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Aida en fait voir de toutes les couleurs

Geneva
Grand Théâtre
10/11/2019 -  et 12, 13, 15*, 16*, 17, 19, 20, 22 octobre 2019
Giuseppe Verdi : Aida
Elena Stikhina/Serena Farnocchia (Aida), Yonghoon Lee/Najmiddin Mavlyanov (Radamès), Marina Prudenskaya/Anna Smirnova (Amneris), Alexey Markov (Amonasro), Liang Li (Ramfis), Donald Thomson (Il Re), Denzil Delaere (Un messaggero), Claire de Sévigné (Sacerdotessa)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Antonino Fogliani (direction musicale)
Phelim McDermott (mise en scène), Joe Austin (reprise de la mise en scène), Tom Pye (décors), Kevin Pollard (costumes), Bruno Poet, Simon Trottet (lumières), Basil Twist (chorégraphie)


(© GTG/Samuel Rubio)


Kitsch, colorée et hétéroclite. C’est dans une production étrennée en octobre 2017 à l’English National Opera de Londres qu’Aïda revient sur la scène du Grand Théâtre de Genève, après vingt ans d’absence. Le spectacle vaut essentiellement pour les costumes extravagants et bariolés de Kevin Pollard, un régal pour les yeux. Ironie du sort, ce dernier a été oublié dans le programme de salle, et la direction a dû faire insérer à la dernière minute une page volante avec sa biographie en présentant ses excuses à l’intéressé. La magnificence des costumes contraste avec la sobriété des décors, plutôt sombres, composés essentiellement d’un grand cube, de colonnes, d’un obélisque et d’une cage métallique où sont enfermés les prisonniers éthiopiens puis Radamès. Cette production se caractérise aussi par son caractère totalement hétéroclite, tant les styles sont différents: on y voit aussi bien des soldats armés façon Robocop et des généraux aux uniformes fascistes que des danseurs ressemblant à des spectres et des choristes habillés de costumes folkloriques nordiques avec des cornes sur la tête ainsi que des femmes vêtues de longues robes et de voiles évoquant l’Espagne, bref tout y passe. Comme la direction d’acteurs est sommaire et figée, laissant les chanteurs livrés à eux-mêmes, ce sont véritablement les costumes qui retiennent toute l’attention.


Musicalement, les choses ne sont pas aussi disparates. A la tête d’un Orchestre de la Suisse Romande dont les solistes peuvent donner la pleine mesure de leur talent (on pense notamment à la flûte, au hautbois, à la harpe et aux célèbres trompettes), Antonino Fogliani dirige le chef-d’œuvre de Verdi avec précision et homogénéité, à défaut de véritable inspiration. Sa lecture claire et transparente fait entendre des détails insoupçonnés, notamment dans le Prélude. Le phrasé est finement ciselé, le clair-obscur intelligemment construit, mais le sens dramatique fait défaut, si bien que l’ennui guette parfois. Deux distributions alternent dans les rôles principaux. Timbre de velours, voix souple et ronde, Elena Stikhina est une Aida noble et touchante, quand bien même ses aigus manquent de sûreté et de précision. Habituée à Mozart et au belcanto, Serena Farnocchia manque, elle, d’envergure vocale pour le rôle-titre et son incarnation s’en ressent, l’héroïne se retrouvant ici en retrait, même si la soprano italienne n’en livre pas moins un portrait émouvant et se permet le luxe de pianissimi ensorcelants grâce à une technique vocale hors pair. Voix de stentor, Yonghoon Lee incarne un Radamès héroïque et guerrier, avec des aigus puissants et stupéfiants, mais aussi un magnifique decrescendo sur la note finale du célèbre « Celeste Aida », comme l’a écrit Verdi. Son portrait tout en force du général égyptien est aux antipodes de celui brossé par Najmiddin Mavlyanov, qui campe, lui, un Radamès vocalement plus nuancé, quoique moins brillant, et scéniquement plus en proie au doute. Avec son timbre de velours, Marina Prudenskaya incarne une Amnéris au regard louvoyant, chatte qui, lorsqu’elle se sent acculée, sort les griffes pour se faire tigresse. Anna Smirnova ne connaît, pour sa part, qu’une seule nuance, le forte, et sa présence scénique se révèle monolithique ; heureusement, le IIIe et le IVe actes voient la mezzo nuancer quelque peu son chant. Quant aux rôles secondaires, ils sont interprétés – avec des bonheurs divers – par les mêmes chanteurs pour toute la longue série de représentations. Avec son timbre sonore et bien projeté, doublé d’un «egato qui n’a rien à envier à celui des plus grands barytons verdiens, Alexey Markov campe un Amonasro digne d’éloges. Le Ramfis de Liang Li impressionne par ses accents puissants. Le Roi de Donald Thomson est une erreur de casting, tant le chanteur est peu idiomatique dans le personnage. Il est heureusement vite oublié, au contraire de la magnifique Prêtresse de Claire de Sévigné, à la voix chaude et sensuelle.



Claudio Poloni

 

 

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