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Deux Premiers Prix

Paris
Théâtre du Châtelet
11/13/2022 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour piano n° 1, opus 23 [1]
Camille Saint‑Saëns : Concerto pour piano n° 5, opus 103 [2]
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 3, opus 30 [3]
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 2, opus 16 [4]

Michael Davidman [1], Yiming Guo [3], Masaya Kamei [2], Hyuk Lee [4], Heeseong Noh [1], Kotaro Shigemori [1] (piano), Orchestre de la Garde Républicaine. François Boulanger (direction)


M. Kamei, H. Lee (© Corentin Schimel)


Le Théâtre du Châtelet, bondé comme à l’époque de L’Auberge du Cheval‑Blanc ou du Chanteur de Mexico, accueillait le dimanche 13 novembre 2022 la finale du Concours Long‑Thibaud consacré au piano. Gérard Bekerman, économiste et par ailleurs excellent pianiste, nommé l’année dernière président de la Fondation Long‑Thibaud à la suite de Bernard Volker, prouve encore sa passion et son engagement pour le piano. On sait qu’il est également président de la Fondation Cziffra et fondateur du Concours des grands amateurs.


Le jury international, composé de Bruno Leonardo Gelber, qui suivait les épreuves depuis Buenos Aires, Philippe Entremont, Plamena Mangova, Rena Shereshevskaya, Pavel Gililov, Marc Laforet, Eric Heidsieck, François‑René Duchâble, Momo Kodama, János Balázs et Jorge‑Luis Prats a retenu six finalistes sur cent douze candidats. « L’avenir de la musique classique est en Asie » titrait un journaliste de la Radio télévision suisse à propos du Concours Menuhin il y a quelques années. Cette tendance s’est affirmée pour le Long‑Thibaud. Cinq des lauréats sur six sont de nationalité japonaise, chinoise ou sud‑coréenne. Et, loin d’être des robots aseptisés qui moulinent la musique sans fausses notes, ces candidats ont, dans l’ensemble, fait preuve de remarquables qualités musicales et stylistiques.


Un large choix de Concertos était proposé aux finalistes pour leur dernière épreuve : K. 466 de Mozart, Quatrième de Beethoven, Premier de Chopin, Concerto de Schumann, Second de Liszt, Ballade de Fauré, Premier de Tchaïkovski, Second de Brahms, Cinquième de Saint‑Saëns, Concerto de Massenet, Troisième de Rachmaninov, Deuxième de Prokofiev et Concerto en sol de Ravel. Pour autant, le Tchaïkovski semble rester le morceau de concours favori puisque la moitié des candidats l’avait choisi.


Dans ce concerto, Kotaro Shigemori donne une vision très objective de l’œuvre, il reste maître de ses émotions et ne se perd dans aucun sentimentalisme. Le son est beau, cela ne ferraille pas. On remarque une très belle fluidité dans le Prestissimo du deuxième mouvement. Malheureusement le Finale est gâché par un tempo extrêmement rapide qui lui fait perdre sa saveur de danse populaire. Kotaro Shigemori remplit bien sa tâche mais cela ne va pas au‑delà d’une interprétation de concours.


Yiming Guo aborde le Troisième de Rachmaninov de manière très distanciée, notamment dans le premier mouvement qui réclame tension et narration. La sonorité est belle cependant et le poco più mosso de l’Intermezzo, limpide, est joué avec infiniment de délicatesse. Yiming Guo s’implique davantage dans le Finale, sans pour autant imprimer à l’œuvre une vision vraiment intense et dramatique.


Formé au Curtis Institute of Music et à la Juilliard School, Michael Davidman défend magnifiquement le Concerto de Tchaïkovski avec cette classe, cette espèce d’aristocratie que l’on reconnaît aux pianistes américains et que l’on admire chez Eugene Istomin, Byron Janis ou Raymond Lewenthal, par exemple, où le son est clair, parfois tranché, profond mais jamais dur, allié à un grand lyrisme. Le jeune candidat montre une vraie personnalité de musicien ; il domine l’œuvre, raconte vraiment une histoire. Avec des phrases amples, de larges respirations, une grande palette dynamique, un sens de l’écoute dans les dialogues avec l’orchestre dans le deuxième mouvement notamment, Michael Davidman offre une interprétation flamboyante.


