre sur « la projection d’informations sonores, plus ou moins proches ou éloignées de l’auditeur... » : c’est ce qui frappe d’emblée dans les premières minutes de « Le Parapluie », la première partie, très spectaculaire et démonstrative. La multiplication des sources engendre une ivresse du son où se mêlent bruits de nature et un matériau sonore (retravaillé) constitué de vocalises féminines et de percussions.


Sons instrumentaux et synthétiques se partagent l’espace dans Transfert. Florent Caron Darras (né en 1986) y déploie un dispositif ambisonique parfaitement adapté à l’acoustique modulable des lieux. L’effectif de dix instruments écarte les cordes (à l’exception de la contrebasse) au profit des vents, piano et percussions. La partition joue sur la perception que nous pouvons avoir de bruits de nature originaux (qui ne se font entendre que dans de rares moments) et sons imaginaires fondés sur l’empreinte spatio-temporelle d’un paysage. Un intermède pour électronique seul s’invite au milieu de la pièce qui, par moments, semble nous plonger au cœur de la forêt amazonienne, avec ses grouillements d’insectes et sa faune hyperactive. Caron Darras a‑t‑il tenu son pari « de correspondances organiques entre forêts et techno expérimentale progressive » ? Si la fusion instruments/électronique n’a pas entièrement convaincu (de là quelques longueurs) en dépit de l’implication des musiciens de l’ensemble TM+, la maîtrise indéniable de l’outil électronique dont fait preuve le compositeur français augure de belles réussites à venir.



Jérémie Bigorie

 

 

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