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De bonne tenue

Paris
Conservatoire national supérieur de musique et de danse
03/12/2021 -  
Benjamin Britten : The Turn of the Screw, opus 54
Thomas Ricart (Le Narrateur), Léo Vermot Desroches (Peter Quint), Clarisse Dalles (La Gouvernante), Lucie Peyramaure (Mrs Grose), Parveen Savart (Miss Jessel), Robinson Hallensleben*/Emile Grizzo (Miles), Clélia Horvat*/Bérénice Arru (Flora)
Orchestre du Conservatoire de Paris, Alexander Briger (direction)
Brigitte Jaques-Wajeman (mise en scène), Grégoire Faucheux (scénographie), Pascale Robin (costumes), Nicolas Faucheux (lumières), Catherine Saint-Sever (coiffures et maquillage)


(© Ferrante Ferranti)


Comme chaque année, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris donne à ses élèves en fin de cycle l’occasion de se confronter sur scène lors d’une production lyrique d’un ouvrage majeur du répertoire. Après Le Monde de la lune de Haydn en 2019, place cette fois au chef-d’œuvre de la maturité de Britten, Le Tour d’écrou (1954). L’opéra de chambre du maître anglais se montre on ne plus adapté en ces temps de pandémie, puisqu’il ne requiert que treize solistes dans la fosse, donnant la part belle aux vents, en une instrumentation étourdissante d’inventivité. L’adaptation très fidèle de la nouvelle éponyme de Henry James tire parti des non-dits et des ambiguïtés entre le monde de l’enfance et des adultes, à même d’inspirer un compositeur au sommet de son art. Les ambiances fantastiques et fantomatiques de James résonneront à nouveau en 1972, à l’occasion de l’avant-dernier opéra de Britten, Owen Wingrave, un bijou noir plus sombre encore que Le Tour d’écrou (voir la réunion de ces deux ouvrages lors d’une production toulousaine en 2014).


On pourra regretter que la direction franche et virile d’Alexander Briger, à la tête d’un excellent Orchestre du Conservatoire de Paris, oublie par trop les subtilités des enchevêtrements de timbres des passages morbides, privilégiant l’éclat du récit dramatique. On note ainsi une propension à faire sonner un peu fort sa formation dans les tutti, s’adaptant peu à une salle très sonore avec le public réduit. Gageons que la captation audiovisuelle saura gommer ces imperfections.


Sur le plateau, certains interprètes se laissent aussi aller au piège de cette acoustique, tout particulièrement le narrateur de Thomas Ricart, impressionnant de puissance, mais qui manque de souplesse dans les changements de registre. De même, Léo Vermot Desroches en fait un peu trop dans la démonstration vocale, oubliant la dimension séductrice de Peter Quint pour ne retenir que sa face inquiétante. Dans le rôle principal, Clarisse Dalles (La Gouvernante) multiplie quant à elle les stridences disgracieuses dans le suraigu, souvent arrachés dans les accélérations. L’étendue de sa tessiture est manifestement en cause, tant le reste de sa prestation donne à entendre une chanteuse sûre de ses moyens, par ailleurs dotée d’un beau tempérament dramatique.


On lui préfère la Mrs Grose de Lucie Peyramaure, qui lui vole la vedette par sa maîtrise technique superlative et l’élégance de ses phrasés, au service d’un timbre superbe de noirceur. On aime aussi, pour les mêmes raisons, la Miss Jessel de Parveen Savart, à qu’il ne manque qu’un rien de folie pour nous embarquer plus encore dans son rôle trouble, tandis que les enfants (élèves du Conservatoire à rayonnement régional de Paris) brillent tous deux au niveau vocal, même si on note un déséquilibre entre un Miles plus timide sur scène face à une Flora plus affirmée.


On mentionnera enfin la mise en scène sobre et élégante de Brigitte Jaques-Wajeman, dont c’est là l’une des rares incursions dans le domaine lyrique (voir notamment son Ernani donné à l’Opéra de Toulouse en 2017). Le décor unique pendant toute la représentation est constitué d’une fenêtre accessible aux seuls fantômes, comme un symbole du monde extérieur que les enfants ne peuvent atteindre. La scène du cimetière est la plus réussie, lorsque les fantômes émergent de la fosse d’orchestre comme deux damnés, avant de se prélasser lascivement sur les tombes. Autant la variété du travail sur les éclairages que les changements à vue des accessoires renouvellent habilement le plateau tout au long de la soirée, en une scrupuleuse fidélité au récit. D’où vient pourtant l’impression d’une mise en scène passe-partout et interchangeable? Peut-être l’absence de risque et de parti pris (hormis une allusion aux assauts nocturnes de Quint dans le lit de Miles) pour cette production de bonne tenue, mais trop prévisible.



Florent Coudeyrat

 

 

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