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Attachant Philippe Cassard...

Paris
Enghien-les-Bains (Ecole de musique et de danse)
09/26/2020 -  
Ludwig van Beethoven : Variations en fa majeur, opus 34
Robert Schumann : Arabesque, opus 18
Franz Schubert : Sonate en ré majeur, D. 850

Philippe Cassard (piano)


P. Cassard (© Vincent Catala)


Invité pour la rentrée des classes de maîtres organisées par Jean-François Mazelier au sein de l’association Pianomasterclub à Enghien-les-Bains, Philippe Cassard, qui n’avait pas donné de récital seul depuis le mois de mars, remplissait la salle au maximum des «recommandations sanitaires». Au premier rang, quelques amis pianistes, Tristan Pfaff, Laurent Cabasso; épars dans le public, de jeunes pianistes qui avaient travaillé avec lui dans l’après-midi et qui montraient leur enthousiasme.


Philippe Cassard raconte d’abord avant de jouer. C’est également son grand talent. Ici des anecdotes, là des considérations sur l’écriture pianistique; l’œuvre, avant d’être jouée, nous est brossée dans ses grandes lignes, dans ses particularismes, dans son contexte historique. Mise en condition pour lui-même et pour son public, ces narrations éclairent non seulement les intentions du compositeur, mais aussi tracent le chemin de ses propres interprétations.


Quel merveilleux choix que celui des Variations opus 34 de Beethoven... Rarement jouées en concert, elles sont parmi les plus originales, les plus étonnantes et séduisantes des cycles du compositeur. Philippe Cassard énonce le thème, cet émouvant cantabile, dans un tempo idéal permettant d’en goûter toute le vocalité. Le son est beau, riche de timbre. La première variation déploie ses trésors d’ornementation, comme une immense vocalise lyrique, tout en souplesse. Le pianiste resserre le discours de la deuxième variation, en forme de scherzo allègre, se jouant des pièges du staccato des mains alternées. Chaque variation trouve ensuite la juste expression de son propre caractère, lumineux, tragique, pastorale, intense surtout; le retour au thème, dernier volet de la partition, subtilement amené par Philippe Cassard apparaît comme une douce réminiscence.


L’Arabesque de Schumann, dessinée par le pianiste avec infiniment de délicatesse, de simplicité, de narration, leicht und zart, comme l’indique la partition, offre une oasis de poésie. Là encore on goûte le beau chant pianistique, l’attention constante à la qualité du son. On y entend, malgré le climat apaisé de l’œuvre, la fougue de Florestan, les extases d’Eusebius à travers les différents volets, si bien transmises par Philippe Cassard. Le postlude, très inspiré, évoque l’ambiance surnaturelle dans laquelle Alfred Cortot, lors d’un cours d’interprétation à l’Ecole Normale filmé en 1961, montre comment interpréter «Le poète parle», dernière pièce des Scènes d’enfants. Poignant.


Philippe Cassard aborde, pour terminer son récital, la Sonate D. 850 de Schubert avec une folle énergie et une joie communicative. «Cette Sonate est l’œuvre de la liberté, du mouvement, de l’espace et de la nature: elle est le journal de bord de l’été 1825 que Schubert passa dans la Salzkammergut avec son ami le chanteur Vogl. Tout y est figuré et sublimé: le yodel, les mandolines, les danses et chants paysans, mais aussi la marche à pied du Wanderer à travers les vastes paysages de cette région septentrionale de l’Autriche, entre lacs, alpages, montagnes imposantes et vallées profondes» confie le pianiste dans un récent entretien. Le tempo est allègre, les aigus cristallins, le médium cuivré, la pédalisation exemplaire – Philippe Cassard est un maitre du vibrato de pédale – les forte sont puissants mais jamais durs, et surtout l’éloquence est naturelle, sans aucun maniérisme. L’amplitude dynamique large oppose les fracassants fortissimos aux délicats chants de manière très figurative. Mais ce que l’on goûte par-dessus tout c’est la narration, l’art de nous montrer, de nous décrire. Alors, on serait tenté, comme le Petit Prince, de demander à Philippe Cassard: «s’il vous plaît... raconte-nous Schubert».


Un «Clair de lune» de Debussy en bis, soyeux et serein, d’une pureté exemplaire, sans la moindre afféterie, permet à Philippe Cassard de nous quitter dans un rêve.



Christian Lorandin

 

 

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