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Anna Bolena en demi-teinte

Zurich
Opernhaus
12/05/2021 -  et 9*, 14, 18, 23, 29 décembre 2021, 2, 5, 9, 13 janvier 2022
Gaetano Donizetti : Anna Bolena
Luca Pisaroni (Enrico VIII), Diana Damrau (Anna Bolena), Karine Deshayes (Giovanna di Seymour), Stanislav Vorobyov (Lord Rochefort), Alexey Neklyudov (Lord Riccardo Percy), Nadezhda Karyazina (Smeton), Nathan Haller (Sir Hervey)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Enrique Mazzola* / Daniele Squeo (direction musicale)
David Alden (mise en scène), Gideon Davey (décors et costumes), Elfried Roller (lumières), Robi Voigt (vidéo), Arturo Gama (chorégraphie), Michael Küster (dramaturgie)


(© Toni Suter)


La première de la nouvelle production d’Anna Bolena à l’Opernhaus était dédiée à Edita Gruberova, disparue à la mi-octobre. La célèbre soprano, qui vivait à Zurich, était une habituée de l’Opernhaus, où, en près de quarante ans, elle a donné pas moins de deux cents représentations dans dix-sept rôles différents, dont celui d’Anne Boleyn. C’est Diana Damrau qui lui succède aujourd’hui en deuxième épouse du roi Henri VIII. Disons-le d’emblée, la chanteuse allemande a une voix beaucoup trop légère pour le rôle et ce manque de substance ne lui permet pas de traduire vocalement toutes les facettes du personnage. La souveraine qu’elle incarne est une femme fragile et tourmentée, mais en aucun cas une femme fière et orgueilleuse qui doit tout tenter pour sauver sa vie. Le grand air final de l’opéra (« Coppia iniqua ») est à ce titre emblématique : point d’orgue du chef-d’œuvre de Donizetti, il décrit comment Anne se résout à monter sur l’échafaud sans aucun sentiment de vengeance envers le roi son époux et la nouvelle maîtresse de ce dernier. Diana Damrau en donne une interprétation légère et aérienne, joyeuse presque, comme si elle chantait Olympia, allant jusqu’à esquisser quelques pas de danse, un contre-sens total. Cela dit, il faut lui reconnaître un chant magnifique, ponctué de vocalises confondantes de précision, d’aigus stratosphériques atteints avec facilité, de nombreuses nuances et surtout de pianissimi proprement stupéfiants. Luca Pisaroni et Karine Deshayes sont bien plus idiomatiques dans leur rôle respectif. Lui, roi autoritaire et brutal, superbe de présence scénique, avec une voix sombre et sonore, des accents véhéments et un magnifique legato ; elle, suivante particulièrement expressive et émouvante, au timbre corsé et velouté. Malgré des aigus serrés et un timbre un peu terne, Alexey Neklyudov fait belle impression en Lord Percy. La jeune mezzo russe Nadezhda Karyazina séduit, quant à elle, en page Smeton.


Dans la fosse, Enrique Mazzola offre une interprétation musicale qui fait la part belle à la finesse et à l’homogénéité, à l’équilibre et à la beauté du son, mais au détriment malheureusement de l’intensité dramatique. Avec pour résultat que l’ennui guette çà et là. Un sentiment renforcé par la mise en scène minimaliste de David Alden, vite à court d’idées. Après Maria Stuarda en 2018, l’homme de théâtre américain propose, avec Anna Bolena, le deuxième volet d’une trilogie Tudor donizettienne qui doit se terminer la saison prochaine avec Roberto Devereux. Pour Diana Damrau, chaque titre équivaut à une prise de rôle. Le chef Enrique Mazzola est également de la partie pour les trois opéras. Le décor conçu par Gideon Davey est pratiquement le même que celui de Maria Stuarda : un mur gris en demi-cercle ferme le plateau, mur sur lequel sont projetées des images vidéos. Des ouvertures font aussi apparaître des personnages (qui ne sont pas sans rappeler les tableaux de Magritte) contemplant et commentant les faits et gestes des protagonistes. A noter que le Grand Théâtre de Genève s’est lancé, lui aussi, dans la trilogie Tudor, mais en commençant par Anna Bolena, qui a ouvert le cycle en octobre.



Claudio Poloni

 

 

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