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Viennoise de cœur

Paris
Philharmonie
05/02/2022 -  
Franz Schubert : Sonates pour piano en ut mineur, D. 958, en la majeur, D. 959, et en si bémol majeur, D. 960
Elisabeth Leonskaïa (piano)


E. Leonskaïa (© Marco Borggreve)


La pianiste Elisabeth Leonskaïa est sous les feux de l’actualité avec la sortie d’une intégrale des Sonates de Mozart et deux concerts consacrés à Schubert à la Philharmonie de Paris.


Il est d’usage de dire d’Elisabeth Leonskaïa qu’elle est la dernière représentante d’une école du piano soviétique du XXe siècle dont les meilleurs fleurons auraient été Emil Gilels, Sviatoslav Richter, Heinrich Neuhaus, Tatiana Nikolaïeva et encore aujourd’hui Elisso Virssaladze. Cette pianiste d’origine géorgienne, vivant en Autriche, qui vient de fêter ses 76 ans, possède certes les qualités purement sonores et la technique infaillible qui sont les dénominateurs communs à ces pianistes, mais il y a chez elle quelque chose d’irrésistiblement viennois qui est sa plus profonde singularité. C’est avec deux programmes Schubert qu’elle revient illuminer cette saison de concerts Piano 4 Etoiles dans une grande salle de la Philharmonie de Paris un peu clairsemée en cette période post‑pascale.


Le premier des deux programmes tombait le lendemain de l’annonce de la disparition de Radu Lupu, avec lequel la pianiste avait une complicité évidente. On se souvient dans la même maison, lors d’un concert privé donné par André Furno, le fondateur de la série, à la mémoire de son épouse, d’une Fantaisie en fa mineur de Schubert jouée par les deux pianistes (Elena Bashkirova leur tournait les pages) comme d’un moment musical miraculeux. Etait‑elle encore bouleversée ? on a trouvé cette immense artiste un peu brusque dans ses attaques, ses tempi, noyant un peu les trois Klavierstücke D. 946 et la Wanderer‑Fantasie dans la pédale. Seule la Sonate «esGastein » D. 850 jouée en seconde partie regagnait de la sérénité.


Depuis qu’Alfred Brendel, Claudio Arrau, Maurizio Pollini ne jouent plus ces monuments composés comme une salve le dernier mois de sa vie, on ne voit guère qui d’autre aujourd’hui est capable de jouer ainsi les trois dernières Sonates de Schubert à la suite. Arcadi Volodos peut‑être ? Elisabeth Leonskaïa, certainement, avec une énergie, un son marmoréen, profond, et une assurance absolument phénoménale. La plus courte des trois, D. 958, ouvre parfaitement le second concert mais c’est dans la D. 959 et son séismique Andantino que Leonskaïa transporte son public dans les hautes sphères du mystère schubertien.


Si l’on pouvait déceler çà et là quelques signes de fatigue dans l’immense fleuve qu’est la Sonate D. 960 qui occupait à elle seule la seconde partie (il faut souligner qu’Elisabeth Leonskaïa en fait toutes les reprises, ce qui n’a pas toujours été le cas de pianistes étiquetés « immenses schubertiens »), on reste sous le choc de ce monument qu’elle sculpte au fond du clavier et à qui elle donne toute sa dimension fluviale. On s’étonne à peine qu’elle ait encore l’énergie de jouer avant de quitter un public tenu sous le charme pendant deux grandes heures, le premier des Klavierstücke D. 946 avec lequel elle avait entamé une semaine au préalable ce formidable marathon.


Ces deux copieux programmes d’œuvres tardives de Schubert étaient dédiés à la mémoire du critique musical André Tubeuf, disparu en juillet dernier, qui, durant de nombreuses saisons de cette série de concerts, en a rédigé les textes des programmes.



Olivier Brunel

 

 

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