Avec beaucoup d’autorité et de maturité, Hyuk Lee déploie le Deuxième de Prokofiev avec un sens accru du style et une grande sûreté technique dans chaque mouvement de cette œuvre complexe. Son discours est intense et dramatique, notamment dans la grande cadence du premier mouvement, animé d’un grand souffle dans le Scherzo – longue course à l’unisson aux deux mains –, poétique et profond dans la partie centrale du dernier mouvement. Les sonorités sont superbes, la dynamique maîtrisée, cela chante beaucoup et le pianiste prend garde à ne pas nous asséner un Prokofiev au marteau‑piqueur, comme on peut l’entendre parfois sous les doigts de certains pianistes soviétiques.


Avec une énergie débordante, une joie de jouer évidente, Masaya Kamei nous livre un irrésistible Cinquième de Saint‑Saëns. Une attention portée aux timbres, notamment dans les orientalismes de l’Andante, un très beau toucher dans l’ensemble, précis, mais sans dureté, un Final grisant, une vie intérieure palpable, le pianiste enthousiasme le public, ce qui lui vaut l’ovation de tout le théâtre.


La troisième version du Concerto de Tchaïkovski est donnée par Heeseong Noh, qui fait preuve de beaucoup de finesse et excelle dans les demi‑teintes. Toutes les qualités d’abattage, d’ampleur, de lyrisme exacerbé sont encore sans doute à trouver pour combattre cette œuvre et il est probable que les magnifiques qualités de ce pianiste se seraient mieux exprimées dans le Concerto de Ravel, par exemple, ou dans le Premier de Chopin. Cependant, on goûte le beau son, la finesse du style. L’Andantino semplice fut sans doute le plus réussi des trois interprétations, à la fois dans la poésie simple de l’énonciation du thème et dans l’écoute avec les différents soli de l’orchestre ainsi que dans la limpidité de l’acrobatique Prestissimo, dansant à souhait. Malheureusement, là encore, le Finale, pris dans un tempo trop rapide, ne permettait pas d’apprécier la saveur populaire de ce chant ukrainien.


La remise des prix et le concert de clôture, qui sera diffusé le dimanche 20 novembre sur l’antenne de Radio Classique, s’ouvraient sur un hommage aux jeunes pianistes ukrainiens qui n’ont pas pu participer au concours. Alors que quelques images du pays dévasté par la guerre défilaient, l’émouvant Cantique de Jean Racine de Fauré, interprété par l’Orchestre de la Garde Républicaine et un jeune chœur apportait une touche apaisante.


Fair‑play, Gérard Bekerman voulait également rendre hommage aux candidates de ce concours, occasion d’apprécier le jeu racé d’Ekaterina Bonyushkina dans la Toccata de Poulenc et l’Etude opus 40 n° 8 de Kapoustine. Le président donne aussi la possibilité au pianiste bulgare Petar Dimov, qu’une erreur de programmation lors de l’éliminatoire avait empêché de jouer le « Rappel des oiseaux » de Rameau, de se faire entendre ; page qu’il interpréta avec une grande délicatesse, une invention et une économie de pédale remarquables.


Un hommage doit évidemment être rendu à l’Orchestre de la Garde Républicaine et à son chef, le colonel François Boulanger. Véritable marathon, les musiciens accompagnaient six grands concertos dans la journée et quelques extraits au concert de clôture... On les apprécia particulièrement dans les concertos de Prokofiev et de Saint‑Saëns.


Palmarès :
Premiers Prix ex‑æquo : Masaya Kamei (20 ans, Japon) et Hyuk Lee (22 ans, Corée du Sud)
Troisième Prix : Michael Davidman (25 ans, Etats‑Unis)
Quatrième Prix (Prix de la Ville de Paris) : Kotaro Shigemori (22 ans, Japon)
Cinquième Prix (Prix du Prince Albert II de Monaco)  : Heeseong Noh (24 ans, Corée du Sud)
Sixième Prix (Prix de la Fondation Maurice Ravel)  : Yiming Guo (20 ans, Chine)


Outre son Premier Prix, Masaya Kamei obtient également le Prix de la presse (neuf voix sur douze...) ainsi que le Prix du public. Michael Davidman obtient le Prix de l’orchestre.


Le site du Concours Long‑Thibaud



Christian Lorandin

 

 

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