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Boris Godounov en période de coronavirus

Zurich
Opernhaus
09/20/2020 -  et 23, 26* septembre, 9, 16, 20 octobre 2020
Modeste Moussorgski : Boris Godounov
Michael Volle (Boris Godounov), Lina Dambrauskaitė (Xenia), Mika Mainone*/Cajetan Dessloch/Florian Markus (Fiodor), Irène Friedli (La Nourrice), John Daszak (Prince Vassili Chouïski), Konstantin Shushakov (Andreï Chtchelkalov), Brindley Sherratt (Pimène), Edgaras Montvidas (Grigori), Oksana Volkova (Marina), Johannes Martin Kränzle (Rangoni), Alexei Botnarciuc (Varlaam), Iain Milne (Missaïl), Katia Ledoux (L’Aubergiste), Spencer Lang (L’Innocent), Valeriy Murga (Un officier de police), Savelii Andreev (Un boyard), Ilya Altukhov (Lavitzki), Brent Michael Smith (Tchernikovski), Ilya Altukhov (Mitioukha)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Kirill Karabits (direction musicale)
Barrie Kosky (mise en scène), Rufus Didwiszus (décors), Klaus Bruns (costumes), Franck Evin (lumières), Kathrin Brunner (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


Zurich l’a fait, alors que Salzbourg avait jeté l’éponge cet été : présenter Boris Godounov en période de coronavirus. Un exploit par les temps qui courent, compte tenu des mesures sanitaires imposées. Le Grand Théâtre de Genève n’a-t-il pas remplacé Turandot par La Cenerentola et l’Opéra de Lausanne reporté Eugène Onéguine ? Une telle gageure ne paraît guère possible, tant le plateau et la fosse de l’Opernhaus sont exigus. Et pourtant, Andreas Homoki, le directeur de l’institution lyrique zurichoise, a voulu maintenir sa programmation initiale coûte que coûte. Pour y parvenir, il a décidé de placer les musiciens et les choristes dans un studio de répétition situé à 1 kilomètre du théâtre. Le son est renvoyé dans l’auditorium à la vitesse de la lumière grâce à la fibre optique, à travers des haut-parleurs installés dans la fosse mais aussi dans le reste de la salle. Les chanteurs, quant à eux, sont sur scène sans micro et peuvent suivre le chef sur des écrans disposés tout autour du plateau. Ce système n’est pas sans rappeler Bregenz, à la différence qu’à Zurich les chanteurs ne sont pas amplifiés. Acoustiquement, le résultat est bluffant. Lorsque se font entendre les premiers instruments qui s’accordent, certains spectateurs regardent dans la fosse, surpris de constater qu’elle est vide. Il est vrai que les installations techniques de l’Opernhaus sont d’excellente qualité car on entend distinctement chaque pupitre d’instruments et chaque registre du chœur, sans aucune sensation de distance. Le son est rond, bien présent et naturel.


L’autre écueil posé par Boris Godounov est le rôle du chœur, qui tient une place importante dans l’opéra et peut même être considéré comme un personnage de l’intrigue. Or comment imaginer un chœur immense sur scène en période de pandémie ? Que l’on apprécie ou non sa mise en scène, il faut savoir gré à Barrie Kosky d’avoir trouvé très rapidement des solutions pour adapter à la dernière minute ou presque la production qu’il avait imaginée pour Zurich. Le metteur en scène a situé l’action dans une immense bibliothèque remplie de manuscrits et de dossiers. Et, surprise, les livres se mettent à chanter ! Pour être précis, ils ouvrent et referment leur couverture dans un mouvement frénétique qui rappelle les marionnettes du « Muppet Show ». Si le procédé peut faire sourire au début, il se révèle être une idée géniale, qui permet d'incarner sur scène les choristes absents. Barrie Kosky fait ainsi de la bibliothèque un lieu de mémoire, de souvenirs et de débats. Pour le reste, il signe un spectacle gris et sombre qui met en évidence la solitude des personnages, lesquels sont le plus souvent seuls sur le plateau. Tous vivent dans un monde où règnent la peur et la paranoïa, chacun se défiant des autres. Et, comme toujours avec le célèbre metteur en scène, la direction d’acteurs est particulièrement soignée. Chapeau Monsieur Kosky pour avoir réussi à intégrer dans le spectacle toutes les contraintes liées au coronavirus !


A la tête du Philharmonia Zürich, Kirill Karabits propose une lecture ample et vibrante du chef-d’œuvre de Moussorgski, une lecture qui fait la part belle aux nuances et à la transparence instrumentale sans pour autant négliger la continuité dramatique. Pour l’anecdote : à la fin de la soirée, au moment des saluts, la surprise est grande de voir le chef arriver sur scène ; comme les solistes sont nombreux à venir saluer, il a eu suffisamment de temps pour rejoindre le théâtre ! Le Chœur de l’Opernhaus offre une magnifique prestation. Michael Volle réussit une superbe prise de rôle en Boris, incarnant un souverain tourmenté, bourré de tics et obsédé par la culpabilité du meurtre du tsarévitch. Dans la distribution de haut vol réunie à Zurich, on retient le Rangoni cynique et pervers à souhait de Johannes Martin Kränzle, le majestueux Pimène à la voix grave et profonde de Brindley Sherratt, le Grigori ardent d’Edgaras Montvidas et – car on donne l’acte polonais – la Marina aux accents véhéments d’Oksana Volkova. Une production qui fera date, et qui sait peut-être des émules.



Claudio Poloni

 

 

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