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De grandes voix pour Elektra

Paris
Opéra Bastille
05/10/2022 -  et 13*, 16, 19, 22, 26, 29 mai, 1er juin 2022
Richard Strauss : Elektra, opus 58
Christine Goerke (Elektra), Elza van den Heever/Camilla Nylund/Vida Mikneviciūtė* (Chrysothémis), Angela Denoke (Klytämnestra), Gerhard Siegel (Aegisth), Tómas Tómasson (Orest), Philippe Rouillon (Der Pfleger des Orest), Stéphanie Loris (Die Vertraute der Klytämnestra), Marianne Croux (Die Schleppträgerin), Lucian Krasznec (Ein junger Diener), Christian Tréguier (Ein alter Diener), Madeleine Shaw (Die Aufseherin), Katharina Magiera, Florence Losseau, Marie‑Luise Dressen, Laura Wilde, Regine Hangler (Fünf Mägde), Sophie Claisse, Rocío Ruiz Cobarro, Caroline Bibas, Yasuko Arita, Daniela Entcheva, Caroline Petit (Sechs Dienerinnen)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Semyon Bychkov*/Case Scaglione (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène, lumières), Michael Levine (décors), Vazul Matusz (costumes), Peter van Praet (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie)


(© Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


Retour du huis‑clos grisâtre où sont enfermées Elektra et ses doubles, tels des oiseaux ou des bêtes en cage, prisonnières d’elles‑mêmes autant que du couple adultère et usurpateur. Présentée en 2013, la production de Robert Carsen séduit encore par sa sobriété esthétisante, plus axée sur la chorégraphie ritualisée, hiératique, de Philippe Giraudeau que sur une direction d’acteurs très classique. On comprend bien qu’il s’agit de ressusciter l’esprit de la tragédie antique, notamment à travers l’omniprésence du chœur. Mais le metteur en scène continue à nous frustrer : il a peu fouillé ses personnages, à l’inverse d’un Patrice Chéreau à Aix en 2013 ou d’un Krzysztof Warlikowski à Salzbourg il y a deux ans. Certes une ou deux images restent dans la mémoire : cette sorte de pietà où la fille tient entre ses bras le cadavre du père ou le chœur brandissant la hache du crime et du châtiment. Mais Elektra, un des plus violents opéras du répertoire, ne doit-il pas susciter la terreur et la pitié ?


La distribution suscite parfois la même frustration : Christine Goerke n’a pas mis à nu les fêlures d’une psyché dévastée. Son Elektra, pour être trop monolithique, n’en impressionne pas moins par l’ampleur de moyens peu communs : on entend rarement, aujourd’hui, une telle voix, au grave aussi puissant que l’aigu, d’une endurance à toute épreuve dans un des rôles les plus éprouvants qui soit – il faut seulement passer sur des aigus trop bas. La Clytemnestre d’Angela Denoke reste également en deçà de la névrose d’un personnage ravagé faute d’en creuser les mots, ici star hollywoodienne vêtue de blanc, comme Egisthe, à l’inverse de ses filles sanglées dans le noir du deuil. Mais cette ancienne soprano, bientôt Herodias après avoir été Salomé, affiche encore une belle santé, avec un médium et un grave nourris. Remplaçant Elza van den Heever malade (à la première, c’était Camilla Nylund), la Chrysothémis de Vida Mikneviciūtė n’a rien à envier à sa sœur et à sa mère, remarquable par l’intensité de l’interprétation et la brillance des aigus : tout sauf une doublure. Oreste de bronze de Tómas Tómasson, Egisthe ténor de caractère de Gerhard Siegel, rôles secondaires parfaits, en particulier les servantes et la surveillante : la distribution, vocalement, tient décidément ses promesses.


A la tête d’un orchestre des grands soirs, Semyon Bychkov déploie les sortilèges et la violence de l’orchestre straussien, déchaînant, tant l’arc est tendu de la première à la dernière note, un torrent de lave que rien ne peut arrêter, quitte à le laisser un peu déborder, comme parfois lorsqu’il dirige Strauss dans une fosse. Mais l’orgie de timbres est là, fabuleusement maîtrisée, même si le chef n’a pas vraiment fait sien le précepte de Strauss qui voulait que l’on dirigeât Elektra comme du Mendelssohn.



Didier van Moere

 

 

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