About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un orchestre peu straussien pour La Femme sans ombre

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/17/2020 -  et 20 (Dortmund), 23 (Rotterdam) février 2020
Richard Strauss : Die Frau ohne Schatten, opus 47
Stephen Gould (Der Kaiser), Elza van den Heever (Die Kaiserin), Michaela Schuster (Die Amme), Michael Volle (Barak der Färber), Lise Lindstrom (Die Färberin), Michael Wilmering (Der Einaugige), Andreas Conrad (Der Bucklige), Thomas Oliemans (Der Geisterbote), Katrien Baerts (Hüter der Schwelle, Stimme des Falken), Bror Magnus Tødenes (Erscheinung eines Jünglings), Nathan Berg (Der Einarmige)
Rotterdam Symphony Chorus, Wiecher Mandemaker (chef de chœur), Maîtrise de Radio France, Sofi Jeannin (chef de chœur), Rotterdams Philharmonisch Orkest, Yannick Nézet-Séguin (direction)


M. Volle (© Carsten Sander)


Une réécriture de La Flûte enchantée, histoire croisée de deux couples appartenant à deux mondes différents, où se côtoient la réalité la plus triviale et un onirisme de légende. L’ombre c’est la maternité. Fille du monde des esprits, l’Impératrice refuse de voler celle d’une teinturière, que lui offriraient les manigances de sa Nourrice, accédant ainsi à l’humanité féconde. Et les couples trouveront enfin leur vérité.


N’appliquons pas à cette Femme sans ombre la célèbre formule si souvent citée à propos du Trouvère : il ne suffit pas d’y distribuer les meilleurs chanteurs du monde, encore faut-il un chef et un orchestre C’est là où, déjà, le bât blesse dans le concert des Champs-Elysées. Apogée de l’orchestre straussien, la partition exige une luxuriance virtuose qui fait cruellement défaut aux musiciens de Rotterdam, peu flattés il est vrai par l’acoustique de la salle. Point de salut hors Vienne ou Dresde ? Non : l’Orchestre de l’Opéra pouvait y briller de tous ses feux. N’accusons pas non plus le seul orchestre : Yannick Nézet-Séguin exalte surtout la dimension la plus artificiellement théâtrale de l’œuvre, ce qui du coup pourrait justifier sa mauvaise réputation auprès d’un certain public ou d’une certaine critique. Brillante mais trop fragmentaire, sa direction manque également de mystère, insensible à la féérie, à ces chatoiements d’une subtilité tout impressionniste qui caractérisent aussi la partition. Est-ce pour s’affranchir d’une tradition, pour annexer l’œuvre à une modernité moins amène que le chef canadien répugne à la sensualité, tirant parfois Strauss vers Chostakovitch ? Ne nions pas pour autant la puissance de certains moments, comme le final du deuxième acte, un apocalyptique effondrement.


A-t-on donc réuni, comme lors de la création viennoise en 1919, où Maria Jeritza était impératrice et Lotte Lehmann teinturière, la distribution idéale ? Pas vraiment, même si elle tient le coup. Poumons épuisés, Stephen Gould pousse ses notes sans l’ombre d’une ligne, fantôme de l’Empereur qu’il fut jadis – il ne devrait plus se risquer dans un emploi aussi redoutable. Michaela Schuster, heureusement, brûle les planches : la voix a des trous, la justesse est problématique – certes la Nourrice oscille souvent entre le chant et la déclamation. Lise Lindstrom, en revanche, assume les frustrations hystériques de la Teinturière, son éveil à l’amour au troisième acte aussi, où elle paraît cependant un peu fatiguée – c’est un rôle de grand soprano dramatique, qui parfois rappelle Elektra. Comment peut-elle ignorer un Barak tel que celui de Michael Volle, irradiant d’humanité, au phrasé de Liedersänger ? Elza van den Heever, elle, débute en Impératrice : un peu contrainte au premier acte, elle se libère ensuite, voix longue et suprêmement conduite malgré des aigus parfois un peu bas, à la ligne superbe – mais le personnage, qui s’humanise pourtant peu à peu, reste encore trop froid. Les seconds rôles tiennent leur rang, à commencer par le Messager des esprits de Thomas Oliemans, même si l’on attendrait ici timbre plus sombre et tessiture plus grave.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com