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Une Turandot spectaculaire

Geneva
Grand Théâtre
06/20/2022 -  et 22, 24, 26, 29 juin, 1er, 3* juillet 2022
Giacomo Puccini : Turandot
Ingela Brimberg (Turandot), Chris Merritt (Altoum), Liang Li (Timur), Teodor Ilincai (Calaf), Francesca Dotto (Liù), Simone Del Savio/Alessio Arduini* (Ping), Sam Furness (Pang), Julien Henric (Pong), Marc Mazuir/Michael Mofidian* (Un mandarin)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (direction), Orchestre de la Suisse Romande, Antonino Fogliani (direction musicale)
Daniel Kramer (mise en scène), teamLab (scénographie, arts numériques et lumineux), teamLab Architects (conception scénique), Kimie Nakano (costumes), Simon Trottet (lumières), Tim Claydon (chorégraphie), Stephan Müller (dramaturgie)


(© Magali Dougados)


Spectaculaire. C’est le premier mot qui vient à l’esprit pour qualifier la nouvelle production de Turandot qui clôt en beauté la saison 2021-2022 du Grand Théâtre de Genève. Le metteur en scène Daniel Kramer s’est associé au collectif japonais teamLab, un groupe interdisciplinaire passé maître dans les arts numériques et lumineux, pour présenter une Turandot high tech oscillant entre manga et guerre des étoiles, sous une pluie de lasers et de projections vidéo. Le résultat est saisissant, avec de superbes images pendant pratiquement tout le spectacle. On retient surtout la vague façon Hokusai symbolisant le désir de Calaf pour Turandot ou encore les fleurs multicolores tellement kitsch évoquant l’amour des deux protagonistes. Ici, pas de Chine traditionnelle ou de Cité interdite de carte postale, mais des cubes, des losanges et des triangles éclairés de néons blancs ou violets. Au centre du dispositif se trouve un lit sur lequel le prince de Perse sera non pas décapité mais émasculé par un bourreau aux allures de serpent. Les gardes, qui ressemblent à des guerriers maoris, se lancent dans des danses tribales effrénées. Lors de la scène des énigmes, Turandot descend des cintres juchée sur un astre doré, qui finit par atteindre le sol une fois que la troisième réponse est donnée par Calaf. Pendant l’air final de Liù (« Tu che di gel sei cinta »), c’est Calaf qui est torturé et non l’esclave, laquelle se suicide pour abréger les souffrances de celui qu’elle aime. Désespéré, Timur se suicide à son tour. Ping, Pang et Pong vont, eux, s’entretuer dans une marre de sang. Et à la fin du spectacle, l’empereur gît paisiblement sur son lit funéraire au centre du plateau. Les costumes originaux et colorés de Kimie Nakano sont aussi un régal pour les yeux.


Très inégale, la distribution vocale ne suscite malheureusement pas le même enthousiasme. La Turandot d’Ingela Brimberg – qui avait pourtant convaincu en Elektra en début d’année – est une immense déception. On ne sait s’il s’agit d’une méforme momentanée ou de la fatigue accumulée par la longue série de sept représentations espacées d’un jour seulement, mais toujours est‑il qu’en cette matinée de dernière, le chant de la soprano suédoise est parsemé de cris stridents et métalliques et émaillé d’un large vibrato, sans parler de soucis d’intonation. De surcroît, le timbre n’a rien d’italien. Au crédit de la chanteuse, on mentionnera néanmoins une noirceur de timbre qui convient bien à la princesse de glace. Déception aussi pour le Timur terne et incompréhensible de Liang Li. Même si la voix a perdu de son lustre et de sa souplesse, le légendaire Chris Merritt offre une incarnation forte d’un Altoum altier et particulièrement expressif, avec une parfaite musicalité. Peu porté sur les nuances et le raffinement, Teodor Ilincai campe un Calaf tout d’une pièce, vaillant et puissant ; son « Nessun dorma » déclenche un tonnerre d’applaudissements qui couvre l’orchestre. Alessio Arduini (Ping), Sam Furness (Pang) et Julien Henric (Pong) forment un trio parfaitement équilibré et totalement déluré. Pour une fois, leur intervention à l’acte II ne paraît pas longue et ennuyeuse. Michael Mofidian est un mandarin facétieux. La révélation de la représentation est la Liù superlative de Francesca Dotto : voix charnue, parfaitement contrôlée et homogène sur toute la tessiture, timbre envoûtant et émouvant, la soprano éblouit avec ses pianissimi éthérés et ses decrescendi-crescendi époustouflants. Un nom à retenir. Il convient aussi de signaler la superbe prestation du Chœur du Grand Théâtre, qui, même s’il chante souvent fort, impressionne une nouvelle fois par sa cohésion et sa précision. Fort, l’Orchestre de la Suisse Romande l’est aussi, sous la direction d’Antonino Fogliani, qui opte pour une direction musicale pas toujours très subtile mais vive et chatoyante, avec un sens dramatique évident. C’est le finale de Luciano Berio qui a été choisi pour cette nouvelle production genevoise, en première suisse. On l’a dit, cette dernière représentation de Turandot clôt de manière on ne peut plus spectaculaire la saison 2021-2022 du Grand Théâtre de Genève.



Claudio Poloni

 

 

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