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Une Neuvième d’anthologie

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/29/2020 -  et 7 (Hamburg), 12 (München) mars, 6, 7 juin (Wien) 2020
Ludwig van Beethoven: Symphonies n° 8 en fa majeur, opus 93, et n° 9 en ré mineur, opus 125
Annette Dasch (soprano), Gerhild Romberger (mezzo-soprano), Klaus Florian Vogt (ténor), Günther Groissböck (basse)
Chœur de Radio France, Andreas Hermann (chef de chœur), Wiener Philharmoniker, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Quatrième et dernier concert parisien du Philharmonique de Vienne, celui-ci était ô combien attendu puisque, après la petite Huitième était donnée la grande, la monumentale Neuvième, alliance que le chef letton Andris Nelsons nous avait déjà offerte au mois de septembre 2014 à la tête de l’Orchestre de la ville de Birmingham dont il était alors le directeur musical. En attendant que les portes du théâtre s’ouvrent, le public discute sur les marches et le parvis du théâtre avec plusieurs membres du Chœur de Radio France qui distribuent des tracts informant des coupes budgétaires décidées par la direction de Radio France et qui pourraient conduire, si elles étaient suivies d’effet, à ramener le chœur de 90 à seulement 60 chanteurs, ne lui permettant plus, de fait, de participer à certaines productions, ni à continuer à avoir la qualité qui est la sienne et qu’il allait amplement démontrer ce soir. Pour information, et même si l’on peut parfois douter de l’effet produit, sachez qu’une pétition pour les défendre est en ligne et ne demande qu’à accueillir votre signature...


Une fois passé les portes, on file s’installer dans le théâtre et l’orchestre ne tarde guère à faire son entrée sur scène. Andris Nelsons aborde la Huitième (1811-1812) non comme une symphonie de transition, aux tonalités plus légères, au caractère plus primesautier, entre les deux sommets que sont les Septième et Neuvième, mais bel et bien comme une «grande» symphonie en soi. D’où ce premier mouvement assez déroutant dans l’approche, très réussi mais où la pâte orchestrale est un rien épaisse et le tempo retenu; pour autant, le discours est extrêmement séduisant grâce à des cordes renversantes et une petite harmonie au sommet. A l’instar de ce que nous avions entendu dans la Première Symphonie, on s’avère fortement déçu par la suite puisque le mouvement lent, pourtant marqué Allegretto scherzando, est d’une incroyable lourdeur et ne distille aucune fraîcheur: on tombe quelque peu de haut, même les grands chefs du passé n’ayant jamais dirigé cette page avec un tel prosaïsme. Heureusement, le troisième mouvement (Tempo di minuetto) retrouve l’esprit du menuet si cher à Haydn grâce notamment aux deux cors, à la clarinette solo et au violoncelle solo de Tamás Varga, et nous emmène vers un mouvement conclusif bien fait mais qui aurait mérité là aussi d’être conduit avec plus de vélocité et de finesse.


Après l’entracte, la scène du Théâtre des Champs-Elysées s’avère presque insuffisante pour accueillir les Wiener Phiharmoniker au grand complet (outre les cordes, six cors, les bois par quatre, trois trombones...) et les quatre-vingts choristes du Chœur de Radio France. A noter d’ailleurs que, à chaque fois que la Neuvième sera donnée, c’est le chœur «local» qui officiera: le NDR-Chor sera donc requis à Hambourg avant le Chor des Bayerischen Rundfunks à Munich et, évidemment, le Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien tant à Vienne que, cet été, à Salzbourg.


Ne tournons pas autour du pot: l’interprétation donnée de cette Neuvième fut extraordinaire. Certes, pas immédiatement... En effet, le premier mouvement est pris à une allure plus que modérée et on décèle ici ou là quelques imperfections de la part de l’orchestre. Mais, en dépit de la lenteur et de la majesté de l’approche, l’orchestre n’en bénéficie pas moins d’une certaine clarté et d’une transparence dans les timbres, chaque pupitre (et même chaque voix au sein d’un même pupitre) étant parfaitement individualisé. Quant aux petits problèmes de mise en place, ils ne sont que le revers de la médaille puisqu’Andris Nelsons tient visiblement à donner une grande liberté aux musiciens, ne marquant franchement le premier temps que pour s’assurer que tout le monde sera bien ensemble, laissant au contraire l’orchestre généralement jouer sans jamais le presser ni le brusquer, encore moins le contraindre, preuve de la confiance qui existe de part et d’autre. Le deuxième mouvement a atteint une puissance extraordinaire grâce, en premier lieu, à des cordes d’un fondu et d’une réactivité admirables. Avec un tel soubassement, les autres musiciens (notamment les deux cors solos ou le hautbois de Sebastian Breit) peuvent tout oser avec une sécurité maximale, pour un résultat des plus impressionnants. Le troisième mouvement fut sublime. Modèle de finesse et d’équilibre, il fut dirigé par Nelsons avec un sens de la progression qui ne gommait en rien les diverses interventions solistes, les cordes (notamment les altos et les violoncelles) bénéficiant là encore d’un espace et d’une liberté interprétative qui leur ont permis de s’épanouir pleinement, chacun prenant son temps dans ces longues phrases où les échanges entre instrumentistes sont si importants (le passage si extraordinaire des pizzicati des cordes accompagnés des cors...). Le quatrième mouvement, abordant notamment le célèbre thème de l’Hymne à la joie, bénéficia d’un Chœur de Radio France des grands jours comme on l’a déjà laissé entendre. Si l’on a pu regretter un premier «Freude» bien timide (c’est quand même le mot «joie» qu’il convient de chanter, que diable!), il s’est rapidement approprié les paroles de «cet hymne "synthétique" où confluent les images des rituels religieux et profane» (Esteban Buch, La Neuvième de Beethoven, une histoire politique, Gallimard, p. 127) avec un investissement à la hauteur de sa réputation. Le Philharmonique de Vienne, pour sa part, jeta ses dernières forces dans la bataille avec une tenue qui, de la flûte piccolo de Karin Bonelli aux timbales de Thomas Lechner en passant par, notamment la clarinette solo de Matthias Schorn, participa pleinement à la réussite purement instrumentale de ce deux dernier mouvement, conduit par un Andris Nelsons souverain. Quant au quatuor de solistes, qui bénéficia pour cette seule fois d’Annette Dasch dans la partie de soprano (elle sera remplacée par Lucy Crowe dans la suite de la tournée) et qui avait d’ailleurs tenu cette même partie lors de la dernière intégrale dirigée par Christian Thielemann en 2010), il fut à la fois cohérent et équilibré, chacun tenant sa partie avec un aplomb souvent impressionnant.


Ovationné par les spectateurs, Andris Nelsons revint plusieurs fois sur scène pour faire se lever qui les solistes de l’orchestre, qui le chœur, qui l’ensemble de l’orchestre, n’en finissant pas de serrer la main des Konzertmeister du soir, Volkhard Steude et Albena Danailova. Il prouva une fois encore quelle baguette il était, le Philharmonique pouvant s’enorgueillir d’avoir été fidèle à sa réputation dans une Neuvième qui fit véritablement figure d’apothéose dans ce cycle. Rendez-vous d’ici une dizaine d’années pour le prochain?


Le site d’Andris Nelsons
Le site de Klaus Florian Vogt
Le site de Günther Groissböck
Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne
Le site du Chœur de Radio France



Sébastien Gauthier

 

 

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