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Tosca scéniquement monumentale et raffinée musicalement

Milano
Teatro alla Scala
12/07/2019 -  et 10, 13, 16, 19, 22* décembre 2019, 2, 5, 8 janvier 2020
Giacomo Puccini : Tosca
Anna Netrebko/Saioa Hernández* (Floria Tosca), Francesco Meli (Mario Cavaradossi), Luca Salsi (Il barone Scarpia), Carlo Cigni (Angelotti), Alfonso Antoniozzi (Sagrestano), Carlo Bosi (Spoletta), Giulio Mastrototaro (Sciarrone), Ernesto Panariello (Un carceriere), Gianluigi Sartori (Un pastore)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (direction du chœur), Orchestra del Teatro alla Scala, Riccardo Chailly (direction musicale)
Davide Livermore (mise en scène), Studio Giò Forma (décors), Gianluca Falaschi (costumes), Antonio Castro (lumières), D-Wok (vidéo)


(© Brescia/Amisano - Teatro alla Scala)


Aussi étrange que cela puisse paraître, la Tosca de Giacomo Puccini n’avait encore jamais ouvert la saison de la Scala, malgré son immense popularité. C’est désormais chose faite avec la nouvelle production qui vient d’inaugurer la programmation 2019-2020. A son arrivée dans le temple lyrique milanais en tant que directeur artistique, Riccardo Chailly a entamé un cycle Puccini dans le cadre duquel il entend présenter la version originale des œuvres du compositeur. Tosca ne fait pas exception à la règle, et on entend effectivement l’opéra tel qu’il a dû résonner à Rome en janvier 1900 à sa création, avant les révisions et les coupures opérées par Puccini lui-même. Les différences sont minimes mais elles ne passent pas inaperçues : une phrase insérée dans le premier duo entre Tosca et Cavaradossi (« Non è arte, è amore, è amore), un ajout à la fin du célèbre « Vissi d’arte » (un menaçant « Risolvi » lancé par Scarpia à Tosca) ou encore les derniers accords de l’œuvre, au cours desquels on entend le thème de « E lucevan le stelle ». L’exécution musicale atteint des sommets : Riccardo Chailly n’a pas son pareil pour faire entendre chaque détail de la partition et toutes ses finesses instrumentales ; on a beau avoir écouté Tosca des dizaines de fois, certains traits n’étaient jamais apparus aussi clairement. En homme de théâtre qu’il est, le « maestro » exacerbe aussi la tension, rendant le drame vibrant et palpitant, mais sans effets de manche ni sentimentalité excessive. Seul (petit) bémol : si les musiciens de la Scala sont à leur meilleur dans les passages lyriques, avec des cordes à la douceur infinie et au soyeux superlatif, on peut néanmoins regretter qu’ils couvrent les chanteurs lorsque l’orchestration se fait fortissimo.


La réalisation scénique du spectacle a été confiée à Davide Livermore, qui avait déjà signé la production d’ouverture de la saison précédente (Attila), en décembre 2018. L’intrigue se déroule dans des décors monumentaux et surchargés qui ne sont pas sans rappeler les fastes des réalisations de Franco Zeffirelli : une église dont les différents éléments s’assemblent au fur et à mesure pour le premier acte; au deuxième acte, le plateau est divisé en deux parties : on voit d’abord l’immense bureau de Scarpia, orné d’un nombre impressionnant de tableaux et de sculptures, avant qu’il se surélève pour laisser apparaître au-dessous les geôles dans lesquelles Cavaradossi est torturé. Pour le dernier acte, un dispositif tournant représentant une immense aile de la statue du Château Saint-Ange occupe la scène. Les images vidéo sont omniprésentes tout au long du spectacle. Si Davide Livermore n’est pas un spécialiste de la direction d’acteurs, laissant souvent les chanteurs immobiles sur scène, force est néanmoins de lui reconnaître des idées intéressantes, qui éclairent l’œuvre d’un jour nouveau. La plus pertinente et la plus réussie est la fin du deuxième acte : estimant qu’une femme qui vient de commettre un meurtre ne peut pas simplement quitter le lieu de son crime après avoir remis son manteau sur ses épaules, le metteur en scène a imaginé que Tosca tuait Scarpia dans un état second, comme dans une sorte de transe (elle s’acharne sur lui en lui donnant plusieurs coups de couteau et l’achève en l’étranglant) avant de se rendre compte, hagarde et hébétée, de la monstruosité de son acte ; elle se retourne alors brusquement sur sa victime à terre et découvre un double d’elle-même avec un couteau à la main. Un double qui reviendra d’ailleurs à la toute fin de l’ouvrage, suspendu dans le vide.


Anna Netrebko devait assurer les six premières représentations de la série. Elle n’en aura finalement chanté que quatre, préférant annuler les deux dernières pour se rendre plus tôt que prévu à New York, où l’attend un concert de gala au Met. Cette désinvolture montre le peu de considération que la diva russe témoigne à son public. Appelée à la rescousse alors qu’elle ne devait chanter le rôle qu’en janvier, Saioa Hernández incarne une Tosca jalouse et impulsive, passionnée et colérique. La voix est ample et majestueuse, les aigus lumineux, mais l’interprétation ne dégage guère d’émotion. Francesco Meli est un Cavaradossi ardent et passionné, au lyrisme exacerbé, avec des aigus étincelants mais aussi de nombreuses nuances dans la voix. Diction exemplaire et expressivité de tous les instants, Luca Salsi campe un Scarpia subtilement narquois et pervers, loin de la brute qu’on associe souvent au personnage. Marque de fabrique de la Scala, les seconds rôle sont tous excellents, à commencer par le Sacristain d’Alfonso Antoniozzi et le Spoletta de Carlo Bosi. Une ouverture de saison qui restera dans les annales du théâtre milanais.



Claudio Poloni

 

 

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