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Premier épisode

Bruxelles
La Monnaie
02/18/2020 -  et 25 février, 1er*, 5, 17, 21 mars 2020
Wolfgang Amadeus Mozart: Le nozze di Figaro, K. 492
Björn Bürger (Il Conte di Almaviva), Simona Saturová (La Contessa di Almaviva), Sophia Burgos (Susanna), Alessio Arduini (Figaro), Ginger Costa-Jackson (Cherubino), Rinat Shaham (Marcellina), Alexander Roslavets (Bartolo), Yves Saelens (Don Basilio, Don Curzio), Caterina Di Tonno (Barbarina), Riccardo Novaro (Antonio)
Chœurs de la Monnaie, Alberto Moro (chef de chœur), Orchestre symphonique de la Monnaie, Antonello Manacorda*/Ben Glassberg (direction musicale)
Jean-Philippe Clarac, Olivier Deloeuil (mise en scène, costumes), Rick Martin (décors), Christophe Pitoiset (lumières), Jean-Baptiste Beïs, Timothée Buisson (vidéo)


(© Forster)


La Monnaie se lance dans un fameux défi : concentrer l’action des Noces de Figaro, de Così fan tutte et de Don Giovanni durant 24 heures et dans un seul lieu, un immeuble moderne. Dans la mise en scène de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, les personnages des trois opéras interviennent en même temps, dans un décor complexe et unique, avec de nouvelles relations entre eux. Ainsi, par exemple, Cherubino devient le fils de Don Giovanni et Donna Elvira, tandis que Don Ottavio et la Comtesse Almaviva partagent un lien de parenté.


Dans le programme, le même pour les trois opéras, un arbre généalogique aide à s’y retrouver, et en plus d’une codification par couleurs, un récapitulatif des événements heure par heure permet d’y voir plus clair. Les événements de cette trilogie débutent ainsi à 7 heures 30, avec la mort du Commandeur, et se terminent le lendemain, pendant la nuit, à 2 heures 30, avec celle de Don Giovanni. Le mariage de Figaro et Susanna et celui de Marcellina et Bartolo se tiennent à 16 heures, trois quarts d’heure avant l’union entre Zerlina et Masetto. Et c’est Don Alfonso qui apparaît dans Les Noces de Figaro à la place d’Antonio. La Monnaie représente donc en alternance les trois opéras du 18 février au 28 mars, et il vaut mieux voir chacun d’eux, dans l’ordre souhaité, pour prendre toute la mesure de la complexité de cette mise en scène. Une distribution unique et resserrée assure toutes les représentations, la plupart des chanteurs se chargeant de deux rôles.


Voilà ce qui nous attendait, ce dimanche, pour Les Noces de Figaro (1786). Nous avons dû nous contenter d’une version semi concertante, non à cause d’une grève, ou du coronavirus, mais d’un problème technique, survenu le matin même, empêchant l’utilisation du décor pivotant comme prévu par les metteurs en scène. Les chanteurs improvisent donc leur interprétation en première partie face à l’arrière de l’immeuble, tandis que dans la seconde, le dispositif a pu être retourné pour en montrer une autre facette. Les solistes évoluent, en costumes, du mieux qu’ils le peuvent, dans un décor figé, sommairement éclairé, sans tous les autres personnages et la complexité narrative imaginée par le duo. La Monnaie sous-évalue-t-elle la difficulté de ses scénographies, et les risques qui en découlent ? En septembre, la représentation de Macbeth Underworld a dû aussi être interrompue, heureusement durant quelques minutes, seulement, pour un problème technique.


La Monnaie propose une compensation financière aux spectateurs qui décident de quitter le théâtre à la pause, à condition de laisser leur billet à la réception. Mais en seconde partie, la plupart d’entre eux, pourtant lésés, préfèrent rester, probablement pour les chanteurs, il est vrai, tous remarquables. A défaut d’avoir vu les Noces telles que Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil les ont pensées, nous les avons au moins entendues par une distribution idéale. Soudés et entraînés, les chanteurs épousent adéquatement leur rôle, par leur physique et leur voix. Pour couronner le tout, ils chantent avec un style quasiment impeccable et incarnent leur personnage avec conviction et énergie, en leur conférant du relief, ce qui ne constitue pas un mince exploit dans de telles circonstances.


Les prestations ne révèlent aucun maillon faible, bien que la voix de Simona Saturová, Comtesse un peu trop terne, manque de charme et de magnétisme pour séduire et toucher, malgré un chant raffiné. Remplaçant Robert Gleadow au pied levé, Alessio Arduini se profile en mozartien chevronné, capable d’agilité et de verve, et compose son Figaro avec justesse. Conciliant solidité vocale et crédibilité théâtrale, Björn Bürger campe un comte probant. Son aptitude à cerner les différentes facettes de ses personnages doit se confirmer dans Don Giovanni, dont il assure le rôle-titre ; son phrasé mordant devrait convenir au séducteur. La Susanna de Sophia Burgos dégage un charme irrésistible : par le caractère, le physique et la voix, la soprano américaine d’origine portoricaine correspond parfaitement au profil de la camériste – la plus belle révélation de cette distribution. Ginger Costa-Jackson opte en Cherubino pour un jeu extraverti, voire surexcité, pour incarner un horripilant garçon, mais cette mezzo-soprano particulièrement convaincante dans ce rôle de travestit se hisse vocalement au niveau et promet beaucoup en Dorabella.


Le reste de la distribution répond aussi aux attentes, avec une mention particulière pour Rinat Shaham qui chante Marcelline avec tellement de soin que nous venons à reconsidérer l’importance de ce personnage. Alexander Roslavets retient surtout l’attention en Bartolo pour sa présence, dans cette production un homme d’âge mûr d’allure respectable, tandis qu’Yves Saelens affiche à nouveau un irréprochable tenue stylistique en Don Basilio et en Don Curzio, tous deux remarquablement caractérisés par un excellent jeu d’acteur. Caterina Di Tonno prête ses traits avec bonhommie et humour à Barberine, bien chanté également, tandis que l’Alfonso de Riccardo Novaro promène sa figure de vieux beau dans la partie à l’origine réservée à Antonio. L’orchestre sauve aussi la représentation : attentif à la clarté et à la cohésion avec le plateau, Antonello Manacorda obtient un jeu vif, svelte et expressif. La suite au prochain épisode, Così fan tutte, dans une semaine, avec, cette fois, touchons du bois, un décor qui fonctionne.



Sébastien Foucart

 

 

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