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Autour de Berlioz

Paris
Salle Pleyel
03/06/2002 -  + 7 et 9 (partiel) mars 2002

Hector Berlioz : Le Corsaire, opus 21 - La Mort d’Orphée - Symphonie fantastique, opus 14
Franz Schubert : Le Roi des aulnes (orchestration Berlioz) - Erlkönig (orchestration Liszt)
Serge Prokofiev : Concerto pour violon n° 1, opus 19


Vinson Cole (ténor), Laurent Korcia (violon)
Ensemble vocal Michel Piquemal
Orchestre de Paris, Yutaka Sado (direction)


En attendant le retour de Christoph Eschenbach le 20 mars, les chefs invités se succèdent à la tête de l’Orchestre de Paris : après Christoph von Dohnanyi (voir ici) et avant Jacques Mercier (qui remplacera Armin Jordan la semaine prochaine), c’est Yutaka Sado qui dirige un programme copieux, principalement consacré à Berlioz.


D’emblée, dans la fougueuse ouverture Le Corsaire, le chef japonais obtient du tutti un remarquable condensé de puissance, de vivacité et de transparence. Quelle joie d’entendre ainsi l’orchestre berliozien pétarader si joyeusement (bois et cuivres en tête, à la faveur d’un effectif raisonnable de cordes)! Ces qualités se confirment dans la Symphonie fantastique, quoique le chef japonais, d’ordinaire plus démonstratif, y fasse parfois preuve d’une grande retenue. Certes, il continue, avec ou sans baguette, de donner une prestation parfois autant chorégraphique que musicale, à l’image de celui qui fut son maître, Leonard Bernstein. Mais son approche de cette œuvre fétiche, s’il en est, pour l’Orchestre de Paris, qui l’a donnée en février 2000 avec Tortelier puis en février 2001 avec Eschenbach (voir ici), se caractérise bien davantage par la maîtrise minutieuse du déroulement de la partition que par l’agitation bouillonnante qu’il a souvent communiquée aux orchestres et au public.


Dans le premier mouvement, certains détails paraissent, ici ou là, arbitrairement mis en valeur, et le sort ainsi fait à chaque mesure, dont témoigne par exemple l’articulation étrangement saccadée de la première apparition de « l’Idée fixe », nuit parfois à la continuité du discours, voire à l’élan d’ensemble. Un Bal, sans doute pris dans un tempo trop lent, confirme un certain manque de respiration et de rebond, à moins qu’on ne puisse l’entendre, dans une telle conception, comme le souvenir, fragile et voilé, d’une époque heureuse. Le caractère plus rhapsodique de la Scène aux champs inspire davantage Sado, qui, avec délicatesse et simplicité ainsi qu’avec de magnifiques phrasés, en traduit les atmosphères successives, depuis l’idylle jusqu’aux tourments de l’âme. Si la Marche au supplice, plus imposante que grimaçante ou terrifiante, n’est pas excessivement débridée, le Songe d’une nuit de sabbat, en revanche, réintroduit le spectacle et les contrastes, même si Sado, bien moins fantasque qu’il ne l’a parfois été, va ici à l’essentiel, sans fioritures.


Mais l’Orchestre de Paris ne se contente pas de cet inusable cheval de bataille. En 1860 - coïncidence ? - trois compositeurs - Berlioz, Hiller et Liszt - décident d’orchestrer Le Roi des aulnes de Schubert et de confier cette mélodie à une voix de ténor. S’il manque la version de Hiller, la confrontation entre Berlioz (sur une traduction française du poème de Goethe) et Liszt (dans la version originale en allemand) dans ce défi est passionnante : Berlioz semble le plus subtil, avec un beau cor anglais, mais aussi le plus sage et le plus fidèle ; Liszt, qui introduit quant à lui la harpe dans son effectif orchestral, propose une instrumentation plus colorée et plus dramatique, plus efficace en somme.


Parmi les nombreuses œuvres composées au fil de ses quatre participations au Prix de Rome, Berlioz possède à son actif, en La Mort d’Orphée (1827), une cantate fort originale. Fort originale, non seulement parce qu’elle n’était pas conforme au plan imposé par le règlement du concours, mais surtout si l’on se rapporte aux canons de l’esthétique de cette époque, tant elle confirme que la Symphonie fantastique trouve parfois certaines de ses sources et de ses caractéristiques stylistiques dans des travaux antérieurs. Ecrite pour ténor et chœur de femmes, sur un texte - certes perfectible - d’Henri Berton, cette cantate s’achève sur un étonnant Tableau musical, qui frappe à la fois par son dépouillement (autour d’un long solo de clarinette) et par la nouveauté de son écriture. Berlioz, qui réutilisera cette musique quelques années plus tard dans Lélio (sous le titre La Harpe éolienne), estimera dans ses Mémoires : « Je crois que mon dernier morceau n’était pas sans valeur ».


Une heure trente de Berlioz, ou peu s’en faut. On ne sait donc pas trop ce que vient faire dans ce programme le Premier concerto pour violon de Prokofiev, placé en fin de première partie, mais on ne se plaindra pas de ce que la mariée est trop belle, d’autant que le marié n’est autre que Laurent Korcia.


La rencontre de deux tempéraments aussi forts que ceux du violoniste français et du chef japonais a sans doute tenu en grande partie ses promesses. Dans un vivacissimo diabolique, le soliste alterne sonorités cristallines dans l’aigu et notes fantomatiques près du chevalet. Ailleurs, éminemment subjectif et personnel plus que soucieux de perfection ou de justesse, il déploie un engagement hors du commun, au point de casser une corde au début du moderato final. Malgré l’assistance de Philippe Aïche, premier violon, qui lui prête immédiatement son instrument, il préfère reprendre le mouvement depuis le début avec son propre Stradivarius Zahn de 1719, à nouveau doté de ses quatre cordes.


En bis, Korcia, dans un style toujours aussi échevelé, donne un aperçu de son intégrale déjà fort remarquée des sonates d’Ysaÿe, en livrant, dans l’athlétique Troisième sonate, une véritable bataille contre le violon, osant à nouveau des sonorités littéralement inouïes.



Simon Corley

 

 

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