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Un sentiment de déjà-vu

Paris
Eglise Saint-Roch
01/21/2020 -  et 19 (Brugge), 22 (Frankfurt) janvier 2020
Johann Sebastian Bach: Cantates «Es ist dir gesagt , Mensch, was gut ist», BWV 45, «Jesu, der du meine Seele», BWV 78, et «Lass, Fürstin» (Trauer-Ode), BWV 198 – Motet «O Jesu Christ, mein’s Lebens Licht», BWV 118
Dorothee Mields (soprano), Alex Potter (alto), Thomas Hobbs (ténor), Peter Kooij (basse)
Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (direction)


(© Michiel Hendryckx)


Nous avions déjà parlé de tradition à l’occasion du magnifique concert que Philippe Herreweghe avait dirigé en cette même église au mois de décembre dernier: il s’agissait alors des Vêpres de la Vierge de Monteverdi. Le concert qu’il donne au mois de janvier, toujours produit par Philippe Maillard, est tout aussi traditionnel puisque consacré à Bach, en général à ses cantates: nous avons eu à plusieurs occasions de nous en faire l’écho (voir par exemple ici, ici et ici). Et c’est toujours un plaisir, en dépit de températures plus basses que jamais (public, chanteurs et éventuellement musiciens veillant à s’emmitoufler dans de grosses parkas, gardant le cas échéant écharpes et bonnets...), que de retrouver un orchestre et des chanteurs que, à titre personnel, nous avons entendus pour la première fois il y a maintenant trente ans: Bach déjà, au Festival de l’Abbaye aux Dames, à Saintes, au mois de juillet 1990. Les cheveux ont grisonné, les crânes se sont parfois sérieusement dégarnis, les traits sont tirés mais l’alchimie fonctionne plus que jamais, les deux ensembles (orchestre et chœur) n’ayant cessé de renouveler au fil du temps une partie de leurs effectifs, la jeune génération de Maude Gratton et quelques autres s’alignant désormais aux côtés des piliers historiques que sont par exemple la violoncelliste Ageet Zweistra ou le hautboïste Taka Kitazato.


Bach donc... Comment pourrait-il en être autrement? Car le naturel de l’interprétation nous convainquit, une fois de plus, que le fait de côtoyer l’œuvre du Cantor depuis des décennies maintenant permet aux artistes de cette soirée, à commencer par Philippe Herreweghe, de se concentrer sur l’essentiel. D’emblée, le chant du pupitre de basses qui inaugure le canon du chœur introductif «Es ist dir gesagt, Mensch» de la Cantate BWV 45 (un «monument architectonique de tout premier plan» pour reprendre l’expression d’Alberto Basso, Jean-Sébastien Bach, Fayard, tome II, p. 425) se veut vif et entraînant, chacun jouant au diapason de cette atmosphère enjouée. Saluons donc tout de suite l’excellence du Collegium Vocale de Gand, qui fête cette année ses 50 ans d’existence: comment pourrait-on le croire? Les interventions solistes sont également très bonnes: si Thomas Hobbs souffre peut-être d’une voix un rien voilée en fin d’aria («Drohet deinem Übertreten!») avec une petite fragilité dans les aigus, Peter Kooij assure toujours crânement sa partie, impérial dans la diction, alignant les mots avec la rapidité et l’esprit requis, tandis qu’Alex Potter se distingue par son excellence (facilité de l’émission, justesse du chant: tout y est!), accompagné par la flûte enjôleuse de Patrick Beuckels et la basse continue dans l’air «Wer Gott bekennt».


Contraste saisissant avec la cantate suivante (BWV 78), dont le choral inaugural en sol mineur se veut une immense déploration («Jésus, toi qui as par ton martyre/Arraché mon âme/A l’antre ténébreux du Diable/Et à l’abîme de détresse/Où elle se débattait»). Superbement entonné (les légères dissonances du chœur accentuant la dimension tragique voulue par Bach), il se poursuit avec un duo extrêmement connu entre la soprano et l’alto «Wir eilen mit schwachen», où brillent Dorothee Mields (parfaite comme à son habitude) et un Alex Potter toujours aussi impressionnant. Que peut alors faire Philippe Herreweghe face à une telle justesse d’ensemble, si ce n’est relancer de temps à autre les violons ou inviter l’entrée de tel ou tel par une gestique toujours aussi mystérieuse par moments? Après qu’il a dû effectuer un changement de pupitre un rien périlleux (sous le regard mi-amusé mi-inquiet du hautboïste Marcel Ponseele), Patrick Beuckels put se lever juste à temps pour accompagner de la plus délicieuse façon l’air du ténor «Das Blut, so meine Schuld», très bien chanté par Hobbs, qui sut parfaitement donner tout son sens aux mots (ah... cette légère suspension sur le mot «frei» qui a suffi à donner à l’air tout son côté magique!). Dommage que l’acoustique parfois redoutable de Saint-Roch n’ait pas ensuite permis d’entendre plus distinctement le travail de Marcel Ponseele dans l’accompagnement de l’air «Nun du wirst mein Gewissen stillen», chanté avec vivacité par Peter Kooij.


Après que la souplesse de l’orchestre et la sérénité des chanteurs eurent donné toutes ses couleurs au motet O Jesu Christ, mein’s Lebens Licht (qui fut d’ailleurs bissé à la demande du public), Philippe Herreweghe dirigea la plus imposante Cantate BWV 198, dont le caractère est plus honorifique que liturgique, Bach l’ayant composée pour commémorer le décès de l’électrice de Saxe, la reine Christiane. Le vaste chœur inaugural (qui n’est pas sans rappeler la Passion selon saint Matthieu) et l’orchestre étoffé (deux violes de gambe et un luth ayant rejoint l’effectif de la première partie) rendent toute sa pompe à cette musique, dont les sonorités emplissent avec bonheur l’église. Une fois encore, c’est surtout Alex Potter qui aura été remarquable grâce à l’air «Wie starb die Heldin so vergnügt!»: la justesse de l’intonation couplée à une impressionnante longueur de souffle lui auront permis de rayonner au milieu d’une véritable équipe dont la venue est toujours un plaisir. On est ici, plus que jamais, entre amis et ça se sent...


Le site du Collegium Vocale de Gand
Le site d’Alex Potter
Le site de Thomas Hobbs



Sébastien Gauthier

 

 

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