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Du labyrinthe au paradis

Strasbourg
Palais de la Musique
01/09/2020 -  et 10 janvier 2019
György Ligeti : Concerto pour violon
Gustav Mahler : Symphonie n° 4

Genia Kühmeier (soprano), Charlotte Juillard (violon)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


C. Juillard (© Nicolas Rozès)


Pour ses apparitions en concerto avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, dont elle est le premier violon super soliste depuis 2014, Charlotte Juillard n’a peur de rien : déjà Sibelius était un choix risqué fin 2018, mais là, avec le Concerto de György Ligeti, l’aventure est encore plus corsée.  «Quand je me préparais à écrire mon Concerto pour violon [...] mes modèles étaient Paganini, les sonates de Bach pour soliste, les sonates d’Ysaÿe pour soliste, Wieniawski et Szymanowski» : des propos du compositeur hongrois qui situent bien le niveau de virtuosité de ce concerto très développé, d’une durée de 25 minutes environ. L’épreuve se négocie en cinq mouvements d’une durée sensiblement égale, avec à la fin une cadence qui accorde une large marge d’improvisation, avant que l’orchestre, en quelques accords abrupts, ne vienne mettre un terme définitif à ce qui ressemble moins à un concerto au sens conventionnel du terme qu’à un jeu de cache-cache labyrinthique, entre le violon et un accompagnement qui brasse énormément d’éléments hétérogènes.


Musiques de textures, microtonalité, instruments tantôt accordés tantôt subtilement désaccordés, folklore hongrois revisité, références aux musiques médiévales et de la renaissance, influences extra-européennes... difficile de tout repérer dans ce fouillis signalétique qui nécessite de multiples écoutes pour en apprécier la richesse. De prime abord, outre la complexité de la partie soliste, ce seront surtout certains détails qui attirent l’attention, par exemple les quatre ocarinas dont se servent hautboïste, clarinettistes et bassoniste pour colorer le deuxième mouvement de sons délibérément distordus, ou encore l’enchevêtrement extrême des mètres superposés de l’Intermezzo. En tout cas, Charlotte Juillard survole tout cela avec une évidente maîtrise et souvent une ampleur de sonorité surprenante, face à un effectif il est vrai délibérément peu fourni (le compositeur a prévu un peu moins de vingt-cinq exécutants) mais qui peut occasionnellement monter très haut en décibels. On apprécie aussi la chaleur bienvenue apportée aux quelques effusions mélodiques que Ligeti consent à ménager çà et là, entre d’autres passages plus énigmatiques. Lorsque l'œuvre est bien jouée [...] elle finit au bout d'un certain temps par "décoller" comme un avion: Ligeti s’exprimait là à propos d’un autre de ses concertos, mais la même image pourrait aussi bien s’appliquer à cette très efficace exécution de Charlotte Juillard et Marko Letonja.


En seconde partie, suite du cycle Mahler de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Après la Première Symphonie en octobre par Antony Hermus et la Sixième en décembre par Josep Pons, Marko Letonja s’est plus modestement réservé une Quatrième qui s’annonce cependant contrastée, pastorale certes, mais avec des couleurs vives. Peut-être même un peu trop parfois, au point que les sonorités très diversifiées de l’orchestre s’éparpillent au fil d’un mouvement initial que l’on préférerait plus cohérent. Extrêmement vétilleux, ce piège de l’instabilité des climats, dans une musique ou tout doit sembler faussement couler de source alors que l’humeur y change constamment. Le deuxième mouvement, davantage structuré par ses aspects dansants, paraît plus équilibré, avec des ponctuations bien marquées. Quant à l’Adagio, toujours espéré comme un coin de paradis, il tient bien ses promesses. On attendait avec curiosité dans le Lied final la jeune soprano allemande Anna Lucia Richter, dont la carrière internationale semble démarrer à bon régime, mais qui malheureusement a dû déclarer à nouveau forfait pour raisons de santé, après déjà une défection à Munich trois semaines plus tôt dans la Messe en ut mineur de Mozart dirigée par Herbert Blomstedt. En lieu et place c’est Genia Kühmeier que l’on a vu arriver, soprano plus mûre et corsée (on se souvient encore de sa jolie Pamina à Salzbourg sous la direction de Riccardo Muti, mais c’était il y a quinze ans) : beaucoup de présence devant l’orchestre, un timbre charnu qui passe bien, mais malheureusement pas les mots du Wunderhorn, dont la plupart restent à deviner. C’est dommage, mais pas au point de grever durablement l’ambiance de cette vision idyllique.



Laurent Barthel

 

 

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