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Aucun trésor à l’horizon

Berlin
Deutsche Oper
05/01/2022 -  et 6, 10, 14 mai, 4, 11* juin 2022
Franz Schreker : Der Schatzgräber
Tuomas Pursio (Der König), Doke Pauwels (Die Königin), Clemens Bieber (Kanzler), Michael Adams (Der Graf, Ein Herold), Joel Allison (Der Magister, Der Schultheiss), Michael Laurenz (Narr), Thomas Johannes Mayer (Der Vogt), Seth Carico (Junker), Daniel Johansson (Elis), Gideon Poppe (Schreiber), Stephen Bronk (Wirt), Elisabet Strid (Els), Patrick Cook (Albi), Tyler Zimmerman (Landknecht)
Chor der Deutschen Oper Berlin, Jeremy Bines (chef de chœur), Orchester der Deutschen Oper Berlin, Marc Albrecht (direction musicale)
Christof Loy (mise en scène), Barbara Drosihn (costumes), Johannes Leiacker (décors), Olaf Winter (lumières), Dorothea Hartmann (dramaturgie)


D. Johansson, E. Strid (© Monika Rittershaus)


Depuis plusieurs années, le Deutsche Oper tente de se démarquer de ses concurrents par l’audace de sa programmation, dont le disque et le DVD conservent le plus souvent la mémoire, grâce au partenariat avec les éditeurs CPO ou Arthaus, notamment. On pense ainsi aux raretés exhumées de Respighi (Marie Victoire), Meyerbeer (Vasco de Gama ou Dinorah), Orff (Gisei), Weingartner (L’Ecole du village) ou plus récemment Langgaard (Antikrist, qui sera repris l’an prochain) – excusez du peu !


Cette année, le Deutsche Oper s’est opportunément souvenu que la création berlinoise du Chercheur de trésors de Franz Schreker (1878‑1934) avait eu lieu voilà cent ans tout juste, dans la foulée des premières représentations données à Francfort, en 1920. Alors au fait de sa notoriété, aussi bien en termes de prestige académique (nomination à la tête du Conservatoire de Berlin) que de compositeur (triomphe récent des Stigmatisés), l’Autrichien remporte là son dernier grand succès public, avant que sa musique ne passe de mode. Si un outsider est à nouveau placé au centre du livret (à l’instar des Stigmatisés, mais également du Nain de Zemlinsky), avec le rôle trouble du fou du Roi, Schreker surprend par une musique résolument solaire et optimiste, à mille lieux des horreurs du premier conflit mondial finissant. Comme à son habitude, les talents d’orchestrateur du grand rival de Richard Strauss permettent de se régaler d’une myriade de couleurs expressives, à l’inspiration musicale admirablement variée.


Il est dommage que le chef allemand Marc Albrecht (né en 1964), pourtant spécialiste de cet ouvrage qu’il a déjà dirigé à Amsterdam en 2012, ne donne pas davantage de respiration à sa battue, privilégiant musique pure et déflagrations spectaculaires, trop éloignées du théâtre et de ses interprètes, souvent en difficulté pour tenir le rythme. C’est particulièrement audible dans les passages verticaux, dont on peine à démêler l’enchevêtrement si savant de Schreker, ici expédié en un geste péremptoire. Les parties apaisées trouvent en Albrecht un chef heureusement plus attentif à ses chanteurs, désormais partie intégrante du discours musical d’ensemble. Ce déséquilibre reste d’autant plus regrettable que l’excellent Orchestre du Deutsche Oper brille de mille feux, sans doute stimulé par cette musique haute en couleur.


La distribution est dominée par l’Els tranchante et percutante d’Elisabet Strid, très investie dramatiquement, dont on se régale de l’émission souple et agile sur toute la tessiture. A ses côtés, Daniel Johansson (Elis) fait valoir un beau timbre, mais insuffisamment projeté – à l’instar de Tuomas Pursio (Le Roi), qui compense par sa belle ligne de chant. On leur préfère le ton plus expressif du Fou de Michael Laurenz, dont la démesure vocale trouve une technique très sure. Très applaudi, le Bailli de Thomas Johannes Mayer aurait toutefois gagné à davantage de noirceur et de puissance, mais assure toutefois l’essentiel.


Cette production sera donnée à l’Opéra national du Rhin, du 28 octobre au 29 novembre prochains, avec des interprètes différents. Ce sera l’occasion de découvrir pour la première fois en France cet ouvrage, dans la mise en scène de Christof Loy, qui s’illustre à nouveau avec Schreker après son réussi Son lointain, présenté à Stockholm en 2019. Son travail semble cette fois moins abouti du fait de partis pris radicaux (notamment un décor unique pendant toute la représentation), qui plombent le spectacle sur la durée. Trop répétitive, la direction d’acteur a du mal à faire sens, tandis que la faible différenciation de l’aspect des personnages n’aide pas davantage à saisir les enjeux. L’idée principale de Christof Loy consiste en effet à enfermer ses personnages en un huis clos vénéneux, en transposant l’action en une sauterie nazie volontiers décadente. Exit le Moyen Age et le merveilleux, il faut tenter de démêler le vrai du faux de l’imbroglio psychologique ici à l’œuvre, le Fou devenant un anticonformiste qui refuse le sexe facile, tandis qu’Els est une servante qui tire les ficelles en coulisse, en mal de reconnaissance. Un parti pris intéressant, mais trop pauvre visuellement pour capter la concentration de l’auditoire sur la durée. Dommage.



Florent Coudeyrat

 

 

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